Ellen DeGeneres est encore bel et bien là.
Malgré sa discrète mise en retrait médiatique. On vous taille son CV en deux secondes : figure mythique de la télévision américaine, l'érudite du late show, exercice particulier de l'animation US, elle est la première à avoir fait son coming out lesbien en direct à la télévision. Oui, bien avant que Drew Barrymore se dise timidement "bi" entre deux émissions.
Elle affiche son couple face aux photographes, l'un des plus médiatisés en ce qui concerne les femmes qui aiment les femmes, dans une société qui n'est hélas pas moins lesbophobe qu'il y a trente ans. La lesbophobie, c'est cette haine anti-lesbiennes qui pullule, notamment sur les réseaux sociaux. Et hélas, elle s'est exprimée, intensément, cette semaine, alors que Ellen DeGeneres était justement aux côtés de son épouse, Portia de Rossi...
"La star était effectivement à Paris à l’occasion de l’inauguration de la nouvelle galerie parisienne RH", étayent nos confrères de Paris Match dans LA vidéo qui a fait couler beaucoup d'encre, et dont la diffusion a engendré quantité de messages déplacés sur le physique de la star. Et surtout, beaucoup d'ire, et pas des plus plaisantes, émanant des pingouins les moins glissants de la banquise.
Haine anti-lesbiennes, mais pas seulement...
On se demande ce qui s'observe le plus dans les commentaires suscités par cette apparition : la lesbophobie ou l'âgisme ?
Toujours est-il que c'est un florilège de réactions haineuses qui déferlent sous ces images relayées par Paris Match.
Extraits : "Elle a l'air si vieille", "C'est triste à voir", "Je la déteste", "Son épouse est magnifique, mais qu'est-ce qu'elle vieillit, Ellen", "Ellen ressemble de plus en plus à un mec", "Je hais cette femme", "Elle devrait s'appeler Allen, pas Ellen", "Cette coupe de cheveux est horrible".
Vous constatez l'ampleur de l'âgisme qui touche violemment Ellen DeGeneres, à 67 ans : les internautes sont sidérés de constater qu'une femme... Peut vieillir. Une révélation pour beaucoup vraisembablement, et le sexisme n'est jamais loin. Et il est indissociable de la lesbophobie.
Car le fait que l'animatrice soit émancipée du regard des hommes, et l'affirme fièrement, n'est pas sans attiser une certaine véhémence. Parmi tous les commentaires qui fustigent son physique, on notera ceux, abondants, qui comparent sa silhouette... A celle d'un homme. Cherchez l'erreur : des hommes qui détestent les femmes pensent qu'il est insultant pour une femme d'être comparée à un homme...
De quoi relire un manifeste qui résume ce dont la lesbophobie est le nom : Le génie lesbien, indispensable enquête d'Alice Coffin.
Qui dans la longue interview qu'elle nous a accordée pour Terrafemina analysait ainsi ce genre de formulations absurdes : "Ca, c'est la persistance de la rhétorique lesbophobe. Il s'agit de nier la qualité de femme. Un argument traditionnel pour qui souhaite décrédibiliser une militante lesbienne.
Dire "c'est pas une femme, c'est un homme". Sans compter la ribambelle de sosies que l'on me prête, qui sont tous des hommes (sourire). Car on juge qu'une femme digne de ce nom est une femme hétéro. Autrement dit, une femme disponible pour les hommes.
Cela renvoie à la réflexion politique de l'intellectuelle lesbienne Monique Wittig : "Les lesbiennes ne sont pas des femmes"
Je ne suis pas certaine que ce qui sied mieux à leur rhétorique - la rhétorique des lesbophobes - soit la cohérence. Mais oui, c'est une pensée marquée par le binarisme de genre, entre autres choses. Et cela en dit long sur les stéréotypes auxquels ils se rattachent.."