Quand Jules Koundé fait parler, ce n'est pas toujours pour ses prouesses athlétiques sur un terrain de football. Il faut dire que le Bleuet joueur du FC Barcelone pratique un autre sport : susciter la haine des sexistes et des homophobes de base. Comment ? En arborant tout simplement les tenues qu'il aime porter.
Quand il débarque à Clairefontaine afin de s'adonner aux entraînements d'usage, le célèbre défenseur n'hésite pas à déployer la facette la plus stylée de sa garde robe. A savoir ? Des talons, en juin dernier - plus précisément, des santiags à talons.
Et cette semaine, une magnifique robe signée de la créatrice britannique Simone Rocha, des bottines montantes aux pieds. Et on ne s'y attend pas forcément en 2024, mais cela fait beaucoup réagir. Certains considèrent sa tenue comme "trop féminine" et le font savoir... En se rapprochant plus d'un sketch de Jean-Marie Bigard que du dictionnaire Larousse.
Ca n'a pas manqué. Sous la publication du compte abondamment suivi Vibes Foot, on peut lire quelques sorties poétiques hélas prévisibles : "Va te faire foutre", "Il se voit comme un homme ou comme une femme ?", "Bientôt il va débarquer en string"... Des commentaires loin d'être majoritaires mais qui, malheureusement en disent long.
"Golmon", "Il est pas seul dans sa tête", "Dose", "C'est quoi ça ?", peut-on encore lire parmi les réactions les plus... Soft, dirons-nous. Pas difficile d'y voir un concentré d'homophobie et de sexisme qui ne dit pas son nom : s'attaquer aux plaisirs vestimentaires d'un sportif pour désigner ces légers jeux avec les stéréotypes de genre comme naturellement honteux. Le comparer à une femme pour chercher à le ridiculiser.
Sans grande surprise, c'est parce qu'il s'amuse gentiment de ces codes genrés et autres ingrédients constituant le mythe de la virilité que beaucoup l'attaquent.
Quand bien même ses looks ne sont pas si étonnants que cela pour qui s'intéresse à la mode !
Effectivement, la jupe portée par les hommes, dans l'imaginaire fashion, ce n'est pas nouveau. De prestigieuses collections comme celles de Jean-Paul Gaultier et Marc Jacobs défraient les podiums depuis longtemps avec leurs oripeaux. Pour Gaultier par exemple, les premiers défilés en ce sens datent de 1985 ! On parlera aussi de "jupe inclusive". Sans oublier la tradition culturelle du port des kilts bien sûr.
Des marques spécialisées comme la Nantaise Sous les jupes des hommes prônent à l'unisson cette révision de ce que l'on appelle "les normes". Jules Koundé perpétue donc la pratique en arborant des fringues directement issues de l'imaginaire de stylistes réputés.
Jupes inclusives ? La chose s'est d'ailleurs tant et si bien banalisée qu'une popstar mondialement reconnue comme Harry Styles en a fait sa marque de fabrique. Arborant jupes, mais aussi vernis à ongles, tenues vestimentaires étiquetées comme "féminines" et dont il a fait ses costumes récurrents de scène...
L'interprète de "As It Was" est l'incarnation de cette "mondialisation" du jeu avec les codes du genre - transgression favorite d'artistes antérieurs comme Elvis Presley, David Bowie, Robert Smith... Bien avant Harry Styles, une autre superstar, Jaden Smith, employait volontiers ces fringues genrées et hyper stylées.
Sauf que dans le cas de Jules Koundé, il est question d'un milieu bien particulier : le football. Scène où sexisme et homophobie, déguisés en hymnes, en pancartes, sous couvert de second degré, de "folklore", de "chambrage" bien viriliste, se perpétuent sans que les choses évoluent d'une once. Pas si surprenant hélas de lire de telles remarques à l'encontre d'une star du foot.
"Les chants entonnés dans l'enceinte du Parc des Princes sont une manifestation de l'ancrage profond de l'homophobie dans la société française", déplorait Sos Homophobie dans un rapport édifiant "Ce sont les mêmes insultes qui sont utilisées de façon décomplexée dans les cours de récréation, où " pédé " reste l'une des plus prononcées, et sur les réseaux sociaux, caisse de résonnance de la haine anti-LGBTI".
Le sexisme dans le foot perdure autant que l'homophobie. Une enquête de Ouest France, l'an dernier : "C'est un fléau dans les stades, qui sont un reflet de la société actuelle dans laquelle le patriarcat a de beaux jours devant lui..."
Culture "des stades" qui se retrouve sur les réseaux sociaux...
"L'évolution des représentations masculines à travers les footballeurs est à l'image de l'évolution des masculinités dans la société. Et cette évolution n'est pas si récente que ça. Dans les années 2000, David Beckham était remarqué pour le soin qu'il apportait à son apparence, à sa coiffure, à son souci de la mode. Il était considéré comme le prototype de ce qu'on appelait à l'époque les “métrosexuels”, ce qui était antinomique avec sa position", observe à ce titre dans les pages de Madame Figaro la sociologue des médias Jamil Dakhlia,
"Vous critiquez, mais vous n'avez même pas le budget pour me copier", avait déjà réagi le footballeur en réponse aux haters, rigolard.
Jean-Paul Gaultier, il y a quarante ans : "Je pense que certains hommes attendent de porter des jupes depuis longtemps. La mode doit être le reflet du mode de vie". Il semblerait par contre que certains n'aient pas encore vraiment saisi le message.