Ministère de la Famille, de l'Enfance et des Droits des femmes : vous avez dit cliché ?

Publié le Vendredi 12 Février 2016
Charlotte Arce
Par Charlotte Arce Journaliste
Journaliste en charge des rubriques Société et Work
Pascale Boistard, Marisol Touraine et Laurence Rossignol à l'Élysée en 2014
Pascale Boistard, Marisol Touraine et Laurence Rossignol à l'Élysée en 2014
La nouvelle est tombée mercredi 11 février dans l'après-midi : au Secrétariat d'État aux Droits des femmes de Pascale Boistard, succède désormais un ministère des Droits des femmes, de la Famille et de l'Enfance sous la responsabilité de Laurence Rossignol. Ou comment renvoyer sans subtilité les femmes à leur vrai rôle : celui de mère au foyer.
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Stupeur et déception. C'est ce qu'a suscité chez les militantes féministes, jeudi après-midi, l'annonce du remaniement gouvernemental. Au secrétariat des Droits des femmes, incarné depuis août 2014 par Pascale Boistard, succède désormais un tout nouveau ministère de plein exercice dédié aux questions d'égalité, de parité et de lutte contre les violences sexistes. Enfin pas tout à fait, puisque ce nouveau ministère confié à Laurence Rossignol comprend aussi la Famille et l'Enfance.


Autant dire une sacrée régression, quand on songe aux raisons qui ont poussé François Hollande et Manuel Valls à associer les Droits des Femmes à ceux de la Famille et de l'Enfance. Mus d'une vision rétrograde et stéréotypée des femmes, à aucun moment notre Président et notre Premier ministre ne sont interrogés sur le message qu'ils adressent aux Françaises : à vous les histoires d'éducation, de garde d'enfants et de sorties scolaires. Tout ça en 2016, soit deux ans après l'adoption de la loi sur l'égalité réelle entre les femmes et les hommes – égalité réelle qui pour sa part bénéficie d'un secrétariat d'État à part et dont le rôle reste encore flou. Bon.


"Associer droits des femmes, famille et enfance suscite de sérieuses préoccupations"

Pourtant, rappelle le blog féministe Les Martiennes, à son élection en 2012, François Hollande se présentait comme "le président des femmes", sensible aux problématiques d'égalité entre les sexes. Il a dans un premier temps tenu parole en nommant Najat Vallaud-Belkacem à la tête de ce tout nouveau ministère de plein exercice en plus de ses fonctions de porte-parole du gouvernement.

En août 2014, pourtant, exit le ministère des Droits des femmes. Nommée à l'Éducation, Najat Vallaud-Belkacem laisse sa place à Pascale Boistard, qui hérite pour sa part d'un secrétariat d'État rattaché à la ministre des Affaires sociales et de la Santé Marisol Touraine.

Pour les associations et militants féministes, le remaniement du 11 février 2016 est une nouvelle preuve du désintérêt croissant du gouvernement pour les droits des femmes. Aussitôt connu, le nouveau ministère de la Famille, de l'Enfance et des Droits des femmes n'a pas manqué de susciter l'indignation des associations et collectifs féministes.

"Parité au gouvernement, félicitations. Mais associer droits des femmes, famille et enfance suscite de sérieuses préoccupations", a ainsi tweeté hier Danielle Bousquet, qui préside le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE/fh). Dans un communiqué cosigné avec Chantal Jouanno, Présidente de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité du Sénat et Pascale Vionettre sous un même Ministère "la famille, l'enfance et les droits des femmes", n'est-ce pas enfermer les femmes dans le rôle stéréotypé qui leur est assigné depuis des siècles : celui d'épouse et de mère ?"

"Pourquoi pas le ménage et la cuisine tant qu'on y est"

Contactée par Terrafemina, Marie Allibert d'Osez le Féminisme se dit "extrêmement déçue" du peu de cas que montre le gouvernement pour l'égalité. "Les droits des femmes se voient une fois encore rétrogradés puisqu'il n'y a plus de représentant dédié au sein du gouvernement. Laurence Rossignol va devoir diviser son temps entre enfance, famille et droits des femmes." La militante critique aussi vivement le nouvel intitulé du ministère. "Par ailleurs, rattacher les droits des femmes aux questions de la famille et de l'enfance. Comme si c'était le rôle naturel des femmes de s'occuper des enfants, de la maison, des affaires domestiques. Pourquoi pas le ménage et la cuisine tant qu'on y est."

En revanche, les militantes s'accordent pour dire que la nomination de Laurence Rossignol comme ministre dédiée aux Droits des femmes est une bonne nouvelle, celle-ci ayant par le passé eu des prises de position identifiées comme féministes.

Et la parité (19 femmes, 19 hommes) parfaite affichée par le nouveau gouvernement Valls ? Pour Marie Allibert, c'est "la moindre des choses". "On ne va pas leur donner une médaille parce qu'ils ont respecté la parité. On est en 2016, c'est censé être un gouvernement de gauche... Donc oui, bravo pour la parité, mais il ne manquerait plus que ça si elle n'était pas là."

Macholand et associations sur le coup

Un point de vue que partage Macholand. Sitôt l'annonce du remaniement faite, la plate-forme de lutte contre le sexisme a lancé une action pour interpeller François Hollande sur Twitter. Chez Osez le féminisme aussi, une action est dans les tuyaux. "On est en train de se coordonner entre associations, notamment via le collectif Les féministes en mouvement pour proposer une action groupée, nous explique Marie Allibert. C'est tout frais, on réfléchit aussi au mode d'action que l'on compte mettre en place. Et évidemment, on aimerait assez rapidement solliciter Laurence Rossignol pour un rendez-vous pour savoir comment elle envisage son rôle et connaître la place qu'elle compte accorder aux droits des femmes dans son ministère."

Invitée ce jeudi de Jean-Jacques Bourdin sur RMC, Laurence Rossignol a de son côté défendu l'intitulé de son ministère. "Aujourd'hui, la famille, les droits des femmes et les enfants, c'est intimement lié dans la vie quotidienne des femmes, a déclaré la nouvelle ministre. [...] Je me suis toujours définie comme une secrétaire d'État féministe à la Famille. Donc avec ce [nouveau] portefeuille, qui aujourd'hui va me permettre de poursuivre ma vocation féministe dans ma lecture, dans mon approche des questions de famille mais aussi des questions des droits de l'enfant, je vais être plus forte justement appréhender ces évolutions."

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