"Bling Empire" : au milieu du luxe et des paillettes, une relation toxique

Publié le Vendredi 05 Février 2021
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
Manipulation, culpabilisation, chantage affectif : une relation toxique dans "Bling Empire".
Manipulation, culpabilisation, chantage affectif : une relation toxique dans "Bling Empire".
"Bling Empire" est la nouvelle télé-réalité signée Netflix, qui documente avec succès le quotidien luxueux de la communauté asiatique richissime de Los Angeles. Des diamants, des fringues de créateur, des fêtes... Et au milieu, une relation ultra-toxique.
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Le 15 janvier dernier, Netflix présentait son nouveau reality-show : Bling Empire, ou L'Empire du bling en VF. Une émission concoctée par Jeff Jenkins (L'Incroyable famille Kardashian), qui suit des protagonistes richissimes issu·e·s de la communauté asiatique de Los Angeles dans leur vie palpitante de tous les jours. Là-bas, pas de Covid (et pas de script non plus jurent les participant·e·s), mais des réceptions démesurées, des après-midis shopping à domicile avec les stylistes de Dior et des escapades parisiennes au Plaza Athénée. Ah, le bon vieux temps des gens qui ne comptent pas leurs millions.

Niveau qualité, c'est tout ce qu'on lui demande. On se délecte des querelles pas vraiment crédibles pour une histoire de sextoy, on commente les réconciliations surjouées en haut d'un rooftop avec vue imprenable sur Berverly Hills, on rit de l'audace d'un des couples d'avoir baptisé leur fille Jadore, et on verse une larmichette devant quelques conversations à coeur ouvert sur des sujets plus poignants.

La recherche de la famille biologique du personnage principal, Kevin Kreider, adopté en Corée du Sud par des parents américains et blancs, ou l'infertilité de Christine Chiu et de son mari le Dr Gabriel Chiu, "descendant direct de la dynastie Song", dynastie impériale chinoise qui régnait du Xe au XIIIe siècle, comme elle se plait à le souligner.

Et puis, on s'énerve. On s'énerve devant la relation de Kelly Mi Li et Andrew Gray qui nous hérisse les poils tant elle pue la manipulation, le narcissisme et le chantage affectif.

Cris, culpabilisation et peur de l'abandon

Le couple apparaît pour la première fois dans une séquence horriblement longue et gênante de câlins et de baisers langoureux dans leur salle de bain. Rapidement, on nous explique que Kelly Mi Li, 35 ans, a fait fortune en investissant dans différentes start-ups du monde la tech, puis dans la gestion de talents, le merchandising, l'immobilier et actuellement, la production de films. Andrew Gray, 33 ans, était le Power Rangers rouge dans l'oubliable - et d'ailleurs oublié - Power Rangers Megaforce.

Une femme d'affaires accomplie, un acteur en mal de projets. D'après elle, il est "honnête", "très passionné" et "a un grand coeur". D'après lui, c'est la femme de sa vie, et il veut la passer à ses côtés. Déterminé, c'est le moins qu'on puisse dire.

A plusieurs reprises, ses ami·e·s émettent des doutes quant à la raison pour laquelle elle s'est amourachée du jeune homme. Devant eux, ses arguments sont moins romantiques, puisque de "grand coeur" elle passe à "il ne me trompe pas", avançant que jusque-là, ses ex allaient toujours voir ailleurs. Ce à quoi on lui fait remarquer, à juste titre, qu'il ne s'agit pas d'une qualité mais de la "base" d'une relation équilibrée - et de décence humaine que de ne pas fourrer à tour de bras sans prévenir sa partenaire. Kelly Mi Li semble se contenter de peu, mais c'est son choix.

Sauf que tout bascule lorsque le doux Andrew pique une crise inattendue en plein voyage express à Paris. Sa dulcinée est partie faire le tour des boutiques de joaillerie de luxe avec son amie (et icône du show) Anna Shay, pensant qu'il apprécierait dormir pour rattraper le décalage horaire. Il se réveille visiblement désemparé, l'appelle et lui hurle dessus dans une séquence hallucinante. Et honnêtement, pénible à regarder.

Insultes, cris, culpabilisation : Andrew souffre d'une peur de l'abandon coriace qu'il décharge sur le dos de sa petite amie. Toxique à l'état pur. Et à en croire Kelly, ce comportement n'a rien d'exceptionnel.

