"Baissez votre culotte" : une campagne britannique pour le frottis ne passe pas

Publié le Jeudi 10 Juin 2021
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
"Baissez votre culotte" : une campagne pour le dépistage du cancer du col de l'utérus ne passe pas
"Baissez votre culotte" : une campagne pour le dépistage du cancer du col de l'utérus ne passe pas
Sur l'île britannique de Guernesey, une initiative menée par le gouvernement local pour inciter les femmes à se faire dépister du cancer du col de l'utérus a fait du bruit. Mais pas celui escompté. En cause, le slogan jugé "pervers" qui lui a été associé : "Baissez votre culotte".
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#DropYourPants. "Baissez votre culotte". Contre toute attente (et preuve de sensibilité), ce slogan a été choisi pour encourager "toutes les personnes ayant un col de l'utérus" et résidant sur l'île de Guernesey, située au large du Royaume-Uni, à avoir recours à un frottis gratuit. L'examen gynécologique, à réaliser à 30 ans en France, permet de dépister le cancer du col de l'utérus chez la patiente par le biais d'un prélèvement vaginal, et consiste donc en un rendez-vous à prendre particulièrement au sérieux.

Sérieux que la campagne lancée le 7 juin sur Twitter n'a pas réussi à laisser transparaître, à lire l'avis de nombreuses internautes. Bien au contraire, celles-ci ont plutôt été choquées de voir que le gouvernement local osait une blague aussi douteuse, rapidement qualifiée de "grossière", "perverse", et comportant des "connotations sexuelles et violentes".

"C'est quoi ce bordel ? [Ces mots] sont grossiers, désinvoltes et offensants", réagit notamment une utilisatrice. "Certaines femmes évitent déjà les frottis en raison d'expériences traumatisantes antérieures - ce hashtag ne fait rien pour les mettre plus à l'aise", s'indigne une autre.

Une troisième pointe justement que "demander aux femmes de [baisser leur culotte] a des connotations sexuelles et violentes qui ne sont pas utiles quand il s'agit de dépistage du cancer du col de l'utérus". Et d'ajouter, ciblant le phrasé du tweet original : "Je pense que les campagnes de santé publique devraient indiquer clairement qui a besoin [de l'examen]. Je ne pense pas qu'il soit utile de réduire les gens à des parties du corps."

"Il est important que personne ne se sente exclu"

A ce sujet, Samantha Dixon, directrice générale de l'organisation caritative nationale Jo's Cervical Cancer Trust, insiste auprès de la BBC qu'il est essentiel que le message touche le plus grand nombre de personnes possible.

Selon elle, "de nombreux facteurs peuvent rendre le dépistage du cancer du col de l'utérus difficile, notamment la peur, la gêne, le temps ou l'expérience d'un traumatisme". Sur le choix des mots, elle précise : "La majorité des personnes susceptibles d'en bénéficier s'identifient comme des femmes, mais les hommes transgenres ou les personnes non-binaires peuvent également avoir un col de l'utérus ; il est donc important que personne ne se sente exclu ou ne pense que le dépistage n'est pas pour iel", a-t-elle ajouté.

"En utilisant 'les femmes et les personnes ayant un col de l'utérus', nous pouvons nous assurer que les messages susceptibles de sauver des vies atteignent toutes les personnes qui en ont besoin."

Aussitôt postée, aussitôt retirée

#DropYourPants devient #SmearReady
#DropYourPants devient #SmearReady

Du côté des Etats de Guernesey, on essaie d'expliquer tant bien que mal la démarche, et le processus de création qui a amené à valider l'idée. "En ce qui concerne le slogan 'Baissez votre culotte', il a été conçu conjointement avec des partenaires du secteur tertiaire et des premiers soins, qui ont mis au point une campagne créative de décoration de culottes pour mieux faire connaître le programme de dépistage", détaille un·e porte-parole dans un communiqué.

Le but ? Atteindre 80 % de personnes concernées dépistées, contre 60 % chez les 25-49 ans et 63,5 % chez les 50-65 ans, rapporte encore la BBC. Devant le tollé provoqué par le résultat en quelques heures seulement - quand la campagne devait durer 3 semaines - des mesures ont toutefois été prises, et rapidement. "Nous sommes conscients que certaines personnes se sont senties offensées et nous l'avons retiré de nos propres posts sociaux (sans pour autant supprimer le premier tweet, ndlr)".

Désormais, c'est uniquement le slogan #SmearReady, "prêt·e pour le frottis", qui trône sur les affiches. A voir si cela rattrapera le raté. Espérons en tout cas que la version 2.0 convainque les foules de passer outre une mauvaise communication, et de prendre rendez-vous en masse pour cette examen indispensable.