Souviens-toi l'été dernier, voilà un film curieux.
Néo-slasher dans la vague de Scream sorti deux ans plus tôt qu'icelui, en 1995, écrit par le même scénariste (Kevin Williamson, le créateur de Dawson), rassemblant en un pot pourri révélations et superstars générationnelles (Jennifer Love Hewitt, Sarah Michelle Gellar, Ryan Philippe, Freddie Prinze Jr), cette histoire très sanglante de pêcheur revanchard assassinant de jeunes loubards d'une ville côtière paumée à coups de crochet, un ciré jaune sur le dos, a marqué son époque.
Enfin, tout en souffrant de la réputation malheureuse de bien des "sous-Scream", n'égalant naturellement pas la qualité d'écriture dudit classique horrifique, tout en revendiquant un ton beaucoup plus premier degré et moins référentiel. Une suite aux Bahamas plus tard (nanar savoureux avec bikinis, cabotinages et twist ending intersidéral d'absurdité) et un troisième opus très contesté entretemps, Souviens-toi l'été dernier fait enfin son grand retour en ce mois de juillet 2025 avec une grosse partie du casting originel et des nouveaux venus, à une période culturellement très spécifique, celle de la gén Z et des tendances TikTok, "era" où le premier opus est étrangement largement réhabilité.
Refaire un film déjà imparfait, en 2025, alors que l'horreur a depuis dévoilé des visages et tonalités si différentes des néoslashers ironiques des 90s ?
L'idée semblait très mauvaise, à l'heure des productions A24 et Neon. Cependant, contre toute attente : la recette prend, aux antipodes de la catastrophe annoncée. Grâce à une bonne dose de malice, d'humour, et... De féminisme. Si si.
On vous raconte.
On prend les mêmes, et on recommence ?
Presque ! Même bourgade au fin fond des Etats-Unis, ville portuaire américaine très charmante devenue en 30 ans très touristique (on sent la mise en abyme), mêmes jeunes protagonistes conciliant lucidité et bêtise, mêmes beaux gosses pour pages glacées, même croquemitaine... Et pourtant, dans cette histoire d'amis confrontés (encore !) à de cinglantes menaces (puis meurtres) suite à un terrible accident de la route qu'ils souhaitaient à tout prix étouffer, la sauce n'a pas le même goût.
Ce qui frappe dans ce Souviens-toi l'été dernier version 2025, c'est d'abord l'humour, chose très absente de l'original. Jamais parodique ou cynique, mais bien présent, par petites touches. En fait, en interview, la réalisatrice Jennifer Kaytin Robinson - car c'est bien une femme cinéaste à la barre de ce projet redouté - revendique volontiers un esprit "camp". C'est à dire : décalé, kitsch, conscient de sa désuétude, humoristique.
Cela donne donc des répliques savoureuses que l'on ne vous spoilera pas ici, même pendant les scènes les plus gore, des allusions bien senties, une forme d'incongruité des situations très assumée, en connivence avec le public, dans un decorum de summer movie, ou pop corn movie, qui n'a pas honte de ce qu'il est. Et c'est tant mieux. On appréciera notamment d'entendre autant de chansons s'enchaîner en dix minutes de métrage à peine : un côté "bande FM" qui nous renvoie carrément aux slashers des années 90 et à l'époque American Pie. C'en est presque poétique. Preuve de son esprit "camp", le film va jusqu'à citer... Scooby Doo !
Mais surtout, ce film d'horreur là est délicatement féministe.
La réalisatrice à la barre y décoche notamment au gré de dialogues mordants des piques envers les hommes et exs toxiques "qui devraient tous voir un psy" (croquemitaine compris !), dévoile une vision pas très idyllique du couple hétéro, s'amuse avec beaucoup d'ironie de la représentation des femmes à l'écran (scream queens ou psychopathes), loue la sororité (les meilleures amies y sont célébrées, voire carrément vues comme des "âmes soeurs")... Et puis, il y a cette protagoniste ouvertement queer, qui ne cache pas ses passions subtilement sadomasochistes. Un personnage attachant qui revendique fièrement sa sexualité et confère au film quelques instants d'ambiguïté. Personnage queer, donc tonalité camp, encore une fois.
Même si bon, avouons le, la véritable reine de ce Souviens-toi l'été dernier, c'est bel et bien Madelyn Cline, comédienne formidable de spontanéité. Elle joue ici une "diva" (son surnom) à la garde robe toujours impeccable même quand elle échappe à la mort (elle se sert de son parapluie pour tenir son sac à main, si ca n'est pas être une diva...), figure étonnamment précurseure du port de la naked dress dans le cinéma d'horreur (elle arbore effectivement la sulfureuse tenue avec alégresse), férue des podcasts de méditation, de câlins, de bains bien chauds et d'astrologie, protagoniste gentiment lunaire, drôle, iconique, qui s'avère bien plus forte qu'on ne pourrait le croire.
La jeune actrice, qui a enchanté la promo du film avec ses tenues hyper glamour, s'amuse énormément, et nous avec.
Elle participe à un divertissement léger mais loin d'être idiot, qui étonne par ses tonalités et son insouciance. C'est déjà beaucoup quand le cinéma d'horreur US d'aujourd'hui ne nous laisse plus le choix entre productions auteuristes abstraites et trash ou entertainement à jumpscares fade et beaucoup trop facile. Ne boudons pas notre plaisir, par pitié.