99% des jeunes filles ont déjà été harcelées dans l'espace public

Publié le Mercredi 25 Novembre 2020
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
99 % des jeunes filles ont déjà été harcelées dans l'espace public
99 % des jeunes filles ont déjà été harcelées dans l'espace public
Une enquête de la newsletter féministe "Les Petites Glo" révèle un chiffre effrayant : sur 1200 jeunes filles cis et trans de 14 à 24 ans interrogées, 99 % "ont déclaré avoir déjà vécu une situation de harcèlement de rue".
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"Ce que je déteste, c'est quand je dois attendre mon bus pendant plus de 10 minutes pour rentrer des cours. Je peux être sûre qu'à chaque fois il va y avoir un mec plus âgé qui va me mettre mal à l'aise. On peut se dire qu'un regard, c'est rien, que ça risque rien. Mais quand je sens qu'on me fixe, qu'on mate ma poitrine, je me mets à respirer plus fort, à avoir chaud. J'ai juste envie de me cacher et qu'on me laisse tranquille." Ces mots sont ceux de Camille, une jeune fille qui témoigne de son quotidien, et du harcèlement ordinaire qu'elle subit dans l'espace public. Camille a seulement 15 ans.

Pour dénoncer et estimer la fréquence de ce fléau auprès des ados et jeunes adultes, la newsletter féministe dédiée aux jeunes filles, Les Petites Glo, a décidé de faire un sondage auprès de ses abonnées. 1 200 internautes cis et trans âgées de 14 à 24 ans - dont Camille - y ont pris part. Et les résultats sont édifiants.

"Comme une chienne qu'on siffle"

D'abord, on apprend que 99 % des filles de 14 à 24 ans interrogées ont déclaré avoir déjà vécu une situation de harcèlement de rue où une personne les a regardées de façon insistante, déplacée. Plus précisément, dans 89 % des cas, elles ont été harcelées pour la première fois alors qu'elles étaient mineures. Et dans 95 % des cas, par un ou plusieurs hommes.

Ensuite, on découvre que 96 % des répondantes se sont déjà retrouvées face à une personne qui leur a fait des bruits répétés pour attirer leur attention. Des "psst", des "sifflements oppressants", des bruits de bouche "qui nous rappelle que celui qui l'utilise ne nous considère pas autrement que comme un animal", condamne Chloé Thibaud, la plume derrière la newsletter. "Comme une chienne qu'on siffle."

Un constat glaçant qui, malheureusement, ne s'arrête pas là. Car après la prise de contact vient souvent l'attaque verbale. Quatre filles sur cinq confient ainsi avoir subi des insultes et/ou mots à connotation sexuelle.

3 jeunes filles sur 4 ont déjà été suivies dans la rue

Face à ces agressions permanentes, certaines répliquent, mettent au point des techniques d'évitement ou de confrontation. Les Petites Glo en énumèrent quelques-unes, évoquées par les sondées : "faire croire que j'ai un copain, qu'un ami m'attend, demander d'arrêter (...) faire un regard noir, parler fort, crier, faire un doigt, lui demander de répéter, insulter, prendre en vidéo". D'autres craignent les représailles, d'être encore plus en danger. Trois jeunes filles sur quatre ont d'ailleurs déjà été suivies dans la rue, pendant une partie ou l'intégralité de leur trajet.

Alors, que faire ? Plusieurs options. Se former pour intervenir lorsque l'on subit ou assiste à du harcèlement dans l'espace public, propose notamment la newsletter. Militer, sensibiliser son entourage à cette réalité effrayante, marteler ces chiffres, partager ces témoignages. Agir quand on est témoin, ne plus détourner le regard. Condamner fermement, ne rien laisser passer. S'organiser pour se protéger à plusieurs. Interpeller le gouvernement, ne pas se taire.

Pour que les femmes, quel que soit leur âge (on le rappelle : 81 % d'entre elles ont déjà été victimes de harcèlement dans les lieux publics, selon un sondage Ipsos), ne craignent plus de marcher dehors. Pour qu'elles ne se retrouvent plus seules face aux harceleurs, et pour que la rue leur appartienne enfin.