





"Monstre sacré"
Juliette Binoche n'apprécie pas cette expression. Surtout quand on l'associe à des auteurs d'agressions sexuelles. Des faits pour lesquels a justement été condamné Gérard Depardieu, "l'ogre" du cinéma français. Présidente du Festival de Cannes, l'actrice Césarisée s'est exprimée sur le verdict de la justice à propos du célèbre comédien - 18 mois de prisons avec sursis...
Et ses mots sont limpides : "Déjà l’association de monstre et sacré m’a toujours gênée. Ce n’est pas un monstre, c’est un homme..."
Et l'actrice de poursuivre avec gravité : "Gérard Depardieu est un homme, qui a été désacralisé, apparemment, pour des faits passés sous la justice. Une star de cinéma est un homme, un roi est un homme, un président est un homme".
Pour rappel, Gérard Depardieu a été reconnu coupable de violences sexuelles par le tribunal judiciaire de Paris ET condamné pour des faits qui ont pris place sur le tournage du film Les Volets Verts de Jean Becker en 2021.
Juliette Binoche, entre deux évocations de la compétition et des enjeux politiques relatifs à l'actualité, a développé sur ce sujet polémique, celui du monstre sacré toujours, et de l'icône culturelle : "Le sacré advient quand on crée, on joue, on met en scène. Il ne nous appartient pas. Quand il est désacralisé comme il l’est en ce moment, ça fait réfléchir sur le pouvoir qu’ont certaines personnes".
Un discours qui n'étonnera guère les connaisseurs de la star...
Car ça fait longtemps que l'actrice élève effectivement la voix et soutient le mouvement #MeToo. Rappelez-vous.
Dans Libé déjà, en 2024, l'espace d'un long "panorama" sur son expérience d'actrice, Juliette Binoche accusait le cinéaste Pascal Kané d'avoir tenté de l'embrasser de force alors qu'elle n'avait que la vingtaine, aux prémices de sa carrière, laquelle va s'étaler 40 ans durant. Au journal, elle affirmait également que sur le tournage du sulfureux "Rendez vous" d'André Téchiné, une main "est venue subitement toucher son sexe".
"On ne m'avait pas prévenue, et encore moins demandé mon accord. Je n'ai jamais su si cette main provenait d'une demande du metteur en scène, ou si c'était l'acteur qui avait pris cette liberté et je n'ai pas trop envie de le savoir", dénonce-t-elle. A Libération toujours, Juliette Binoche accuse le réalisateur américain, Philip Kaufman, lors du tournage de "L'Insoutenable Légèreté de l'être". d'être entré dans sa caravane "pour la peloter".
"Je l'ai repoussé, il n'a pas insisté. J'avais quelques repères de méfiance dès ma vingtaine"
Dans ces pages, c'est tout un système que la star a dénoncé.
Et plus encore, une époque : le cinéma français des années 90, plus particulièrement le cinéma d'auteur, célébré par la presse culturelle d'alors, notamment dans le milieu parisien : "Dans les années 90 il n'y avait pas un scénario sans une scène nue. J'ai appris à sauter dedans, comme on plonge en mer froide, tête la première. J'acceptais tout avec fougue. Les coups bas, les gestes déplacés, les remarques sexistes : je ne les oublie pas"
Mais Juliette Binoche n'a jamais cessé de s'attaquer aux "monstres sacrés".
Ainsi se confronte-t-elle dans une interview récente à l'icône de la Nouvelle Vague : Jean-Luc Godard.
La comédienne dénonce effectivement à Madame Figaro. : "On apprend des coups bas, des machismes. Les premiers castings, avec Godard par exemple, c’était difficile. On était matées. Ces scènes nues, les demandes… parfois les agressions. Cette espèce d’abus… mais qui n’avait pas le masque de l’abus".
Une indignation nécessaire pour la présidente du Festival de Cannes.