Deux producteurs influents du cinéma indépendant français sont au cœur d'accablantes accusations de violences sexuelles.
Une enquête dense signée Les Jours détaille effectivement des faits édifiants qui prennent place dans le mouvement #MeTooCinéma incarné par Adèle Haenel et Judith Godrèche : ils visent les cinéastes et producteurs Thierry Lounas et Claire Bonnefoy, dont les noms se retrouvent derrière de nombreux succès critiques et publics (Vincent doit mourir, Bruno Reidal, nommé aux César).
Douze femmes relatent des faits de violences sexistes et sexuelles de la part du couple, figures importantes du cinéma indépendant français. Il est surtout question de relations sexuelles imposées.
"J’ai réalisé plus tard que mon patron m’avait implicitement demandé d’être escort", détaille ainsi l'une des jeunes femmes qui a bien voulu témoigner dans le cadre de cet article aux multiples voix. Ce que détaillent les femmes qui ont osé parler, c'est un rituel supposé. Claire Bonnefoy se serait rapprochée des victimes, les séduisant, au sein des boîtes de nuit par exemple, avant de les forcer à coucher avec son époux, Thierry Lounas.
C'est ce que déclarent toutes ces techniciennes, actrices, intermittentes, employées diverses, qui évoquent un rapport hiérarchique très inégal. Et de facto, un rapport de pouvoir qui intimide et silencie, brisant toute forme de consentement.
Et ce n'est pas tout.
Chloé est la voix qui introduit l'accablante enquête des Jours. "Cette jeune femme est comme dissociée quand elle relate aux Jours un épisode qui se serait produit pendant son expérience chez Capricci et Bobi Lux, les sociétés de production cinématographiques de Thierry Lounas et Claire Bonnefoy", détaille ainsi le journal d'investigation dans ce long article à retrouver sur ce lien.
"Nous sommes en 2021 et c’est l’un des premiers contrats de cette jeune femme qui rêve de travailler dans le développement de films. La règle était la suivante : après trois vérités, il fallait faire une action. J’ai dû me déshabiller. Ils m’ont demandé d’enfiler une robe très sexy, mais je ne l’ai pas mise. Ils m’ont demandé de retirer mon jean pour leur montrer mes fesses et ils ont dit qu’elles étaient moins bien que ce qu’ils imaginaient. J’ai dû embrasser Claire Bonnefoy. J’ai dû embrasser Thierry Lounas", lit-on dans ce témoignage.
"Thierry Lounas m’a demandé de coucher avec Claire Bonnefoy. J’étais sous l’empire de la drogue. J’ai refusé au moment où elle avait la tête entre mes jambes. »
Claire Bonnefoy aurait ensuite ironisé : "Claire m’a dit : “J’espère que tu ne porteras pas plainte.” Puis : “J’aurais dû être prudente avec toi, tu n’es pas si jeune."
Elodie, une autre ancienne employée, dénonce des "fellations forcées". Thierry Lounas l'aurait obligée à ces actes sexuels, alors qu'elle avait entamé une relation avec Claire Bonnefoy. Au sein de l'appartement du couple, en 2022, c'est la productrice qui aurait fait entrer son mari "dans l'équation" face à la jeune femme. "La pénétration c'est pas obligé", aurait dit Claire Bonnefoy, avant que son mari n'affirme : "Si".
Thierry Lounas conteste, à l'unisson de Claire Bonnefoy, et se défend ainsi : « Elles étaient toutes parfaitement consentantes […]. Si, après coup une gêne a pu être éprouvée par certaines femmes, j’en suis sincèrement désolé, mais elle ne résulte pas d’un consentement qui aurait été surpris ou contraint. »
Les Jours de leur côté persistent et signent en insistant sur l'abondance de voix recueillies : "Pour cette enquête, Les Jours se sont entretenus avec douze femmes qui relatent des faits de violences sexistes et sexuelles de la part du couple Thierry Lounas-Claire Bonnefoy, allant de ce qui s’apparente à du harcèlement sexuel jusqu’à des agressions sexuelles"
".... L’une parle de relations sexuelles qu’elle aurait subies dans un cadre d’emprise. Neuf d’entre elles ont préféré garder l’anonymat. Aucune n’a porté plainte à ce jour, de peur de répercussions professionnelles et/ou d’intimidations. Elles ont toutefois formé un collectif, auquel se sont ajoutés ceux qui dénoncent de mauvais traitements au travail chez Capricci et Bobi Lux"