La chanteuse Rose se confie sur son combat solitaire contre le cancer du sein

Publié le Lundi 17 Octobre 2022
Catherine Rochon
Par Catherine Rochon Rédactrice en chef
Rédactrice en chef de Terrafemina depuis fin 2014, Catherine Rochon scrute constructions et déconstructions d’un monde post-#MeToo et tend son dictaphone aux voix inspirantes d’une époque mouvante.
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Durant un an, la chanteuse Rose a noirci les pages d'un journal intime pour raconter son combat solitaire contre le cancer du sein et la dépression. Nous l'avons rencontrée.
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Rose l'avoue : "Je n'avais pas prévu d'écrire ce livre". Lorsqu'on lui a diagnostiqué un cancer du sein en avril 2021, la chanteuse a décidé de coucher ses doutes, ses angoisses, ses désespoirs et ses espoirs sur papier. Elle y raconte notamment comment, après l'ablation d'un sein et deux mois de radiothérapie, elle a littéralement sombré suite à son traitement d'hormonothérapie. Son journal, sensible et frontal, suit ce combat si intime et démonte les injonctions à être forte.

A l'occasion d'Octobre rose, l'autrice-interprète-compositrice revient sur ce qu'elle nomme joliment ses "montagnes roses".

Cela a commencé par ces deux petits boules en avril 2021...

Rose : Oui, et pourtant, un an et demi auparavant, j'avais fait une mammographie qui s'était révélée nickel... Le cancer était pourtant bel et bien là, mais comme c'est un cancer qui évolue très lentement, on ne le voyait pas encore. Aujourd'hui, je conseille d'aller consulter immédiatement dès que l'on détecte quelque chose de bizarre et de s'autopalper régulièrement aussi.

L'annonce de ce cancer du sein est arrivée sur un terrain de fragilité, tu luttais contre la dépendance (Rose se livrait sur ses addictions à l'alcool et la cocaïne dans le livre Kérosène en 2019), contre la dépression.

R. : Oui. J'avais arrêté de fumer depuis un an, mais j'ai repris le jour où l'on m'a annoncé que j'avais mon cancer du sein. Et la clope a appelé un verre d'alcool... Niveau culpabilité, on était au max ! Heureusement, j'ai été bien entourée et je me suis très vite reprise en main. L'addiction est un combat. J'ai failli crever à cause de l'alcool, et c'est un sujet sur lequel ma colère n'est toujours pas calmée.

On perçoit une extrême solitude dans ton livre. Personne n'a réellement pu t'aider durant cette épreuve ?

R. : Je ne sais pas pour les autres, mais moi, j'ai ressenti ce syndrome de l'incomprise. J'avais l'impression de ne pas avoir été entendue.

Tu évoques ces fameux émojis "bras musclés" que l'on t'envoyait dans des messages. Il y a-t-il une injonction à être forte quand on est malade ?

R. : Oh oui. C'est même une affirmation : "Toi, tu es forte". Mais qu'en sais-tu ? J'étais très en colère car on a souvent minimisé ma douleur. L'injonction à rester forte est très dure car j'avais besoin d'être faible à ce moment-là.

La chanteuse Rose se confie sur son cancer du sein
La chanteuse Rose se confie sur son cancer du sein
Dans cette photo : Rose

Tu racontes dans ton livre à quel point ton hormonothérapie, ce traitement qui consiste à empêcher l'action stimulante des hormones féminines sur les cellules cancéreuses, t'a littéralement fait sombrer.

R. : Je n'étais peut-être pas assez préparée. Peut-être parce que tout le monde me répétait : "C'est derrière toi tout ça". Je venais de finir ma radiothérapie qui avait déjà été pénible au mois d'août lorsque j'ai commencé l'hormonothérapie. Et rapidement, cela m'est tombé dessus : plus d'envies sexuelles, la fatigue intense... Je n'arrivais plus à me lever de mon lit. En un mois et demi, la dépression a eu raison de tout.

Tu parles pudiquement de ta tentative de suicide. Était-ce important pour toi de l'évoquer ?

R. : Oui, car en parler quand on est encore en vie, c'est aussi parler de renaissance. C'est là-dessus que je voulais mettre l'accent. Il a fallu en arriver là... Ce dimanche matin avec les pompiers qui t'embarquent à l'hôpital Pompidou, avoir une antidote dans les veines... J'ai puni tout le monde et je m'en veux beaucoup, je m'en rends compte aujourd'hui. Mais j'ai vraiment le sentiment de ne pas avoir eu le choix.

Ce journal a-t-il été une forme de thérapie ?

R. : Bien sûr, car il n'y a personne à qui raconter tout ça. Et puis tant que j'écris, ça va. C'est ainsi que je fonctionne.

Quand as-tu aperçu le bout du tunnel ?

Assez récemment. Il y a déjà eu un déclic lorsque j'étais à l'hôpital Sainte-Anne, mais il s'est un peu noyé dans la merde. J'étais si mal de septembre à décembre 2021... Mais quand on m'a annoncé que mon journal allait être publié, que j'ai trouvé un co-producteur pour mon podcast, Contre-addictions, dans lequel j'échange avec des personnes sur les questions d'addictions, quand j'ai recommencé à retravailler... Ca a commencé à aller mieux. J'ai eu comme un éveil de conscience, presque spirituel. J'ai commencé à regarder le monde d'une façon différente.

Aujourd'hui, comment te sens-tu ?

Ca va. Je ressens une forme de joie, d'émulation dans tout ce que je fais. J'ai des projets qui me tiennent à coeur, j'avance, je travaille avec des gens que j'aime, je suis en couple avec un homme que j'aime.

Je travaille sur un album ainsi que sur l'écriture d'un spectacle. Après le spectacle très sombre Kérosène, j'ai envie de quelque chose de lumineux, qui associe musique, réflexion, humour.

Qu'en est-il du cancer ?

J'essaie de ne pas trop y penser. J'ai noté un rappel annuel sur mon agenda. Mais je dois quand même gérer des trucs chiants comme l'ostéoporose précoce qui va avec l'hormonothérapie. J'appréhende ces traitements. Toujours.

Les montagnes roses

Un livre de Rose

Editions Eyrolles

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