Un sacre bien mérité : Sigourney Weaver vient d'être couronnée du Lion d'Or d'honneur lors de la 81e édition de la Mostra de Venise, le festival international de cinéma. Un Prix prestigieux qui la fait rejoindre une longue liste sororale et classieuse constituée de Tilda Swinton, Jamie Lee Curtis, Catherine Deneuve, Jane Fonda, Michèle Morgan...
Et l'actrice depuis longtemps immortalisée dans la pop culture a profité de cet hommage, les larmes aux yeux, pour asséner de puissantes paroles. A propos des rôles très iconiques qu'on a pu lui décerner tout au long de sa carrière hollywoodienne (et européenne), elle s'est permise une jolie pirouette : "Je ne joue pas des 'femmes fortes'... Je joue juste des femmes et les femmes sont fortes !".
Et la star de poursuivre sur le même ton devant une assistance convaincue : "...les femmes sont fortes car elles n’abandonnent pas. Vous savez pourquoi ? Parce que nous ne pouvons pas, nous devons aller au bout". Des propos loin d'être anodins en vérité, et même plutôt très malins, on vous explique pourquoi.
Femme forte ? Clairement, pourrait-on dire !
Sigourney, pour rappel, c'est Ripley.
Sigourney Weaver sera pour toujours associée au personnage d'Ellen Ripley dans la première quadrilogie Alien, oui, et à tout l'imaginaire SF infini qui lui est relatif. Mais l'actrice est également l'emblématique Dian Fossey, primatologue chère aux défenseurs de la cause animale ("Gorilles dans la brume"), une girlboss impitoyable dominant sans fatigue le beau Harrison Ford ("Working Girls"), une profileuse de génie traquant un serial killer tout droit sorti d'un David Fincher ("Copycat"), une femme fatale (la comédie sexy Beautés empoisonnées), sans oublier ses partitions chez Ang Lee, Michel Gondry, M Night Shyamalan...
Oui mais voilà, l'actrice adulée par James Cameron a bien raison de contester l'expression "femme forte". Pourquoi ? Les débats fusent à ce sujet. L'expression "femme forte" est devenue "tarte à la crème" dans le jargon féministe depuis sa réappropriation pas toujours heureuse par tout un lexique "start up". On parlera volontiers de femme forte - sur LinkedIn et consorts - comme on parlera de girl power et d'empouvoirement, formules fantasmant une puissance choisie et admirable émanant de femmes qui, en vérité... N'ont d'autres choix que de l'être, fortes !
Les femmes sont fortes... Par défaut.
Discriminations, stigmatisation, inégalités - salariales entre autres - et violences de genre plurielles exigent des femmes cette "force" que le langage patriarcal renverse à son avantage : iconiser les "girlbosses", les "audacieuses", les "femmes qui osent", pour mieux éluder la réalité sociale, politique et économique qui exige d'elles de faire deux fois plus. Dire "femme forte" et insister sur la facette "inspirante" de tel profil permet volontiers d'éviter d'employer des mots qui fâchent comme "patriarcat", "exclusion" et "sexisme"... Ou "genre".
En expliquant que les femmes ne peuvent pas abandonner, Sigourney Weaver entre les lignes rappelle cette vérité limpide. "Je partage ce prix avec tous les cinéastes et collaborateurs avec qui j'ai travaillé toutes ces années", avait-elle déjà déclaré en juin dernier en apprenant l'imminence de cette remise de Lion d'Or d'honneur.
Forte, certainement, humble, tout autant.