Le guide antisexiste pour lutter contre les stéréotypes

Publié le Vendredi 06 Novembre 2015
Charlotte Arce
Par Charlotte Arce Journaliste
Journaliste en charge des rubriques Société et Work
Pour lutter contre les stéréotypes de sexe, le Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes a dévoilé jeudi 5 novembre un petit guide à mettre en pratique dans la communication publique. On fait le point sur ses principales recommandations.
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Des affiches publicitaires aux discours politiques, en passant par les spots diffusés à la télévision ou aux sites officiels et documents administratifs, aucun n'échappe aux stéréotypes de genre. Quand ce n'est pas France 3 qui, sous couvert de mettre les femmes à l'honneur, tombe dans les pires clichés sexistes en rappelant que la place de la femme est à la maison, c'est un député qui en pleine séance à l'Assemblée nationale, imite la poule pour railler l'intervention d'une élue d'un autre bord politique.

Parfois involontaires, souvent insidieuses, ces représentations sexistes renforcent les inégalités entre les sexes en enfermant femmes et hommes "dans un répertoire restreint de rôles et de situations". C'est pour y mettre fin que jeudi 5 novembre, le Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) a dévoilé un Guide pratique pour lutter contre les stéréotypes de sexe dans la communication publique. Présenté par la secrétaire d'État aux droits des femmes Pascale Boistard au ministère de la Santé, ce guide s'adresse aux administrations de l'État et aux collectivités territoriales.

"Il y a tout un corpus de lois et de recommandations qui aujourd'hui ne sont pas légitimées dans les instances de pouvoirs", explique sur France Inter la rapporteure au HCEfh Gaëlle Abily. Elle rappelle qu'"il y a une responsabilité particulière des acteurs publics pour dire dans quel sens les fonds publics doivent être utilisés et pour dire qu'ils ne doivent pas reproduire des stéréotypes liés au sexe".

1. Éliminer toutes les expressions sexistes

Première recommandation faite par le HCEfh : la suppression des expressions sexistes des documents administratifs qui "renvoient les femmes et les hommes à des rôles sociaux traditionnels". Exit, donc, les expressions "chef de famille", "mademoiselle", "nom de jeune fille", "nom patronymique", "nom d'épouse" ou "en bon père de famille". D'ailleurs, le guide rappelle que ces expressions sont bannies du droit français depuis février 2012.

2. Accorder les noms de métiers, titres, grades et fonctions au féminin

Et pas la peine d'arguer que les termes écrivaine ou pompière, "c'est moche" (sur la base de quels critères, hein ?) ni que "le masculin l'a toujours emporté sur le féminin". D'ailleurs, c'est complètement faux. Jusqu'au XVIIe siècle, tous les noms de métiers, fonctions et dignités exercées par des femmes avaient leur féminin : on parlait alors d'enchanteresse, de doctoresse, de charpentière, d'abbesse ou d'administresse. Ce n'est qu'en 1647 que Claude Favre de Vaugelas (un homme, évidemment), futur membre de l'Académie française, décide que le masculin l'emporte sur le féminin parce qu'il "est plus noble".

Pour éviter de véhiculer les clichés et se faire sermonner, on privilégie donc désormais à nouveau les expressions "Madame la préfète", "Madame la directrice", "Madame la présidente" ou "Madame la cheffe", plus respectueuses et tout aussi grammaticalement correctes.

3. User du féminin et du masculin dans les messages adressés à tous et toutes

Là encore, parce que le masculin ne l'emporte plus sur le féminin, on marque aussi bien à l'écrit (avec l'utilisation de suffixes. Exemple : la.le chercheur.e, les enseignant.e.s) qu'à l'oral en utilisation les adjectifs par ordre alphabétique dans la mesure du possible. Exemple : l'égalité femmes-hommes, les acteurs et actrices...

Vous trouvez ça trop compliqué ? Vous pouvez aussi utiliser des mots épicènes, dont la forme ne varie pas entre le masculin et féminin (un.e fonctionnaire, un.e élève) ou des mots "englobants" (le public, le corps professoral...), qui désignent aussi bien une femme qu'un homme.

4. Ne pas réserver aux femmes les questions sur la vie de famille

Parce que les femmes sont encore et toujours considérées comme les principales responsables de la bonne marche du foyer, c'est à elles que l'on continue de poser des questions relatives à l'éducation des enfants, et notamment sur la conciliation entre leur carrière et leur vie familiale. Pourtant, pour rappel, 12 % des pères ont modifié leur temps d'activité au-delà de leur congé de paternité. S'il n'est évidemment pas question d'arrêter de se préoccuper de l'équilibre vie pro-vie perso des femmes, il serait donc judicieux de ne pas leur réserver les questions liées à cette problématique.

5. Diversifier les représentations des femmes et des hommes

Ainsi, on évite de référer les sexes à des codes couleurs (rose pour les filles, bleu pour les garçons), mais aussi de les lier à certaines activités ou comportements. Non, les filles ne sont pas naturellement douces et maternantes, mauvaises en sciences et attirées par les activités domestiques. De même que les garçons ne sont pas nécessairement des cracks en bricolage ou fans de high-tech et peuvent tout à fait exercer une fonction traditionnellement considérée comme féminine.

Le Guide du HCEfh demande aussi à ce que les femmes soient davantage représentées sur les photos, les infographies et les illustrations. Car elles ont beau représenter 51% de la population, les femmes sont deux fois moins nombreuses que les hommes à être mises en avant, que ce soit dans les médias ou dans les événements publics. On ne compte plus les exemples de conférences ou colloques où les intervenants sont tous masculins. C'est d'ailleurs pour valoriser le travail et la parole des femmes que le Guide recommande de se référer au site Les Expertes, qui recense 1 500 expertes sur 300 thématiques.