Les femmes scientifiques devraient rester dans des labos à part selon le prix Nobel Tim Hunt

Publié le Mercredi 10 Juin 2015
Charlotte Arce
Par Charlotte Arce Journaliste
Journaliste en charge des rubriques Société et Work
Les femmes scientifiques devraient bosser dans des labos à part : les propos scandaleux du prix Nobel Tim Hunt
Les femmes scientifiques devraient bosser dans des labos à part : les propos scandaleux du prix Nobel Tim Hunt
Invité à la conférence mondiale des journalistes scientifiques qui se déroule actuellement à Séoul, en Corée du Sud, le prix Nobel de médecine Tim Hunt a déclaré ce lundi 8 juin qu'il valait mieux qu'hommes et femmes travaillent dans des laboratoires séparés pour éviter que ces dernières "tombent amoureuses de leurs collègues et pleurent quand on les critique".
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On aurait pu croire qu'en tant que lauréat en 2001 du prix Nobel de physiologie ou médecine, Tim Hunt aurait l'intelligence (et la décence) de ne pas se vautrer dans les clichés sexistes les plus primaires qui soient. Mais c'était décidément bien mal le connaître. Invité à la conférence mondiale des journalistes scientifiques qui se tient à Séoul, en Corée du Sud, ce scientifique britannique s'est laissé aller à des considérations aussi déplacées que misogynes devant une assemblée majoritairement composée de femmes scientifiques de haut niveau.


"Permettez-moi de vous parler de mon problème avec les filles", a commencé Tim Hunt. "Trois choses se produisent quand elles se trouvent dans un laboratoire... Vous tombez amoureux d'elles, elles tombent amoureuses de vous, et quand vous les critiquez, elles pleurent." Et d'ajouter que s'il ne voulait pas "fait obstacle aux femmes", il était cependant favorable à la création de laboratoires de recherches non-mixtes.

"Un désastre pour la promotion des femmes scientifiques"

Les propos de Tim Hunt n'ont évidemment pas manqué d'outrer les femmes présentes. Parmi elles, Connie St Louis, qui dirige le programme de journaliste de la City University de Londres s'est empressé de tweeter son exaspération quant aux commentaires "dignes de l'époque victorienne" tenus par le biologiste.

Vertement critiqué sur Twitter, Tim Hunt s'est retrouvé bien seul quand la Royal Society, institution dont il est membre depuis 1991, s'est désolidarisé de ses propos. D'abord par le biais d'un tweet dans lequel ses membres affirment que "les commentaires de Tim Hunt ne reflètent pas [leurs] points de vue", puis via une déclaration officielle. "La Royal Society estime que, pour atteindre son plein potentiel, la science doit faire le meilleur usage des capacités de recherche de l'ensemble de la population britannique [...] Trop de personnes talentueuses ne remplissent pas leur potentiel scientifique pour cause de discrimination sexuelle et la Société est engagée à aider à y mettre fin."


David Colquhoun, professeur émérite de pharmacologie à l'University College de Londres et confrère de Tim Hunt a quant à lui déclaré que les commentaires du biologiste étaient un "désastre pour la promotion des femmes" dans le monde scientifique.


"Tout ce que je voulais, c'était être honnête"

Face à l'émoi provoqué par ses propos, Tim Hunt a fini par faire marche-arrière. Invité ce mercredi matin sur les ondes de la BBC 4, scientifique de 72 ans a présenté ses excuses et tenté maladroitement de se justifier. "C'est vrai que je suis tombé amoureux de femmes dans le laboratoire et des femmes sont tombées amoureuses de moi. Or c'est très perturbant pour la science car il est terriblement important que les personnes qui travaillent dans un labo soient du même niveau."


"Ce que j'ai voulu dire, c'est que ces enchevêtrements émotionnels ont rendu la vie [dans le laboratoire, ndlr] très difficile. Je suis vraiment, vraiment désolé, j'ai fait une erreur, c'est affreux. [...] Tout ce que je voulais, c'était être honnête en fait."

Des excuses qui ne devraient pas suffire pour redorer la réputation souvent sexiste du milieu scientifique. Malgré les nombreuses initiatives mises en place par les gouvernements occidentaux, les femmes restent encore et toujours minoritaires dans la science, la technologie ou l'ingénierie (STEM). Selon la fondation Wise qui promeut la place des femmes dans le milieu scientifique, seules 13% des personnes travaillant dans ces domaines sont des femmes. Même chose dans le milieu universitaire, où 84% des professeurs à temps plein travaillant dans la science, l'ingénierie ou la technologie sont des hommes.