"Si je commence à lui envoyer des SMS ou à l'appeler, ce sera sans fin", explique-t-elle après avoir raccroché, alors que son téléphone surchauffe sous les sollicitations harcelantes du contrarié. "D'habitude, il va vouloir que je sois coincée dans une pièce avec lui jusqu'à ce que nous ayons trouvé une solution et parfois, cela peut prendre huit heures". Clairement alarmant. Anna Shay, témoin bouche bée de la scène, confiera en coulisse "There ain't no dick that good", une réplique devenue culte qui se traduit en gros par : "Aucune bite ne vaut d'être traitée ainsi". Preach.

Seulement, c'est bien plus compliqué que ça, et la téléréalité le prouve avec une triste fidélité.

Un tableau fidèle et déstabilisant

"Bling Empire" : au milieu du luxe et des paillettes, une relation toxique
"Bling Empire" : au milieu du luxe et des paillettes, une relation toxique

Au fil des épisodes, on plonge dans les mécanismes malsains de leur histoire. On découvre comment Andrew opère et on saisit pourquoi partir est plus facile à dire qu'à faire. Les caméras les accompagnent chez une thérapeute conjugale, documentent la façon dont il lui reproche de ne pas "honorer leur relation", ce qui "provoquerait" sa frustration, alors qu'il l'"aime tellement". Des ressorts classiques de violences psychologiques. La jeune femme balaye ses torts, certainement pour se protéger, prétextant qu'il n'a "pas de mauvaises intentions, au fond".

"Lorsque nous choisissons d'ignorer le mal qui nous a été fait, qu'il soit grand ou petit, parce qu'ils 'ne le pensaient pas', nous nous ignorons nous-mêmes", insiste à ce sujet la journaliste Georgia Aspinall, qui a décrypté cette partie de la série pour Grazia UK. "Le résultat du mal doit toujours passer avant l'intention qui le sous-tend, et cela signifie que nous devons toujours passer avant le conjoint qui nous cause du tort."

Kelly est, comme beaucoup de femmes qui tombent sous l'emprise d'un pervers narcissique, attendrie par la fragilité de son partenaire. Elle lui trouve des excuses comme on le ferait avec un enfant, car la vérité est trop dure à accepter. Ce, malgré l'intime conviction que cette relation l'abime davantage chaque jour, et l'insistance de son entourage pour mettre les voiles. Il "devient un peu fou parfois", admet-elle à ses proches. "On se bat ici et là - mais c'est le cas de tous les couples, non ? Il n'y a pas de relation parfaite, on se dispute."

Un jour pourtant, elle en a assez. Elle trouve la force de ne plus craquer face aux promesses d'Andrew et son envie de "changer". Grâce à la psy. Un encouragement à demander de l'aide auprès d'un·e professionnel·le - et un aperçu de ce à quoi peut ressembler une relation toxique en général - qui, on l'espère, ne passera pas inaperçu auprès des spectateurs et spectatrices. Kelly quitte Andrew, en pleurs, épuisée. Une victoire, qui ne durera malheureusement pas, au grand dam de nombreux·ses fans.

Andrew Gray et Kelly Mi Li, une relation toxique à l'état pur.
Andrew Gray et Kelly Mi Li, une relation toxique à l'état pur.

Aujourd'hui, selon plusieurs médias américains, la jeune femme serait retournée dans les bras du comédien, lequel accuse la production de Bling Empire de "manipulation" et de "mauvais montage" pour lui donner le mauvais rôle. Tiens, tiens. Il aurait de plus "grandi" depuis le tournage, et leur couple serait "plus heureux et sain qu'il ne l'a jamais été". "Nous recherchons tous deux un amour inconditionnel", assure de son côté Kelly Mi Li, expliquant entamer leur septième année ensemble. "Pour moi, Andrew en vaut la peine, et Andrew et notre vie future valent la peine de se battre".

Deux questions nous taraudent toutefois : combien de temps la prétendue parenthèse enchantée va-t-elle durer, et, la stabilité récemment acquise du jeune homme peut-elle vraiment racheter une attitude aussi problématique ? Quoiqu'il en soit, de cette dernière et des conséquences nocives qui en résultent, il en reste le seul responsable.