Une sculpture "sacrée" de bébés morts fait un tollé à Menton

Publié le Jeudi 03 Octobre 2019
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Scandale autour de la Vierge et de ses sept bébés morts.
Scandale autour de la Vierge et de ses sept bébés morts.
Le mauvais goût s'est incrusté du côté de Menton, avec une forte tendance "anti-IVG". Et franchement, on aurait pu largement s'en passer.
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C'est une statue de Vierge. Jusque-là, rien d'étonnant. Sauf qu'à ses pieds, on trouve sept sculptures de bébés morts. Un détail morbide, d'autant plus lorsque l'on connaît le but de cette création installée au coeur de Menton, à deux pas du Grand Hôtel des Ambassadeurs : protester contre le droit à l'interruption volontaire de grossesse. En gros, "Notre-Dame des Innocents", puisque c'est là le nom de cette oeuvre signée par l'artiste néerlandaise Daphné du Barry, est ce que l'on pourrait appeler une statue "pro-vie". Quelques jours après la Journée mondiale du droit à l'avortement, cette installation n'est pas vraiment du plus bel effet...

Comme l'indique ce reportage régional de France 3, l'imposante "Notre-Dame des Innocents" s'érige en plein centre-ville afin d'inciter les femmes qui ont avorté à "se repentir" et à implorer le pardon de Dieu. Un message qui n'a rien de vraiment surprenant au fond, puisque l'oeuvre fait office de "mise en bouche" à la Biennale d'art contemporain sacré, une manifestation nationale organisée autour de l'art religieux. La sculptrice Daphné du Barry, connue pour ses créations "sacrées", voit en cette Vierge la représentation allégorique de "l'amour de la vie" et un témoignage de "sa beauté".

Un discours qui dénote plutôt avec la vision de ces bambins macabres. Certains sont même étranglés par leur cordon ombilical. Une sculpture anti-IVG "choc" qui n'a pas manqué de susciter l'indignation...

Une statue qui fait scandale

"Sérieusement, Menton, vous n'allez pas laisser cette horreur visible de tous ?!", s'offusque en ce sens une internaute. Il faut dire qu'en 2019, cette condamnation de l'avortement invite peu à la "célébration" de la vie. "Au nom du respect de ce droit fondamental qu'est l'IVG, et pour toutes les femmes dans le monde qui meurent à cause d'un avortement clandestin, cette sculpture qui fustige l'avortement n'a pas sa place dans notre ville", a dénoncé Frédéric Pellegrinetti, le Secrétaire et porte-parole du Parti Socialiste à Menton. Le représentant exige d'emblée la réaction de la Mairie.

Sur Twitter, d'aucuns nous renvoient même à ces précieux mots de Simone de Beauvoir : "Les droits [des femmes] ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant". On ne saurait mieux dire. C'est encore à une autre Simone - tout aussi iconique - que l'on pense en regardant cette sculpture...

Mais Daphné du Barry, de son côté, n'en démord pas. Interrogée par le média local, elle persiste et signe : "Chaque enfant est un don de Dieu. La Vierge pleure car apparemment ces enfants n'ont pas vu le jour. J'ai créé ce monument pour créer une prise de conscience". A l'écouter, ces sept bébés incarnent "tous les bébés morts sur sept continents". Ou, comme l'énonce encore la sculptrice, les "enfants non-nés".

Une manière comme une autre de culpabiliser toutes celles qui ont procédé à une IVG, à grand recours d'imagerie sacrée. Cette pratique, Daphné du Barry s'y oppose. Car ces enfants "non-nés", assure-t-elle, "auraient pu être des génies". D'où l'idée de faire de cette installation publique un véritable "lieu de pèlerinage". Des paroles qui ont offusqué Claire Morracchini, la coordinatrice du Planning Familial de la ville de Menton. A France 3, elle affirme sa volonté d'exiger le retrait de l'espace public de "Notre-Dame des Innocents". Une prise de position appuyée par le Centre LGBT de Nice. Alors que se fait attendre la réaction du maire de Menton, une chose est certaine : le droit à l'avortement demeure une cause fragilisée. Et il ne faut pas baisser la garde.