"Marcher sur l'eau", le docu d'Aïssa Maïga sur la vie sans eau des femmes peules

Publié le Mercredi 10 Novembre 2021
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
"Marcher sur l'eau", d'Aïssa Maïga.
Dans son second documentaire, sélectionné à Cannes, l'actrice et réalisatrice Aïssa Maïga suit le quotidien de femmes et d'enfants peul·e·s au Niger. Au coeur de son récit : l'absence menaçante d'eau que les villageoises doivent aller chercher à 10 kilomètres du village.
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Illustrer concrètement les conséquences du réchauffement climatique, c'est ce qu'a souhaité à faire, "sans misérabilisme" précise-t-elle, l'actrice et réalisatrice engagée Aïssa Maïga dans son documentaire Marcher sur l'eau. Un film coécrit avec Ariane Kirtley de l'ONG Amman Imman (qui signifie "L'eau c'est la vie"), tourné entre 2018 et 2020 au Niger auprès de femmes et d'enfants peul·e·s.

Dans la région de l'Azawak, zone aride du pays enclavé limitrophe du Mali et de l'Algérie, la saison des pluies s'écourte, l'eau se raréfie, et les parents n'ont souvent d'autres choix que de quitter leur village pour trouver des ressources indispensables à leur survie par-delà les frontières, laissant leurs petit·e·s de longues semaines.

Le puits le plus proche de Tatiste, où la réalisatrice a posé sa caméra, est à 10 kilomètres, explique Houlaye, adolescente de 14 ans. Elle s'y rend tous les jours en compagnie d'autres jeunes filles, ce qui l'empêche d'aller à l'école assidûment. La solution pour une vie meilleure résiderait peut-être dans la création d'un forage, qui donnerait accès à l'eau stockée dans le lac aquifère situé juste en-dessous du sol stérile.

"Transmettre une émotion qui nous rassemblera tous"

"[J'ai voulu] montrer comment des gens, qui vivaient dans un milieu qui n'était pas hostile, se retrouvent en quelques années à souffrir du manque d'eau et sont contraints de migrer. Et ca, c'est à cause du réchauffement climatique", a expliqué Aïssa Maïga à Cannes, auprès de l'AFP. "Le manque de considération que les personnes à la peau noire subissent sur cette planète est tellement délirant que pour moi faire un film là-dessus, c'était éviter impérativement l'écueil du misérabilisme", a-t-elle ajouté.

Auprès d'Allociné, elle confie l'attachement particulier qu'elle a avec cette partie du monde. "L'Afrique de l'ouest, c'est à la fois l'endroit où je suis née, le Sénégal, et aussi l'endroit où je suis beaucoup retournée en vacances du côté du Mali dans la famille de mon père. C'est une région à laquelle je suis très attachée, qui est pour moi complètement reliée à la question familiale et à la question du manque."

Le but de son docu : dépeindre comment les populations les moins responsables de la pollution en sont les premières touchées. Dans la région de l'Azawak, la sécheresse est due "à 95% au moins aux émissions de gaz à effet de serre des pays industrialisés", explique Aïssa Maïga à Allociné. Un moyen d'alerter, sans pour autant "vouloir culpabiliser qui que ce soit". "La culpabilisation n'a jamais été mon moteur, ni dans ma vie ni dans mon travail. Je suis là à travers ma sensibilité pour transmettre une émotion, un regard, qui nous rassemblera tous".

Marcher sur l'eau, sortie en salle depuis le 10 novembre.