"Les mains noires ne vendent pas de bijoux" : elle dénonce le racisme dans le mannequinat

Publié le Mardi 16 Juin 2020
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
"Les mains noires ne vendent pas de bijoux" : elle raconte le racisme dans le mannequinat
"Les mains noires ne vendent pas de bijoux" : elle raconte le racisme dans le mannequinat
La pâtissière Nadiya Hussain a partagé sur Instagram une expérience glaçante datant de son adolescence. Alors qu'elle répondait à une annonce de casting pour des photos de mains, elle a été confrontée au racisme crasse de la marque.
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Nadiya Hussain est passionnée de cuisine. Elle en écrit des livres et a même participé au Great British Bake Off, émission britannique culte diffusée sur la BBC, qui déchaîne les passions chaque année. Sur son compte Instagram, elle a l'habitude de partager des recettes, des photos de desserts et des clichés de ses trois enfants. Mais ce samedi 13 juin, elle a souhaité adresser un fléau qui la ronge : le racisme auquel elle est, et a été, confrontée.

Elle raconte un événement qui date de son adolescence : "Je répondais à une annonce dans le journal, à l'époque où nous cherchions du travail dans le journal... il y avait une annonce pour un modèle de main nécessaire pour modeler des bijoux. J'ai appelé. J'ai pris un rendez-vous. Aucune expérience préalable n'était requise. J'avais des mains, j'avais besoin d'argent, alors je me suis dit que c'était une évidence !" Pourtant, lorsqu'elle arrive sur place, la certitude s'évapore, et le silence s'installe dans la foule de "visages et de mains blancs".

"La salle s'est tue", poursuit-elle. "La réceptionniste a trébuché. Je me suis assise pendant qu'elle appelait quelqu'un. Une femme est venue me saluer. Je me suis dit que c'était mon tour de montrer mes mains. Elle m'a dit : 'Je suis désolée de ne pas avoir su que vous étiez noire', 'Oui, c'est vrai, mais l'annonce voulait des mains, j'ai des mains', 'Les mains noires ne vendent pas de bijoux'."

Nadiya Hussain confie alors que le sang lui est immédiatement monté au visage. "J'étais si gênée que j'étais maintenant d'un ton bordeaux profond", décrit-elle. "Je n'ai jamais vraiment pensé à mes mains, jusqu'à ce que la couleur de la peau qui les recouvrait m'empêche de trouver un emploi. Quand on est adolescente, déjà un peu perdue, des mots comme ça marquent."

Aujourd'hui âgée de la trentaine, ses mains sont partout dans ses livres de cuisine et dans les émissions culinaires qu'elle anime. Cela ne l'empêche pas de repenser à ce qu'on lui a dit, ce jour-là, et de complexer. "Je les regarde et j'ai encore une graine de doute incrustée qui me dit que les gens doivent être dégoûtés par la vue de mes mains noires".

Son post s'accompagne de deux photos : un portrait dans lequel elle montre ses mains, et un deuxième cliché, dans la même position, majeurs levés. "Vous savez ce que j'en pense maintenant", lance-t-elle en référence aux doigts d'honneur. "J'utilise mes mains avec fierté et je leur permets (...) de tenir les mains de mes enfants et de caresser leurs petits visages, de cuisiner, de nourrir". Elle explique d'ailleurs qu'aujourd'hui, elle travaille avec la marque de bijoux Swarovski. "Nous devons commencer à représenter avec nos voix, avec nos yeux, avec nos pensées, avec nos coeurs et avec nos mains !", conclut-elle.

Un message fort qui aura le don d'inspirer aussi bien les petites filles de couleur que les marques.