Société
Droit à l'avortement : pourquoi nous ne baisserons jamais la garde
Publié le 27 septembre 2019 à 16:32
Par Clément Arbrun | Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
A l'occasion de la Journée internationale du droit à l'avortement qui se tiendra ce 28 septembre, retour sur l'état de santé international d'un droit fondamental pour les femmes.
Le droit à l'avortement, une loi fondamentale. Le droit à l'avortement, une loi fondamentale.© Getty Images
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224 338. C'est le nombre d'avortements pratiqués en France en 2018, selon les derniers chiffres publiés par la DREES (Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques). Cela représente une augmentation de 3% par rapport à l'année précédente. En France, on dénombre donc une interruption volontaire de grossesse pour trois naissances. Cette pratique reste la plus fréquente parmi les jeunes femmes, âgées de 20 à 24 ans. Et en tout, c'est une femme sur trois qui avorte.

Si ces chiffres sont plus que d'actualité à la veille de la Journée internationale du droit à l'avortement, ils ne doivent cependant pas nous faire oublier, comme le rappelle l'association Avortement Europe, que près de 47 000 femmes sont mortes en 2018 des suites d'un avortement clandestin. Et que la dépénalisation de l'IVG est encore loin d'être effective dans bien des pays.

D'ailleurs, le 26 septembre 1972, à Paris, les manifestantes défilaient encore dans les rues pour défendre le droit à l'avortement en France. Ce n'est que trois ans plus tard qu'est passée au Parlement la fameuse "loi Veil". Et, l'air de rien, cette légalisation n'exclut pas les inconstances ou les drames. Dans notre pays, comme le détaillait encore récemment une enquête Mediapart, alors que certains professionnels de santé peu scrupuleux se jouent de la détresse morale de leurs patientes pour leur faire payer l'IVG (censée être gratuite) ou refusent carrément de la pratiquer, d'autres ne se privent pas de s'opposer publiquement à ce qui, pourtant, est légal. Tel le président du Syndicat national des gynécologues-obstétriciens de France, osant sans détour : "Nous ne sommes pas là pour retirer des vies". Glaçant.

Raison de plus pour défendre un droit qui, quatre décennies après l'officialisation de la loi Veil, semble aussi pratiqué que fragilisé. Car, par-delà l'Hexagone, la situation est très loin d'être idéale pour les femmes.

Des avancées à travers le globe

On pense notamment à l'Equateur. En ce mois de septembre 2019, les députés équatoriens ont effectivement voté contre la dépénalisation de l'avortement. L'interruption volontaire de grossesse est donc strictement interdite. Oui, même en cas de viol ou de malformation du foetus. Ce qui n'a pas manqué d'indigner les nombreuses manifestants pro-avortement. Ou encore l'Argentine où le Sénat a rejeté la proposition de légaliser l'avortement alors que des millions de personnes étaient descendues dans la rue.

Hélas, cette situation n'a rien d'exceptionnelle, comme le détaille la carte dépliée par Le Monde. De Malte à Andorre, de Chypre à la Pologne, l'IVG n'a pas droit de cité. Bien que, dans la majorité de ces pays, il soit autorisé en cas de problèmes médicaux ou de risque de santé pour la femme. A Chypre par exemple, cette pratique n'est ainsi permise qu'en cas de problèmes médicaux, "de viol ou de malformations du foetus", dixit la loi. Des faits inquiétants, mais peut-être moins (hélas) que la loi anti-avortement ultra-répressive votée en Alabama, aux Etats-Unis, en mai dernier, menaçant d'une lourde peine de prison (de 10 à 99 ans !) les médecins le pratiquant.

Cette cartographie nous démontre que le droit à l'avortement est loin d'être un fait accompli. Au contraire, c'est un combat qui ne cesse d'être mené à travers le globe. Et se voit malmené par bien des nuances. Comme en Italie où 70 % des médecins "se disent objecteurs de conscience" et refusent de répondre aux exigences de leurs patientes. Et ce, bien que l'interruption volontaire de grossesse soit légale.

Cependant, une année après l'autre, les mentalités - et les lois - évoluent, en faveur des femmes et de leurs libertés. L'an dernier encore, l'Irlande tournait une page funeste de son Histoire en procédant à la légalisation de l'IVG lors d'un référendum - passée avec plus de 66 % des voix. Et en ce mois de septembre 2019, la Nouvelle-Galles du Sud, elle aussi, vient tout juste de dépénaliser l'avortement. Cela n'a rien d'anodin, puisqu'il s'agissait du dernier Etat australien jusqu'ici cloîtré dans le camp des "anti-IVG".

L'élu australien Alex Greenwich s'est d'ailleurs "désolé du fait qu'il ait fallu attendre si longtemps". Si cette voix suscite l'enthousiasme, la moindre avancée nous rappelle, par contrecoup, la réalité bien trop tangible des restrictions qui pèsent sur l'interruption volontaire de grossesse.

Selon l'Institut national d'études démographiques, 68 pays interdisaient encore totalement l'avortement il y a trois ans. En conséquence, en 2014, pas moins de 25 millions d'avortements non sécurisés ont été pratiqués dans le monde. Des femmes mises en danger, auxquelles sont venues succéder bien d'autres depuis. Et pour l'honneur desquelles il importe, ce 28 septembre, de faire porter nos voix. Haut et fort.

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