Ancienne géologue, elle a ouvert sa micro-brasserie (et se rit des clichés)

Publié le Vendredi 28 Février 2020
Catherine Rochon
Par Catherine Rochon Rédactrice en chef
Rédactrice en chef de Terrafemina depuis fin 2014, Catherine Rochon scrute constructions et déconstructions d’un monde post-#MeToo et tend son dictaphone aux voix inspirantes d’une époque mouvante.
Catherine Dionne-Foster, brasseuse québécoise
Catherine Dionne-Foster, brasseuse québécoise
Catherine Dionne-Foster est la fière propriétaire de la micro-brasserie La Korrigane dans le centre-ville de Québec. Une vocation qui continue à étonner dans ce milieu imprégné de préjugés.
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Elle aurait pu être géologue. Mais Catherine Dionne-Foster a choisi de devenir brasseuse. Une vocation que lui a transmise son père et qu'elle continue à développer avec passion. Au coeur de sa micro-brasserie, la Korrigane, plantée dans le quartier vibrant de St-Roch à Québec, cette passionnée s'amuse à inventer de nouvelles saveurs inspirées par la nature foisonnante environnante. Elle nous parle de sa place dans un milieu encore très stéréotypé et de ses bières si typiques.

Terrafemina : Avez-vous suivi une formation pour devenir brasseuse ?

Catherine Dionne-Foster : Non, je n'ai pas étudié pour devenir brasseuse. J'étais géologue d'exploration à la base. e suis passionnée par la nature, le fait d'être à l'extérieur, dans la forêt. Après mon bac, j'ai fait une maîtrise en Sciences de la terre à l'université de Quebec. J'ai travaillé là-dedans pendant 5 ans.

Quel a été le déclic pour lancer votre micro-brasserie ?


C.D.F. : J'ai toujours été en contact avec le monde de la bière parce que mon père brasse depuis 1990. Au début, il brassait en tant qu'amateur à la maison, puis il l'a fait commercialement pour un restaurant. J'ai toujours baigné là-dedans et j'ai toujours eu un intérêt pour l'agro-alimentaire, le terroir, la bonne bouffe, les bons produits. Surtout lorsque c'est fait de façon artisanale. Du coup, je me suis lancée. Aujourd'hui, ma micro-brasserie La Korrigane emploie 45 salarié·e·s.

Une brasseuse, cela étonne encore ?

C.D.F. : Cela surprend les gens, oui. J'ai rencontré quelques femmes brasseuses, mais au Québec, c'est encore assez rare. Je dirais que les femmes représentent moins de 10% des emplois en production, comme l'embouteillage, le brassage... Nous sommes clairement minoritaires.

Est-ce que vous avez eu à faire face au sexisme ?

C.D.F. : Oui, je ne veux pas pointer du doigt tous mes comparses masculins ou la clientèle, mais cela arrive régulièrement que j'ai droit à des commentaires un peu machistes. Ou des regards... Surtout quand j'ai mon habit de brasseuse. Parfois, cela crée comme un malaise de voir une femme s'approprier un métier ce qui reste dans la tête des gens "un métier d'homme". Alors qu'à l'origine, la bière était brassée par les femmes ! Donc en fait, ce sont les hommes qui se sont accaparés le brassage et en ont fait quelque chose de commercial et industriel.

Quel genre de commentaires ?

C.D.F. : Que je brassais de la confiture dans mes chaudrons, ou que je ne suis pas une "vraie entrepreneuse" parce que je ne suis pas obsédée par l'idée de développement et de croissance à tout prix. Je préfère justement le côté artisanal où la majorité des étapes sont exécutées à la main. Du coup, nous avons des petits volumes de production. On aime que les gens viennent chez nous découvrir, déguster, parler avec nous sur les méthodes de fabrication, les recettes, les ingrédients...

Catherine Dionne-Foster
Catherine Dionne-Foster

Donnez-nous des exemples de vos créations.

C.D.F. : J'aime beaucoup travailler avec les produits de la forêt boréale. Nous n'étions que deux ou trois à faire cela au Québec à la base. J'intègre par exemple des plantes comme l'épinette, le thé du Labrador, le poivre des dunes... Ce sont des plantes qui poussent au Québec à l'état sauvage et que l'on cueille à la main.

En quoi votre bière est-elle une "bière québécoise" ?

C.D.F. : Pour moi, l'intégration des matières premières québécoises est importante. Surtout qu'au Québec, le milieu brassicole est en pleine effervescence. Il y a un vrai boom ces dernières années, notamment des producteurs de matières premières comme les céréales, le houblon.

Avec quoi les déguste-t-on ?

C.D.F. : On peut avoir une bière qui peut être super bonne avec un poisson fumé, un filet de saumon, une autre avec du fromage et de la charcuterie, une autre avec un ragoût irlandais ou même avec un dessert.

 

Quelles sont vos adresses coups de coeur à Québec ?

C.D.F. : J'adore le Clocher penché, une table de bistronomie de cuisine française et québécoise avec beaucoup de produits locaux, de petits producteurs. C'est sans prétention, mais super pro. Le service y est excellent et on s'y sent très à l'aise. C'est aussi dans le quartier St Roch.

Il y a aussi le grand marché de Québec qui a ouvert l'été dernier, dans le quartier de Limoilou. Le bâtiment est magnifique et à l'intérieur, il y a plein de producteurs du Québec. Des apiculteurs, des produits de l'érable, des fruits du Québec, des plantes boréales, des maraîchers... J'y vais régulièrement.

J'aime beaucoup le théâtre La Bordée, tout petit mais très sympa, situé rue St-Joseph. Mais aussi L'Imperial Bell pour aller voir des spectacles des musique, des artistes émergents ou plus connus.

Pour les gens qui veulent acheter des bières de micro-brasserie, on peut aller à La Place, dans le quartier St-Roch. Ils ont une très belle sélection de bières et de petits produits du terroir.

Quels sont prochains projets ?

C.D.F. : On aimerait devenir propriétaire du bâtiment dans lequel on est installés. On est en négociations. On croise les doigts ! Et si ça marche, on a des projets d'agrandissement. Peut-être installer un équipement et un local pour faire du vieillissement de bière en barrique ?

Infos pratiques :

Cet entretien a été réalisé dans le cadre d'un voyage financé par QuébecOriginal