La youtubeuse Marie s'infiltre à la marche #NousToutes et c'est un bad buzz absolu

Publié le Lundi 25 Novembre 2019
Louise  Col
Par Louise Col Journaliste
Le happening ultra "bad buzz" de Marie s'infiltre...
Le happening ultra "bad buzz" de Marie s'infiltre...
Habituée aux "happenings" provocs, la comédienne Marie s'infiltre s'est incrustée à la Marche contre les violences sexistes et sexuelles le temps d'un sketch mixant caricature des féministes et (pseudo) BDSM. Un fiasco.
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Un bad buzz reste un buzz. C'est ce qu'a dû se dire Marie s'infiltre, instigatrice de la chaîne YouTube du même nom, en s'invitant ce 23 novembre à la marche contre les violences sexistes et sexuelles organisée par le collectif Nous Toutes. Habituée des performances "provocs", la comédienne a investi la foule considérable de la manifestation (des dizaines de milliers de personnes étaient présentes), un fouet à la main, avec de drôles d'hôtes : deux hommes torses nus, arborant de faux yeux au beurre noir et un collier de cuir au cou. Comme s'il s'agissait d'une séance de sado-masochisme. En rigolant, la youtubeuse a proposé aux manifestantes de fouetter ses "esclaves".

Inutile de chercher midi à quatorze heures : avec ce happening, Marie s'infiltre mélange confusément sadomasochisme et violences conjugales. Tout en privilégiant la vision caricaturale d'un féminisme forcément belliqueux à l'égard de la gent masculine. Une situation d'autant plus datée que les hommes, eux aussi, étaient présents lors de cette marche majeure. Quoi de plus normal pour défendre l'égalité des sexes ? Toujours est-il que cet "happening" a scandalisé les internautes. Et pour plus d'une raison.

Un sketch scandaleux

Sur Twitter, de nombreux internautes se sont indignés contre cette "performance". Ils jugent la vidéo totalement "indécente" dans un tel cadre - à savoir une manifestation qui, entre autres choses, a pour effet de sensibiliser l'opinion publique et le gouvernement aux féminicides.

En proposant un sketch comme celui-ci, la comédienne serait irrespectueuse à l'égard des victimes de violences conjugales, et, plus encore, des 138 femmes assassinées depuis le début de l'année sous les coups de leurs conjoints ou ex-conjoints. Des situations qui, rappelle une spectatrice anonyme, "n'ont rien à voir avec les pratiques BDSM". Difficile de la contredire : quel rapport entre des fantasmes de domination et de soumission impliquant des actes sexuels consentis... et l'assassinat d'une femme ?

 

"Les femmes qui meurent sous les coups de leurs hommes ne sont pas dans des relations SM. Les relations SM, par essence, c'est le contrat, le consentement. Cette comparaison inepte fait passer les femmes pour en partie responsables de qui leur arrivent. Elles auraient consenti à la douleur, l'humiliation. Ce qui est révoltant", explique en ce sens le journaliste Romain Burrel. Et le rédacteur en chef du magazine Têtu de poursuivre avec virulence : "En une vidéo, cette femme a réussi le tour de force de tourner en dérision les féminicides et une pratique sexuelle qui procure du plaisir et de l'équilibre a des tas de gens consentants". Sacré exploit s'il en est.

Plus qu'une "dérision" qui n'excuse pas grand chose, le geste de la vidéaste est contre-productif. Selon les militantes, ce sketch caricatural fait du mal au féminisme. Derrière le concept de "l'humour noir" ou du "détournement", aurait-on à faire avec du "feminism-bashing" qui s'ignore ? "Marie s'infiltre qui s'infiltre au cortège contre les violences faites aux femmes en tenant des hommes en laisse, cela contribue à banaliser et renforcer l'idée déjà répandue que le féminisme s'apparente à de la haine des hommes, donc ça salit l'image de la lutte", déplore à ce titre une internaute. De quoi réjouir les misogynes qui se complaisent dans leurs propres convictions.

 

Au vu des centaines de commentaires fustigeant son geste, la comédienne s'est permis de l'expliquer sur son compte Instagram. A la lire, sa performance viserait avant tout à "bousculer, transgresser les codes, montrer l'absurdité de notre réalité, remettre en question la pensée dominante, et permettre l'irruption du rire là où on ne l'attend pas, là où on ne le veut plus". Pas de bol, non seulement le rire n'était pas attendu, mais il n'est pas venu.

Qu'importe, la YouTubeuse n'en démord pas. Pour elle, "il est important de prendre un sujet dramatique et de le détourner". Encore faut-il que cela soit pertinent ? Peu de remise en question chez la comédienne qui en profite pour épingler "la posture victimaire" et "les pleurs" des activistes féministes, tout en déplorant une "ère de la moralisation extrême". Vous connaissez la chanson, Michel Sardou aussi : on ne peut plus rien dire...

En vérité, la "maladresse" de Marie s'infiltre est d'autant plus regrettable qu'elle prend place lors d'un événement où abondent les écriteaux inspirants. Au fil des slogans pensés par les féministes (les vraies), l'humour le plus féroce enlace la militance. Jeux de mots et allusions bien senties servent à dénoncer les violences conjugales, tacler le patriarcat, décomplexer les femmes à propos de leur sexualité, dire les plus tragiques injustices. Preuve en est que, contrairement à ce qu'énonce la vidéaste, les féministes savent rire - et oui ! Démonstration en quelques punchlines aperçues lors de la Marche : "La planète, ma chatte : protégeons les zones humides", "Je veux une raclette, pas une raclée", "Rage against the machism", "Si t'es fier d'être un macho, tape dans tes couilles", "Nichon ni maître", "La cup est pleine, ca va saigner"... On suggère à l'artiste de prendre des notes ?