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Les maquilleuses blanches surfent sur "Black Lives Matter" et c'est de très mauvais goût
Publié le 5 juin 2020 à 16:34
Par Pauline Machado | Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
Sur Instagram, ces make-up artists blanches et influentes se peignent le visage des mots "I can't breathe" pour rendre hommage à George Floyd, et dénoncer les violences policières. Une intervention jugée d'antiracisme "performatif" par nombreux·ses internautes.
La très mauvaise idée des maquilleuses blanches sur Instagram La très mauvaise idée des maquilleuses blanches sur Instagram© Adobe Stock
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Aux Etats-Unis, les réseaux sociaux sont devenus l'un des terrains de soutien à la communauté noire, après le meurtre de George Floyd par Derek Chauvin, un policier blanc, le 25 mai à Minneapolis. Sensibilisation, pétitions, appels aux dons et carrés noirs sous le hashtag #blackOutTuesday : influenceur·se·s et abonné·e·s lambda informent autant qu'ils et elles s'informent. "Listen and learn" est le mot d'ordre, pour remettre en question ses privilèges et s'attaquer aux biais racistes inhérents à notre société.

Seulement parfois, cette prise de parole par des internautes blanc·he·s est taclée d'antiracisme performatif (comprendre pour se donner bonne conscience et amasser davantage d'interactions monétisées, type likes, partages et commentaires). C'est le cas de certaines maquilleuses ou makeup artists américaines. En hommage aux personnes noires décédées sous les coups de la police, plusieurs d'entre elles ont décidé d'utiliser leur talent pour dénoncer. Malheureusement à mauvais escient.

Sur leur compte, au lieu de liens vers des associations ou des documents qui permettraient à leur audience blanche de déconstruire leur pensée, elles ont publié des photos de leur visage peinturluré d'un "I can't breathe", "Je ne peux pas respirer".

Narcissisme sous couvert d'antiracisme

L'expression "I can't breath" a été prononcée plusieurs fois par George Floyd alors qu'il était à terre, le genou du policier désormais inculpé pour homicide volontaire sur la nuque. Mais aussi par Eric Garner, mort par asphyxie sous le bras d'un policier blanc, en 2014. Aujourd'hui, elle est devenue le cri de colère antiraciste et anti-violences policières. Et pour plusieurs militantes, cette déclinaison cosmétique est problématique : "C'est une véritable exploitation du mouvement Black Lives Matter", déplore une internaute sous la photo de @Sfx.dima, désormais retirée. "S'il vous plaît, ne faites pas de cosplay comme ça juste pour être récolter des likes." Un autre lâche : "C'est une performance et non de l'activisme. Supprimez cette page. Faites un don. Signez des pétitions".

Car au lieu de centrer leur contenu sur la condition inégale des personnes noires aux Etats-Unis et le sort de George Floyd qu'elles prétendent dénoncer, elles se mettent elles-mêmes en scène, et attirent l'attention sur leurs propres visage et compétences. Loin du relais nécessaire de la parole aux personnes concernées, donc.

Pour Amanda Elimian, personnalité de YouTube et maquilleuse noire, c'est totalement à côté de la plaque. "J'ai le sentiment que ces maquillages ne sensibilisent en aucun cas le public au climat actuel de notre pays", déclare-t-elle à Bitch Media. "Il y a tellement d'autres façons de sensibiliser les gens au lieu de gribouiller 'Je ne peux pas respirer' sur son visage.

Un véritable acte de solidarité consisterait à briser son esthétique Instagram, qui en fait préoccupe beaucoup de gens, et à afficher une image de Black Lives Matter avec des détails sur la façon de faire un don à des fonds de secours ou des pétitions à signer".

Elle ajoute que si l'intention n'était sûrement pas de blesser, elle n'aide cependant pas à adresser le problème. "[Ce n'est pas] productif", insiste Amanda Elimian, "surtout s'il n'y a pas de liens avec des choses concrètes comme des pétitions, des liens de dons ou des fonds d'aide à la mise en liberté sous caution, à faire n'importe où sur le poste ou à proximité". A bon entendeur...

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