Marguerite, Pomme, le dernier long de Hafsia Herzi triomphant à Cannes, les séries US, bref, on a rarement vu autant de lesbiennes représentées sur nos écrans que cette année. Des chansons au ciné, la pop culture célèbre les femmes qui préfèrent les meufs, les filles. On fait le récap pour vous de cette cuvée absolument grandiose.
La liste est longue. Et réjouissante.
L'année 2025 fut clairement celle de Marguerite. Révélation de la Star Ac et aujourd'hui porte-parole des femmes qui aiment "Les filles, les meufs", auréolée du succès aux millions de streams de son hit éponyme. Une résonnance digne de celle de Angèle avant elle, quand elle chantait "Ta reine". Deux phénomènes de la scène francophone réunies autour de la fierté lesbienne.
Mais Marguerite, c'est aussi du lesbianisme "politique", assumé, pas simplement une orientation sexuelle minimisée, réduite à un "Ca ne nous regarde pas" qui tend à invisibiliser les principales concernées et leurs luttes intimes et politiques. La chanteuse prend la parole régulièrement sur la lesbophobie et donne même une longue interview au magazine Têtu, lecture incontournable des cultures LGBTQ, tout en assistant à la cérémonie de ladite revue, ou en privilégiant la solidarité entre femmes lors de ses divers concerts - avec sa consoeur Ebony notamment.
"Suprématie lesbienne", s'est amusée la chanteuse Pomme face à ces images révélées en bas de ce para : l'interprète y donne de la voix aux côtés de ses consœurs Suzane et Hoshi - laquelle subit depuis longtemps de la lesbophobie en ligne hyper virulente. Toutes trois revendiquent au sein de la scène française leur orientation sexuelles et c'est une séquence aussi symbolique que puissante.
Elles préfèrent les filles, les meufs. En sont fières et font figure de personnalités rares dans un univers très hétéro et toujours frileuse concernant le coming out et l'affirmation du lesbianisme - le mot lui-même fait toujours aussi peur en France. L'industrie musicale surtout donne rarement le la aux femmes lesbiennes et c'est jubilatoire d'assister à cette réappropriation.
En pleine performance musicale sur la scène de, les interprètes témoignent d'une sororité salvatrice. Se soutenant mutuellement avec ce geste aussi symphonique et symbolique, liées par ce que la journaliste et autrice Alice Coffin intitule dans son essai éponyme : le génie lesbien.
"Les femmes lesbiennes souffrent à la fois d'une condamnation homophobe de base, et d'une silenciation sexiste. Ces deux choses assemblées, être lesbienne devient carrément un non-sujet", dénonce à l'unisson l'autrice de Comment devenir lesbienne dans cette investigation sur la haine anti-lesbiennes en France.
Alice Coffin, elle, justement, observe : "le coeur de la rhétorique lesbophobe c'est nier ta qualité de femme, te comparer à un homme pour te décrédibiliser, car on juge qu'une femme digne de ce nom est une femme hétéro. Autrement dit, une femme disponible pour les hommes".
Merci à Marguerite, Pomme, Suzane, Hoshi, Angèle, de faire fermer des bouches.
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Les lesbiennes règnent sur le cinéma français en 2025, se réjouit le magazine Trois Couleurs dans son numéro de novembre. Lequel met en couv' Camille Cottin, égérie queer s'il en est (son personnage d'agente de stars qui aime les femmes dans la série Dix pour cent est mémorable).
Enfin, règnent, tout cela est bien évidemment très relatif, mais tel que l'analyse la revue, on a rarement vu autant d'histoires de meufs lesbiennes dans le ciné hexagonal en un an : La petite dernière de Hafshia Herzi, dont l'actrice principale s'est vue couronnée par un Prix d'interprétation à Cannes, Love me tender, adapté du roman d'autofiction éponyme de Constance Debré, Des preuves d'amour, avec les Césarisées Ella Rumpf et Monia Chokri, pour ne citer que cela et en attendant d'autres oeuvres audacieuses imprégnées de female gaze.
