Marion Rousse, directrice du Tour de France Femmes : "Pourquoi vous allez adorer cette course"

Publié le Vendredi 22 Juillet 2022
Le Tour de France Femmes s'élancera ce 24 juillet de Paris pour huit étapes palpitantes. A cette occasion, Terrafemina et Adecco mettent en avant des femmes travaillant sur la course. Aujourd'hui, Marion Rousse, directrice de l'épreuve, consultante et ancienne championne cycliste, nous explique pourquoi il faut absolument suivre cette course historique.
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A l'approche du grand départ, Marion Rousse est fébrile. Impatiente surtout. Car comme beaucoup, elle l'attendait, ce Tour de France Femmes. Car voilà maintenant 33 ans que les coureuses n'avaient plus leur Tour dédié. C'est donc peu dire que la pression est maximale, tout comme l'enthousiasme suscité par la renaissance de cette belle épreuve dont le coup d'envoi sera donné le 24 juillet sur les Champs-Elysées à Paris, jour de la dernière étape du Tour de France masculin 2022.

Au programme ? 1 029 kilomètres de course, 22 équipes de 6 coureuses, 8 étapes. Et une arrivée en apothéose au sommet de la Planche des Belles Filles.

Nous avons rencontré l'ancienne coureuse cycliste, consultante pour France TV et toute fraîche directrice du Tour de France Femmes pour parler de son parcours atypique, de sa passion pour le vélo et de ce nouveau challenge.

Terrafemina : Quand on est une petite fille, à quel moment se dit-on : "Je veux devenir coureuse cycliste" ?

Marion Rousse : Je ne me suis jamais posé réellement la question, c'est comme si le cyclisme était dans mon ADN. Ma mère me voyait tourner vers 3-4 ans tourner autour de la table, mettre du poids dans un sac à dos, passer au-dessus, au-dessous et je lui avais dit que je faisais mon entraînement ! C'est comme si j'étais prédestinée à faire du sport, à m'imposer une certaine discipline. Le vélo s'est imposé à moi.

Je regardais de ma poussette en trépignant les courses de mon père et de mes cousins qui étaient professionnels. J'avais un tempérament actif et je voulais moi aussi participer. A 6 ans, j'ai déclaré à mes parents que je voulais faire du vélo. Mon père était réticent : "Tu es trop jeune, tu es une petite fille, c'est trop dur". Je me suis inscrite en cachette avec ma mère et j'ai eu ma petite carte de licenciée. Dès la semaine suivante, mon père me coachait et il m'a suivie jusqu'à mes 25 ans.

Comment devient-on championne ?

M. R. : C'est un tout. Il y a bien sûr les prédispositions, mais cela demande aussi beaucoup d'heures d'entraînement. J'ai fait des jeux de quilles pour avoir de l'équilibre sur mon vélo, mon père m'apprenait à "frotter" (faire du coude) au sein d'un peloton, à comprendre la direction du vent... Il y a tant de choses à apprendre.

Bien sûr, on n'a pas la même vie que tous les ados quand ils commencent à sortir. Je n'allais pas en boîte de nuit le vendredi parce que j'avais une compétition le samedi. Mais ce qui me plaisait, c'était avant tout de m'entraîner, d'aller faire les courses. Je ne l'ai jamais vécu comme une punition. Très jeune, il faut s'imposer une discipline stricte, sinon, il n'y a pas de résultats.

Aviez-vous des modèles auxquels vous identifier ?

M. R. : Oui, des hommes. J'entendais parler de cyclistes comme Jeannie Longo, mais je ne les voyais pas à la télé. Je regardais Paris-Roubaix, le Tour des Flandres, le Tour de France... Et c'était des hommes. J'habitais dans le Nord, à côté des secteurs pavés et je m'imaginais dans le final de course comme le champion belge Tom Boonen alors que j'étais une fille. Je n'ai aucun souvenir du Tour de France féminin (Marion Rousse est née en 1991, deux ans après le dernier Tour de France féminin en date- Ndlr). Mais je sais à quel point des championnes comme Jeannie Longo ont fait pour notre sport.

Etait-ce parfois compliqué de naviguer dans ce milieu très masculin?

M. R. : Bien sûr. Mais je l'ai moins ressenti car c'était naturel pour moi d'être entourée d'hommes. A 6 ans, lors de mes premières courses, j'étais la seule fille. Et je m'en foutais : j'étais là parce que je le méritais. Parfois, on voulait me mettre en première ligne et je refusais. Je voulais faire la course "à la régulière". J'ai toujours voulu être mise sur le même pied d'égalité que les hommes. Mes copains me considéraient comme eux. Je les battais parfois et cela ne les vexait pas.

