Candida Royalle : la pionnière du porno féminin a tiré sa révérence

Publié le Mercredi 09 Septembre 2015
Candida Royalle, la prêtresse du porno féministe, en juillet 2014
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Candice Valada, alias Candida Royalle, est décédée cette semaine à l'âge de 64 ans. Considérée comme la créatrice du porno féministe, son engagement l'avait poussée à aider les femmes à jouir sans entraves. Notre experte sexo Sophie Bramly, qui l'avait rencontrée à New York, lui rend hommage.
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Il y a régulièrement des femmes qui changent la vie de leurs congénères, sans même avoir de notoriété publique. Candida Royalle, décédée cette semaine d'un cancer à l'âge de 64 ans, est de celles-là. Son cheval de bataille était la sexualité féminine. Entre films porno et sextoys, son engagement la poussait à agir partout où cela permettait d'aider les femmes à mieux jouir de leur sexualité.

Grande, blonde, pulpeuse, souriant sans cesse, Candice - de son vrai nom - a eu un parcours inattendu et courageux. Née à New York, elle a été abandonnée par sa mère à l'âge de 18 mois et fût élevée par son père et sa belle-mère. Après une formation de danseuse, elle a commencé par poser comme modèle pour arrondir ses fins de mois et s'est vue proposer un rôle dans un film porno. D'abord effrayée par la proposition, elle a malgré tout eu la curiosité d'aller sur un tournage voir de quoi il s'agissait exactement. Elle a joué dans quelques dizaines de films dans les années 70, avant de passer derrière la caméra pour faire des films uniquement destinés des femmes.

A travers la bien-nommée Femme Productions, elle a inventé un nouveau genre, qui serait au porno ce que la collection Harlequin est aux romans : des histoires douces, romantiques, engagées et parfois transgressives, où les femmes ont des désirs sexuels et les vivent pleinement. Son approche si radicalement différente pour l'époque a permis à de nombreux thérapeutes et sexologues de recommander ses films pour aider à l'épanouissement de leurs patientes.

Je l'ai rencontrée il y a quelques années, à son bureau, près de Wall Street. Elle m'a raconté les difficultés de ses premiers pas dans la réalisation : aucun distributeur de films adultes - des hommes, bien sûr - ne voulait s'encombrer de films féminins. Elle avait trouvé un argument qui s'est révélé infaillible : "Testez, vous verrez que mes films ne cesseront de se vendre, à l'inverse des vôtres, qui sont des produits jetables". Les conseils étaient bons mais les mentalités coriaces : ses débuts l'ont encouragée à en faire plus. Elle s'est lancée dans la distribution de ses propres films. Puis, elle a fait des conférences, écrit des livres - dont "How to Tell a Naked Man What to Do: Sex Advice from a Woman Who Knows" (Comment dire quoi faire à un homme nu, de la part d'une femme qui sait") - et dessiné la ligne de sextoys "Natural Contours" cherchant à la fois une ergonomie parfaite et un design discret.

Il y a environ dix ans, a germé en elle l'idée de retrouver sa mère. Au printemps dernier, elle a engagé un détective pour retrouver sa trace : elle avait un demi-frère et une demi-soeur dont elle ignorait l'existence jusque là. Elle avait souhaité en faire le sujet d'un documentaire, pour comprendre ce qui pouvait pousser une mère à abandonner un enfant. "Lorsqu'on grandit sans l'ombre d'un souvenir, c'est un peu comme si elle n'avait pas existé. Il ne s'est pas passé un anniversaire sans que je ne pense à elle."

La rencontre ne se fera pas. Celle qui a choisi de ne pas avoir d'enfants, vient de mourir d'un très symbolique cancer des ovaires.