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Muriel Robin l'affirmait dans cette interview il y a quelques années : "Dans le métier, faut pas dire qu'on est homosexuelle parce qu'on ne travaille pas si on le dit. Les réalisateurs mettent les homos avec les homos, les hétéros avec les hétéros".
Et si tout changeait ?
On l'espère et on croise les doigts. Tout en rappelant que son dossier très détaillé, Trois Couleurs conclut que faire des films avec des lesbiennes, en tant que protagonistes, ce n'est toujours pas facile du tout. Producteurs et distributeurs sont très frileux et certaines œuvres ne sont même pas co financées par le CNC.
Alice Coffin à Terrafemina : "J'entends qu'au sein du militantisme, on préfère le mot "queer" qui a une vraie portée politique également. Il permet de se situer d'une manière différente. Le mot "lesbienne" a en lui une autre résonance et met en panique les hommes. Il est davantage interprété comme un défi au masculin. Et ça, ça m'intéresse ! Le rejet de ce mot en dit long sur sa force."
Outre-atlantique aussi les lesbiennes ont leur mot à dire, et ce n'est pas trop tôt. Telle la protagoniste de la nouvelle série-événement du créateur de Breaking Bad, Vince Gilligan.
Le show en question s'intitule Pluribus et d'aucuns se réjouissent de la presse aux réseaux sociaux de la grande qualité dudit feuilleton, oeuvre d'un showrunner toujours insaisissable et brillant. Une femme qui aime les femmes et une comédienne d'un talent inouï en tant que tête d'affiche, qui pourrait bien se voir couronnée par les imminents Golden Globes. On parie ?
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Et la revue en ligne Gay Times (qui porte bien son nom) d'apporter une nouvelle de première importance : "Félicitations, Carol ! Pluribus a battu un record majeur sur Apple TV. Le 12 décembre, les comptes officiels des réseaux sociaux de la plateforme ont confirmé que la série de science-fiction et thriller a dépassé la deuxième saison de Severance pour devenir « la série la plus regardée de l'histoire d'Apple TV ». Avoir une protagoniste lesbienne au cœur de l'une des séries dramatiques les plus acclamées et commentées au monde — et désormais la série la plus regardée de tous les temps sur Apple TV ! — représente une victoire majeure pour la représentation. En attendant aujourd'hui la cérémonie des Golden Globes".
Au sein des rayons des librairies les lesbiennes là encore font entendre leur voix.
C'est la rentrée littéraire de CNews qui va faire la gueule.
Tentative d'ébauche de liste non-exhaustive : Fatima Daas, l'autrice de La petite dernière (adapté au cinéma par Hafsia Herzi, voir plus haut dans cet article), de retour après un premier roman très remarqué, Rebeka Warrior, artiste électro de renom couronnée pour son premier roman d'autofiction, Wendy Delorme, dont nous avons dit par le passé le plus grand bien en ces pages, Sabrina Calvo, Pauline Gonthier, dans des récits aussi éclectiques que hyper incarnés.
Le Gouincourt, autrement dit l'équivalent lesbien du Goncourt, a célébré toutes ses sorties lors de sa remise de prix, cérémonie dont le jury était notamment constitué de la nécessaire Virginie Despentes. La série de nommées viendra combler notre bibli : Corps étranger sous la peau, de Nour Bekkar (Blast) Mais cette vie-là demande. toujours. plus. de. lumière., de Sabrina Calvo (Editions du commun) Transatlantique, de Camille Corcéjoli (La Contre Allée) Jouer le jeu, de Fatima Daas (L’Olivier) Le Parlement de l’eau, de Wendy Delorme (Cambourakis), Parthenia, de Pauline Gonthier (Les Léonides), L’Endroit de mon trouble, de Lumen (La Musardine) Tovaangar, de Céline Minard (Rivages), notamment.
En attendant en janvier prochain l'incontournable Constance Debré, l'autrice queer de Love me tender, qui sort son nouveau roman. Mais aussi d'autres autrices de grand talent.
Les questions queer à l'unisson font partie des sorties éditoriales.