Cette faculté-là, je l'ai gardée toute ma vie, même dans mon métier de consultante où je me suis retrouvée première femme consultante. Mes collègues masculins ont vite vu que j'étais là parce que j'étais à ma place. Je suis une bosseuse et quand on me demande un truc, je le fais bien.

Vous avez arrêté votre carrière sportive très jeune (24 ans) pour vous reconvertir comme consultante et aujourd'hui directrice du Tour de France Femmes. Pour quelle raison ?

M. R. : Il fallait que je travaille à côté et étant perfectionniste, j'avais l'impression de tout mal faire. J'allais m'entraîner, puis j'allais au boulot donc je ne récupérais pas bien. Cela devenait trop compliqué.

Le vélo reste toute ma vie. Ca paraît tôt d'arrêter sa carrière à 24 ans, mais quand tu as commencé les compétitions à l'âge de 6 ans, tu as tout vu et tout vécu. Je n'ai pas regretté ma décision.

Pourquoi avoir relancé un Tour de France féminin ? Et pourquoi cette année ?

M. R. : Je pense que s'il n'y avait pas eu le Covid, il aurait eu lieu avant. L'épidémie a bouleversé tous nos plans. Economiquement parlant, il y avait des budgets énormes à mettre en place, en plus des jauges et des restrictions sanitaires. Cu coup, l'échéance a été un peu reculée.

Mais l'élément déclencheur, cela a été le développement du cyclisme féminin. On n'aurait pas fait un Tour de France en "cadeau". Il y a une vraie cohérence sportive et un réel intérêt. Les gens vont adorer.

La Coupe du monde de foot féminine en 2019 a rencontré un beau succès populaire. Attendez-vous le même engouement pour ce Tour de France Femmes ?

M. R. : L'impact sera le même. Le premier Paris-Roubaix féminin en octobre 2021 a été l'occasion pour les gens de se rendre compte de quoi les femmes étaient capables et elles vont nous le prouver une nouvelle fois en juillet sur le Tour ! Les audiences seront là, les spectateurs sont prêts, les sportives sont au taquet.

En fait, il ne manque pas de courses cyclistes féminines. Il y a Liège, La Flèche Wallonne... Les cyclistes femmes ne dépendent pas de ce Tour de France. Mais l'aura du Tour, hommes ou femmes, va au-delà des frontières du sport : c'est historique, culturel, c'est la fête et un immense succès populaire. Rien ne peut remplacer le Tour de France, c'est la meilleure vitrine dont les cyclistes femmes puissent rêver.

Vous disiez que vous souhaitiez que le cyclisme féminin ne soit plus un "étonnement" lorsqu'on allume la télé.

M. R. : Oui, j'aimerais que l'on normalise la pratique du cyclisme féminin. Qu'on allume la télé et qu'on se dise : "Tiens, c'est Liège-Bastogne-Liège" et pas : "Tiens, une fille sur un vélo !". Qu'on ne soit plus obligées de se justifier, de prouver qu'on est capables de le faire. La meilleure des réponses, c'est la non-réponse, en fait. C'est dans l'action que l'on montrera de quoi on est capable.

Quelle est la différence avec le Tour de France masculin ?

M. R. : Les étapes sont plus courtes que les étapes masculines : en moyenne, les coureuses font 130 kilomètres contre 200 kilomètres parfois chez les hommes. Sur ces 200 km, ce sont souvent des arrivées au sprint et dans trois semaines de Tour, il y a des étapes où il ne se passe rien. Parfois, on s'embête, soyons honnêtes. Et les spectateurs font la sieste devant leur télé ! (rires)

L'avantage du cyclisme féminin, c'est que les difficultés arrivent beaucoup plus vite et la course se déclenche plus tôt. Il y a moins de temps morts car la course est moins longue. Et c'est souvent à bloc du début à la fin.

Du temps où vous couriez, seules quelques femmes étaient rémunérées. Aujourd'hui, il existe un salaire minimum, mais on continue à parler des écarts entre les primes et les salaires entre femmes et hommes. Comment parvenir à l'égalité salariale ?

M. R. : Ce n'est malheureusement pas de notre ressort, mais celle de l'Union cycliste internationale. Le salaire minimum mis en place est le même que chez les garçons. Ce qui diffère, c'est que les leadeures femmes vont être moins payées qu'un Wout Van Aert ou un Mathieu van der Poel parce que les sponsors ont moins d'argent dans les équipes.

On a bien sûr envie de bousculer cette logique grâce au Tour de France Femmes et aux partenaires que l'on va pouvoir apporter dans les équipes. C'est ainsi que les salaires vont augmenter. En termes de primes, on a encore quelques remarques car elles sont inférieures à celle du Tour de France masculin. Mais c'est un faux débat. Rappelons que l'épreuve des hommes dure trois semaines, la nôtre huit jours. Et puis les sportives ne dépendent pas des primes pour vivre, même si c'est important. Il vaut mieux avoir des investisseurs privés pour que les salaires augmentent.

