Monde
Arabie saoudite : l'interdiction de conduire pour les femmes coûte des milliards de dollars
Publié le 2 mai 2016 à 17:04
Par Hélène Musca | Rédacteur
Hélène Musca, journaliste spécialisée dans les sujets de société sur le site terrafemina.com
4 milliards de dollars par an : voilà la somme que les Saoudiens dépensent du fait de l'interdiction de conduire pour les femmes. Une mesure injustifiée qui freine l'émancipation des femmes, déjà compliquée dans ce royaume ultra-conservateur.
Une photo Instagram de Madeha Al-Ajroush, psychologue et militante pour les droits des femmes en Arabie Saoudite Une photo Instagram de Madeha Al-Ajroush, psychologue et militante pour les droits des femmes en Arabie Saoudite© Instagram, https://www.instagram.com/madehaalajroush/
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Le sexe faible : cette expression n'a jamais été autant de mise qu'en Arabie saoudite. Dans ce royaume ultra-conservateur, certains usages parmi les plus élémentaire demeurent des libertés à acquérir pour les femmes, comme boire un café en terrasse, faire du sport en public ou manger au restaurant avec un homme étranger à sa famille. Et parmi la longue liste des interdictions : conduire une voiture.

Un coût exorbitant pour une mesure infâmante

L'Arabie saoudite est le seul pays au monde à interdire aux femmes de conduire. Et elle en paye le prix : d'après les calculs d'un éditorialiste du journal local Al-Riyadh, les familles saoudiennes emploient environ huit cent mille chauffeurs, ce qui revient pour les habitants du royaume à assumer 3,7 milliards de dollars par an. En effet, les transports en commun étant très peu développés dans le pays, les Saoudiens sont contraints d'engager des chauffeurs privés, des immigrés pour la plupart, afin de conduire les femmes. Et pourtant, ce coût monstrueux ne semble pas inciter à la levée de l'interdiction. Pas plus tard que le 26 avril dernier d'après Bloomberg, le prince Mohammed ben Salman a même abondé dans le sens inverse, en expliquant que c'était à la société de décider du sort du droit de conduire pour les femmes, car c'est pour lui plus une question d'acceptation sociale qu'une problématique purement religieuse, mais que "la société n'est pas convaincue". Trêve d'espoir.

Pourtant, la situation est "difficilement tenable" selon la journaliste Claire Levenson pour Slate. En effet, l'interdiction de conduire soumet la mobilité des femmes aux ressources financières de leurs familles ; et nombre d'entre elles n'ont pas les moyens de payer des services de chauffeurs. Ainsi, comme l'explique un article du Christian Science Monitor, l'impossibilité de se servir d'une voiture ne gêne pas véritablement les femmes riches, qui parviennent malgré cela à se déplacer facilement en ayant recours à des chauffeurs. Mais c'est un véritable handicap pour les femmes modestes ou pauvres : il est difficile pour elles de travailler ou de conserver un emploi sachant qu'elles n'ont aucune liberté de mouvement et qu'elles doivent payer pour le moindre déplacement. Certaines y parviennent en partageant des taxis pour leurs allers-retours quotidiens, mais le poids financier considérable de ces trajets force un bon nombre de femmes à rester chez elles. Limiter de cette manière les déplacements des femmes renforce de manière très préoccupante la situation d'infériorité des femmes saoudiennes en accentuant leur dépendance vis-à-vis de leur mari et de leur famille, sans lesquels elles n'ont aucun moyen de se déplacer ni aucune ressource.

Une campagne féministe pour que les femmes prennent le volant
© Youtube

Depuis 2011, des militantes mènent des actions régulières pour dénoncer ce phénomène d'asservissement des femmes et faire lever cette interdiction. Madeha al-Ajroush , figure historique de la lutte féministe en Arabie saoudite, avait déjà pris le volant en 1990 avec 47 autres femmes pour imiter les GI américaines de la première Guerre du Golfe. En 2011, elle prenait la tête du mouvement Women2drive qui se bat pour que les femmes obtiennent le droit de conduire : "Conduire est un symbole pour les Saoudiennes. Ce n'est pas seulement pour aller travailler ou se rendre à l'école, c'est une façon de se revendiquer un statut de citoyenne et d'adresser un message" , expliquait la militante sur une vidéo de promotion pour le mouvement en mars 2015. Mais il demeure difficile de lutter contre une interdiction qui est soutenue par 50% de la société dont les femmes riches, selon l'article de Slate.

Officiellement, aucun texte islamique ou décision judiciaire ne mentionne une quelconque interdiction de prendre la voiture : comme le rappelle Libération, cette interdiction est le fruit de traditions ultra-conservatrices destinées à garantir l'ordre social. Faire bouger les mentalités dans ce royaume où l'obscurantisme érige des lois arbitraires pour les femmes relève de l'exploit. Triste exemple : pour l'historien, Saleh al-Saadoon, invité sur le plateau de Nadeen Bdeir le 11 janvier 2015, cette interdiction de conduire relève même du privilège : il expliquait à l'antenne que les femmes saoudiennes sont traitées "comme des reines" et peuvent apprécier d'être conduites en voiture par tous les hommes de leur famille "à leur service". Il ajoutait également que "les femmes occidentales conduisent parce qu'elles ne craignent pas d'être violées", notamment si leur voiture tombe en panne au bord de la route... Un avis partagé par la majorité la plus influente de la population -et la seule capable de faire changer les choses : les hommes et les plus fortunés. La route vers l'émancipation des femmes risque d'être fort longue, en Arabie saoudite.

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