#Memepaspeur : les actrices dénoncent les violences sexuelles dans le cinéma africain

Publié le Lundi 04 Mars 2019
Marguerite Nebelsztein
Par Marguerite Nebelsztein Journaliste
Nadège Beausson-Diagne #Memepaspeur
Nadège Beausson-Diagne #Memepaspeur
Le 26e Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) a-t-il marqué le début d'un #MeToo africain ? Lors de cette édition, la parole s'est libérée autour des abus sexuels dans le cinéma africain.
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Ce fut un coup de tonnerre au Fespaco mercredi 27 février. Le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou est un des plus grands festivals de cinéma africain. Lors de sa 26e édition, une table ronde sur la place des femmes dans l'industrie du cinéma africain et dans la diaspora dont la durée initiale devait être deux heures aura finalement duré cinq heures pour raconter les violences sexuelles dont les participantes ont été victimes.


Dans le panel des femmes intervenantes, deux témoignages ont été largement relayés. Celui de la Burkinabè Azata Soro et celui de l'actrice française Nadège Beausson-Diagne, membre du collectif d'actrices et autrices Noire n'est pas mon métier.


C'est cette dernière, connue notamment pour son rôle de policière dans la série Plus Belle La Vie, qui a brisé le silence en racontant la tentative de viol dont elle avait été la victime il y a 18 ans.

Elle a également raconté la pression qu'elle avait dû subir par la suite dans des propos relayés par Jeune Afrique : "Il m'a isolée de l'équipe technique, a interdit à tout le monde de me parler, a coupé certaines de mes scènes au montage, a menacé de bloquer mes billets d'avion. Je le suspecte même d'avoir cherché à m'intoxiquer. Et ce réalisateur, qui n'a jamais été inquiété, est actuellement présent sur le festival"


Plusieurs femmes, dont la comédienne Nathalie Vairac et la réalisatrice Mariette Monpierre, ont également fait part de leurs histoires. L'actrice engagée Aïssa Maiga s'est ensuite exprimée pour parler du cas de l'actrice Azata Soro, blessée au visage par un réalisateur.


Présente sur le festival, Azata Soro est venue témoigner en personne.

Elle a raconté quand 2017, sur le tournage de la série Le Trône, elle était l'assistante du réalisateur Tahirou Tasséré Ouedraogo, expliquant que toute l'équipe avait peur de lui. Face à la presse, elle a confié qu'un jour, suite à une dispute, le réalisateur l'a attaquée avec un tesson de bouteille lui tailladant la joue sur 8 centimètres.

Après son départ à l'hôpital, l'équipe a nettoyé le sang et a repris le tournage immédiatement. La police lui a dit qu'elle ne pouvait rien faire pour elle. Finalement, elle réussira à porter plainte.

Azata Soro raconte qu'on lui a promis de l'argent si elle n'allait pas voir la police. Elle affirme que les témoins ont également été intimidé·es. Elle n'a pas reculé mais Tahirou Tasséré Ouedraogo a seulement été condamné à 18 mois de prison avec sursis.


Alors Azata Soro a reparlé de son histoire à cette table ronde organisée pour le Fespaco où son histoire glaçante a enfin été entendue.

"Aujourd'hui, je suis prête à parler"


A la fin de sa prise de parole, l'actrice a conclu par un message : "J'espère que ces jeunes filles qui sont harcelées tout le temps pourront se lever et dire non."


C'est à la suite de son témoignage que le hashtag #Mêmepaspeur a été lancé par les collectifs "Cinéastes non-alignées" et "Noire n'est pas mon métier".


Sur son compté Instagram, Nadège Beausson-Diagne a publié : "Il est temps que je parle. Je n'ai pas pu le faire avant les mots étaient trop douloureux. Il y a eu #metoo et #balancetonporc. Depuis hier avec #memepaspeur, j'ai raconté que moi aussi, j'ai été victime de harcèlement sexuel et d'agression sexuelle sur deux tournages en Afrique. C'était il y a très longtemps. La douleur a été engloutie. Aujourd'hui je suis prête à parler pour aider à libérer cette parole et récupérer ma vie."


Elle ajoute : "La reconstruction ne peut se faire qu'en libérant cette parole. Je vais travailler pour mettre en place une charte pour les tournages en Afrique. La peur doit changer de camps. Je n'ai plus peur."

Un appel au boycott de la série Le Trône


Dans sa prise de parole, Azata Soro a mis en cause la chaîne TV5 Monde qui a préacheté la série Le Trône, sur le tournage de laquelle Tahirou Tasséré Ouedraogo l'avait agressée. La condamnation du réalisateur était pourtant déjà connue, mais il a fallu attendre une pétition appelant à son boycott. La chaîne a annoncé ce week-end dans un communiqué qu'elle renonçait à diffuser la série Le Trône prévue pour mars.

 

En France, #BalanceTonPorc n'a produit que de rares effets dans le cinéma à par des prises de paroles fortes. Le seul homme accusé est le réalisateur Luc Besson, suite aux révélations de l'actrice Sand Van Roy. Sa plainte pour viol a été classée sans suite. Le 21 février, le parquet de Paris a ouvert une enquête après le signalement d'une Américaine pour agression sexuelle.

Au Fespaco, le nom du réalisateur français Daniel Vigne a été prononcé, il est accusé selon Jeune Afrique par Nathalie Vairac de harcèlement sexuel.