Le parcours du Tour de France Femmes 2022
Le parcours du Tour de France Femmes 2022

Quelle sera la plus belle étape de ce Tour de France Femmes ?

M. R. : Elles seront toutes importantes, mais la première étape sera spéciale émotionnellement. On partira de Paris devant la Tour Eiffel, à côté des Champs-Elysées. C'est toute l'histoire du Tour, ce sera très symbolique. D'un point de vue sportif, j'ai hâte d'être à l'étape de Bar-sur-Aube avec les Chemins blancs. C'est un classique et on sait qu'il y aura de l'action, il faudra être fortes.

Et puis il y aura le dernier week-end, très montagneux avec cette arrivée au sommet de la Super Planche des Belles Filles qui sera mythique. C'est un col que l'on connaît bien car les hommes y passent souvent- comme cette année d'ailleurs. C'est là que l'on remettra le premier maillot jaune de la première édition du Tour de France Femmes avec Swift. Ce sera beaucoup d'émotions.

Ce Tour, c'est aussi pour faire venir des femmes aux postes à responsabilité ?

M. R. : Bien sûr. Mais nous n'avons pas lancé un Tour de France Femmes pour ne mettre que des femmes dans le staff. Notre but, c'est aussi qu'on mette des femmes au sein du Tour de France masculin à des postes-clés. Par exemple, il y aura une speakeuse sur Radio Tour.

On veut normaliser non seulement la pratique sportive, mais aussi encourager des femmes qui ont envie de s'investir dans le métier de mécano ou de soigneuse par exemple. Le Tour, c'est un vrai village itinérant et on a envie que les femmes ne se mettent plus de barrières, leur montrer que c'est possible.

Quelles sont les coureuses à guetter ?

M. R. : Pour le classement général, Annemiek van Vleuten, la leadeure numéro une à suivre qui a un palmarès super impressionnant. Je pense qu'elle a vraiment à coeur de gagner cette première édition. Mais aussi la Néerlandaise Marianne Vos, qui est selon moi la meilleure ambassadrice du cyclisme féminin actuelle. Elle va dynamiter toutes les courses !

On suivra aussi de près l'Italienne Elisa Longo Borghini qui a remporté le Paris-Roubaix féminin. Elle est super intéressante, tout comme la Polonaise Katarzyna Niewiadoma qui n'a pas peur d'attaquer. Et puis il faut surveiller l'équipe française FDJ Nouvelle-Aquitaine Futuroscope qui a de bonnes chances de succès pour les victoires d'étapes, ainsi que Juliette Labous de l'équipe DSM.

Votre petit Nino est né en juin 2021. Que va-t-il faire pendant le Tour de France ?

M. R. : Il va beaucoup me manquer. Parfois, j'ai du mal à m'endormir en me demandant comment je vais faire... Il viendra lors des journées de repos. Je ne voulais pas lui faire faire tout le Tour car c'est trop de fatigue pour un bébé. Il sera avec Papy et Mamy la plupart du temps et il adore, donc ça m'enlève cette part de frustration. J'ai des journées tellement compliquées et denses, que ce soit sur le Tour de France hommes que femmes que je ne pourrais pas profiter de lui à 100%.

Ce bébé a changé beaucoup de choses dans ma vie, ça n'a pas toujours été facile parce que je veux le meilleur pour lui et je fais toujours en fonction de lui. C'est un équilibre que j'ai fini par trouver. Je suis bien dans ma vie. Que ce soit Julian (Julian Alaphilippe, coureur cycliste et compagnon de Marion Rousse- Ndlr) ou moi, on donne beaucoup pour Nino. Dès qu'on est avec lui, on s'y consacre à 100%. Et on voit à ses sourires qu'on est dans le vrai.

Adecco est le premier réseau d'agences d'emploi en France avec 800 agences sur l'ensemble du territoire. Depuis plus de 50 ans, les équipes Adecco s'attachent à toujours mieux comprendre les contextes économiques, sectoriels et réglementaires pour anticiper les difficultés et préparer l'emploi de demain. Nos collaborateurs en agence développent avec les candidats une relation de confiance pour les accompagner au mieux dans les emplois qui leur conviennent. Chaque semaine, près de 100 000 intérimaires sont délégués dans plus de 36 500 entreprises clientes. Adecco est une marque de The Adecco Group.

Adecco est, depuis 2018, le recruteur officiel du Tour de France, et assure l'accompagnement des emblématiques équipiers qui contribuent au succès de la Grande Boucle.

Pour cette cinquième année, Adecco mettra également tout son savoir-faire au service du Tour de France Femmes avec Zwift, cette nouvelle course qui s'annonce historique pour le cyclisme féminin.