« Le monde d'Hannah », par Ariane Bois

Publié le Mardi 01 Novembre 2011
« Le monde d'Hannah », par Ariane Bois
« Le monde d'Hannah », par Ariane Bois
C'est un second roman bouleversant que nous livre Ariane Bois : « Le monde d'Hannah », ou l'histoire d'une petite fille juive d'origine turque vivant dans le Paris des années 40, et forcée de s'exiler pour échapper aux nazis. On y redécouvre la Deuxième Guerre Mondiale à travers les yeux d'une enfant, et on rencontre une communauté souvent oubliée dans les manuels d'Histoire.
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Dans le Paris de la Seconde Guerre mondiale, l'amitié intense de deux enfants, qu'un secret impensable finira par séparer. Au-delà de son intérêt historique, « Le monde d’Hannah » est un roman intime et marquant. Il nous plonge au sein de la communauté juive et turque dont on parle peu lorsque l’on évoque les heures troubles de la France des années 40. Son auteur, Ariane Bois signe ainsi son deuxième roman, après « Et le jour sera pour eux comme la nuit » . Elle est également grand reporter au sein du groupe Marie Claire.

Terrafemina : Pourquoi ce titre, Le monde d’Hannah ?

Ariane Bois : L’idée est de dépeindre les différents mondes d’Hannah. Tout d’abord son passé judéo-espagnol, au sein de la communauté du XIe arrondissement de Paris, qui disparaît progressivement. Mais aussi Le monde de l’avenir pour Hannah, à savoir celui du journalisme et de l’ouverture sur les autres, à l’aube de Mai 68 (date à laquelle s’achève le livre). Et enfin Le monde intérieur de Hannah, peuplé de fantômes.

TF : Certains passages sont bouleversants. Pourquoi avoir voulu dépeindre la férocité d’une époque à travers un regard d’enfant ?

A.B. : Cette histoire vient de mes origines familiales car mes grands-parents et mes parents étaient des juifs turcs qui ont fait ce voyage (N.B. : Hannah fuit l’Occupation avec sa mère et prend un train pour Istanbul où elles se réfugient jusqu’à la Libération). Je voulais montrer ce que cela fait pour une petite fille de rentrer dans un pays qu’elle ne connaît pas, et de se sentir étrangère partout. En France, Hannah était devenue exclue au quotidien : plus de TSF autorisée à la maison, plus le droit de prendre des cours de danse, plus le droit d’aller au parc, victime d’antisémitisme jusque dans la cour de son école… Et quand Hannah revient en France, comment fait-elle pour se reconstruire dans un monde qui l’a rejetée ?

TF : Le thème de l’amitié est très présent, entre Hannah et Suzon, une petite fille française qui semble complètement passer à côté de la guerre…

A.B. : une partie du récit est vraie puisque ma mère a bel et bien rencontré une fille à 8 ans qui par la suite est devenue ma marraine. Ma question avec ce roman était : comment faire perdurer une amitié pendant la Deuxième Guerre Mondiale, entre une petite fille juive et une non-juive ? C’est un lien fort et moins exploré dans les romans sur cette époque. Et puis il y a ce secret qu’Hannah découvre des années plus tard et qui pose une autre question : comment une famille qui n’est pas collabo a-t-elle pu devenir complice simplement en ne prévenant pas du danger ?

TF : Hannah choisit finalement le grand journalisme, comme votre mère…

A.B. : Ma mère m’a biberonnée aux histoires de tous les grands journalistes qui ont marqué les années 60. À l’époque, ceux de France Soir étaient les rois du monde avec leurs 2 millions de lecteurs… on leur payait des voitures avec chauffeurs pour qu’ils puissent tranquillement écrire leur article à l’arrière. Ce n’est plus vraiment le cas aujourd’hui ! Je voulais montrer que le métier a changé et qu’il est une source d’émancipation pour les femmes.

TF : Le monde d’Hannah tourne autour d’un drame familial, comme votre premier roman, mais à une époque différente ?

A.B. : Les deux romans traitent des mêmes thèmes intérieurs, ou comment vivre avec ses fantômes, avec l’absence et le deuil. Mon troisième roman est actuellement en lecture : c’est un recueil de nouvelles très légères inspirées de mon métier au sein de la presse féminine. Le quatrième est en cours d’écriture et s’inspirera également d’une expérience familiale, c’est tout ce que je peux dire.

Crédit photo : Nathalie Bermudes

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