Rentrée littéraire 2016 : nos 5 romans coup de coeur

Publié le Lundi 29 Août 2016
Anaïs Orieul
Par Anaïs Orieul Journaliste
Rentrée littéraire 2016 : notre sélection de 5 romans
Rentrée littéraire 2016 : notre sélection de 5 romans
Impressionnante et massive. Avec plus de 550 romans sortis entre août et septembre, la rentrée littéraire 2016 a de quoi effrayer le lecteur le plus zélé. Vous ne savez déjà plus où donner de la tête ? On vous aide un peu avec notre sélection de romans coup de coeur. Cinq livres intenses, parfois drôles, touchants, et surtout, très différents.
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Qui dit rentrée littéraire, dit coups de coeur. Après la plongée en apnée de Simon Liberati et Emma Cline dans la secte de Charles Manson et alors que l'on est encore hanté par le premier roman sensuel de Line Papin, on vous livre sur un plateau nos 5 romans chouchous. De quoi s'évader un peu pour la rentrée.

1- Ada, d'Antoine Bello

Ada, d'Antoine Bello
Ada, d'Antoine Bello

De quoi ça parle ? Ada est intelligente, brillante et drôle. Elle pourrait être la petite amie idéale, sauf qu'Ada est une intelligence artificielle révolutionnaire qui vient de s'échapper d'une boîte informatique. Créée pour écrire le roman à l'eau de rose parfait, Ada se met en tête de faire une révolution. Frank Logan, policier dans la Silicon Valley, est chargé de la retrouver. Pas franchement familier des nouvelles technologies, ce flic sympathique va vite se rendre compte que les pouvoirs d'Ada pourraient mettre en danger l'humanité entière.

Pourquoi on aime ? Terriblement d'actualité, Ada est à la fois un roman policier, une critique du monde littéraire et un roman d'anticipation. Que se passerait-il si une intelligence artificielle se retrouvait dans la nature ? Avec un humour piquant, Antoine Bello nous fait miroiter un futur pas franchement rose dans lequel l'homme pourrait être remplacé par les machines. Se moquant ouvertement de toutes ces start-up menées par "des gamins de 25 balais (...) trop jeunes pour comprendre la philanthropie", l'auteur en profite également pour égratigner au passage le snobisme des amateurs de belles lettres. Drôle et enlevé, Ada pousse aussi à la réflexion. Et puis franchement, comment ne pas tomber sous le charme très vieille école de Frank Logan ?

Ed. Gallimard, 368 pages, 21 euros

2- Amour monstre, de Katherine Dunn

Amour monstre, de Katherine Dunn
Amour monstre, de Katherine Dunn

De quoi ça parle ? Chez les Binewski, la normalité est perçue comme une difformité. A la tête d'un cirque itinérant, Al et Lil décident de doper les grossesses de cette dernière à coup de pilules et de radiations. Objectif : engendrer des enfants particuliers et créer ainsi un Freak Show inoubliable. Entre les soeurs siamoises, l'aquaboy, et le petit frère aux talents très particuliers, Oly, naine bossue et albinos, tente de se faire une place. Entre passé et présent, elle se souvient d'une époque révolue et fait se percuter les notions de beauté et de laideur.

Pourquoi on aime ? Sorti en 1989 aux Etats-Unis, finaliste du National Book Award, Amour monstre aura donc mis près de trente ans à se voir offrir une traduction française. Mais si l'attente fut longue, elle valait définitivement le coup. Car Amour monstre, voyez-vous, a mérité l'aura de culte qui l'entoure. Dense, touchant, mais aussi inquiétant, ce roman remet en cause notre vision très normée de la beauté. Chez les Binewski, on célèbre la difformité, au point que les enfants jugés trop normaux sont abandonnés sur le trottoir. Le laid devient beau, mystique même. Quant aux monstres, aux vrais, ils sont finalement bien ordinaires. En apparence du moins. L'amour que nous conte Katherine Dunn est hors-norme, tabou, mais immensément beau.

Ed. Gallmeister, 472 pages, 24,80 euros

3- Nora Webster, de Colm Toibin

Nora Webster, de Colm Toibin
Nora Webster, de Colm Toibin

De quoi ça parle ? Une petite ville d'Irlande, à la fin des années 60. Depuis le décès de son époux, Nora élève seul ses quatre enfants. Sous le regard mi- critique mi- médusé de ses voisins, elle décide de reprendre sa vie par les rênes. Nora retrouve du travail après vingt ans consacré à son foyer, elle colore ses cheveux, se met au chant. En quête d'indépendance, elle affirme enfin sa personnalité.

