Votre célibat coûte très cher (et c'est injuste)

Publié le Mercredi 02 Février 2022
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
Votre célibat coûte très cher et c'est injuste
Votre célibat coûte très cher et c'est injuste
Plusieurs études se sont penchées sur le sujet et le verdict est sans appel : aussi heureuses soient les femmes célibataires, côté budget, elles morflent sévère. Décryptage.
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Logement, courses, factures... Au cours du mois, les dépenses grimpent, les soldes de nos comptes plongent, et les solos trinquent. Si cette réalité financière ne leur est certes pas réservée, force est de constater qu'à taille de foyer égale, elle les pénalise davantage que la population en ménage. Car voilà, c'est mathématique : le quotidien coûte particulièrement cher quand on est célibataire.

"Il est plus intéressant d'être en couple que célibataire d'un point de vue financier", affirme en ce sens le sociologue spécialiste de la famille Gérard Neyrand auprès de Ouest France. Pour l'expliquer, l'expert évoque la logique des "économies d'échelle" : "Les frais liés au logement et à la consommation – de produits et services dont on peut se servir à deux - pèsent lorsqu'ils reposent sur une seule personne".

On le disait. Et un nombre issu d'une étude américaine relayée par le webzine Tapage continue de le prouver : 28.

Du dentifrice aux vacances, du lave-linge aux rencards

Du dentifrice aux vacances, le célibat coûte un bras
Du dentifrice aux vacances, le célibat coûte un bras

28, comme 28 %, soit le pourcentage exact de frais supplémentaires qui incomberaient à la démographie baptisée "single", épingle le rapport. 28 % à débourser de plus que ses voisin·es de palier qui partagent le loyer, la bouffe, Internet, Netflix, l'achat d'une machine à laver qui - on nous l'avait caché jusqu'à l'âge adulte - se paie à peu près un rein. Et puis, il y a aussi les hôtels, certains transports (les taxis), les cadeaux de mariage, les cagnottes d'anniversaire.

En bref, tout y passe. Même l'intime, pour les femmes hétérosexuelles qui se lancent dans la quête d'un partenaire.

Dans son livre Le prix à payer (ed. Les liens qui libèrent), la journaliste et autrice Lucile Quillet dissèque ainsi l'addition du couple avant, pendant et après la rencontre. Et ne démontre que trop bien ce qu'il leur en coûte à elles, de chercher l'amour. "J'ai réfléchi à l'argent et au temps investis dans la beauté, la contraception, la séduction", énumère-t-elle. Le bilan en amont de l'officialisation est lourd, bien qu'elle décrypte que pour les femmes, être engagée dans une relation sentimentale avec un homme aussi, entraîne un prix à payer exorbitant.

Toutefois, l'Insee estime le niveau de vie d'un couple 1,5 fois supérieur à celui de deux célibataires. Autre exemple flagrant : les prêts immobiliers. Les célibs continuent de galérer jusqu'à l'acquisition d'un bien, les conditions étant plus difficiles à leur égard (apport ou revenus requis), révèle Les Echos. Résultat, elles et ils louent plutôt que d'investir. A noter que là aussi, les inégalités de genre perdurent, puisque les femmes empruntant seules se voient prêter environ 11 % de moins qu'un homme.

"Ça correspond à un fonctionnement social – appuyé sur un choix politique – qui est de valoriser la vie en famille pour de multiples raisons, notamment démographiques", analyse encore le sociologue Gérard Neyrand dans les colonnes du journal régional. "Valoriser la famille", peut-être, mais pas n'importe laquelle.

Les mères célibataires, premières victimes de ces inégalités financières

Les mères célibataires subissent les inégalités financières les premières
Les mères célibataires subissent les inégalités financières les premières

Quand on ne vit pas en couple mais avec des enfants d'une précédente union, et ce malgré les aides promises par l'Etat, ces injustices s'intensifient. C'est ce qu'avancent Céline Bessière et Sibylle Gollac, sociologues, dans leur ouvrage Le genre du capital : Comment la famille reproduit les inégalités (ed. La Découverte), qui traite des inégalités de richesse entre les hommes et les femmes.

Les deux chercheuses observent notamment comment la séparation d'un couple hétérosexuel peut mener à un appauvrissement et à une précarisation nette de ces dernières, par rapport à leurs partenaires.

En cause ? L'écart de revenu entre femmes et hommes en couple (42 % contre 9 % chez les célibataires), creusé par "la division sexuée du travail, le fait que les femmes prennent davantage en charge le travail domestique – gratuit - et que les hommes continuent leur carrière en profitant de la délégation de ce travail domestique", écrivent-elles. "Donc, quand les femmes se séparent, elles perdent beaucoup en niveau de vie. Un an après la séparation, une étude de 2009 montrait que les femmes, ont perdu 20 % de leur niveau de vie contre 3 % pour les hommes".

Un écart considérable qui, au-delà de rendre le quotidien particulièrement difficile, a une influence réelle dans la décision de nombreuses femmes à ne pas quitter leur conjoint, et donc des conséquences qui peuvent, dans certains cas, s'avérer dramatiques.

Reste à ce que, sur ce sujet maintes fois soulevé aussi, la société soit enfin fertile de changements à la hauteur des attentes.