Pourquoi on aime ? Après Brooklyn, Colm Toibin livre un nouveau portrait de femme et le fait avec une grande délicatesse. Nora a perdu son époux, ses repères, elle ne sait plus comment agir avec ses enfants. Puis, elle doit faire face aux cancans dès qu'elle s'accorde quelques libertés. Mais loin de se laisser abattre, cette héroïne se déploie peu à peu. Elle rit, se moque des autres, se montre opiniâtre, et va même jusqu'à se syndiquer – un acte fort qui ne lui serait jamais passé par la tête avant. Analyse puissante du deuil, Nora Webster est un roman qui émeut forcément. Naviguant entre ses souvenirs de jours plus heureux et son présent empreint d'une liberté nouvelle, la mère courage engoncée dans les carcans, se mue peu à peu en femme moderne. Un roman juste, entre légèreté et gravité.

Ed. Robert Laffont, 414 pages, 21 euros

4- Images fantômes, d'Elizabeth Hand

Images fantômes, d'Elizabeth Hand
Images fantômes, d'Elizabeth Hand

De quoi ça parle ? Dans les années 70, Cass Neary a connu un succès éclair avec son recueil de photographies Filles mortes. Mais vingt ans plus tard, la punk new-yorkaise s'est muée en alcoolique anonyme. Quand on lui propose d'interviewer Aphrodite Kamestos, une photographe star des années 60 recluse sur une île perdue dans le Maine, Cass ne met pas très longtemps à accepter. Mais sa rencontre avec son maître ne va pas se passer comme elle l'attendait. Une île refermée sur elle-même, des habitants hostiles, des personnes qui disparaissent sans laisser de trace... en voulant affronter ses démons, la photographe pourrait bien se perdre.

Pourquoi on aime ? C'est le roman rock'n'roll de cette rentrée littéraire. Mais un rock'n'roll bien cracra, à l'image de son héroïne, photographe devenue célèbre grâce à ses photos de cadavres. D'un côté donc, une punkette quarantenaire bourrue et malmenée par la vie. De l'autre, un Maine inquiétant qui rappellera plus celui dépeint dans les romans de Stephen King que dans ceux de John Irving. Et au milieu ? Une intrigue entêtante, de celles qui nous poussent à tourner les pages au point de frôler l'insomnie. Intense thriller, Images fantômes plaît aussi pour sa critique envers l'art et ses références très solides en matière de photographie. Et puis il y a cette héroïne en santiags, antipathique, insaisissable mais finalement, aussi envoûtante que l'île brumeuse sur laquelle elle accoste.

Super 8 éditions, 432 pages, 19 euros

5- Muse, de Jonathan Galassi

Muse, de Jonathan Galassi
Muse, de Jonathan Galassi

De quoi ça parle ? De littérature et de poésie ! Paul Dukach est éditeur chez Purcell & Stern, une maison indépendante new-yorkaise un brin miteuse et bohème, mais au catalogue en or massif. Comme le président de la maison – et son père spirituel – Homer Stern, Paul convoite une auteure en particulier : Ida Perkins, poète adorée de toute l'Amérique et objet de son adoration depuis son adolescence. Mais Ida est publiée depuis toujours chez Impetus, la maison d'édition de son cousin et premier amour, Sterling Wainwright. Vieillissante mais toujours ensorcelante, Ida rencontre un jour Paul dans le palais vénitien où elle s'est retirée. De confessions en secrets révélés, la magicienne des mots va changer la vie du jeune éditeur et peut-être celles de bien d'autres personnes encore.

Pourquoi on aime ? Muse est un roman flamboyant. Un hommage au monde littéraire nostalgique mais aussi piquant. Ménager les auteurs et leurs egos, survivre à un milieu où les requins côtoient les hypocrites, où les rêveurs sont mis au ban... Lui-même président des éditions Farrar, Strauss & Giroux, Jonathan Galassi maîtrise parfaitement son sujet. Et s'il égratigne ses confrères, c'est pour mieux les enrober ensuite de toute sa tendresse. Regardant d'un oeil perplexe un métier en perpétuelle métamorphose, il se fait doux dès que le nom d'Ida est prononcé. Physiquement peu présente, la muse plane pourtant sur toutes les pages. C'est elle qui rend fous les hommes et même les femmes. Voguant entre fiction et réalité, le roman de Jonathan Galassi en vient jusqu'à nous faire douter. Ida Perkins a-t-elle existé ? Malheureusement non, et c'est bien là notre souci.

Ed. Fayard, 272 pages, 20,90 euros