Au-delà de s'être formée à la manoeuvre de voitures militaires lorsqu'elle était encore princesse, la reine Elizabeth II a également eu un geste particulièrement fort alors qu'elle était sur le trône depuis plusieurs décennies. Comme le salue Olivia Colman, celle qui était affectueusement surnommée Lilibet "a insisté pour conduire le souverain d'un pays où les femmes n'ont pas le droit de conduire." Ce souverain n'était autre que le roi Abdallah d'Arabie Saoudite. Un Etat où les femmes ne sont autorisées à prendre le volant que depuis 2018.
L'anecdote a été racontée par le diplomate britannique Sherard Cowper-Coles, qui fut ambassadeur en Arabie saoudite entre 2003 et 2006, et date de la visite officielle du monarque saoudien à Balmoral (la propriété écossaise des Windsor, où la reine est décédée, ndlr), en 1998.
"Après le déjeuner, Elizabeth II propose au souverain saoudien de visiter le domaine. Des Land Rovers sont garées devant le palais et, conformément aux instructions, le prince s'installe dans le véhicule de tête, sur le fauteuil passager. Son interprète prend place sur la banquette arrière. Mais à la surprise générale, c'est la reine d'Angleterre qui prend le volant", relaie France 24.
"Sa nervosité augmente à mesure que la reine, une conductrice de l'armée lors de la Seconde Guerre mondiale, accélère, le long des routes écossaises étroites, sans cesser de parler", narre encore Sherard Cowper-Coles. Le roi Abdallah, lui, n'aurait pas été particulièrement rassurée, demandant même à la souveraine de lever le pied de l'accélérateur. Un symbole qui, clairement, dépasse les frontières.
Des actions qui en disent plus long que ses déclarations ?
Interviewée sur France Bleu en juin dernier, à l'occasion de la sortie d'un numéro de Causette dédié à la reine Elizabeth II et à son potentiel féministe, Isabelle Motrot, directrice de la rédaction du magazine fait le bilan. "Elle a banalisé l'idée qu'une femme pouvait être au pouvoir, qu'une femme pouvait régner sans que ce soit inapproprié. Alors, il y avait déjà Victoria et Elizabeth I, mais là on est dans du durable", insiste-t-elle à son tour.
Elle a également choisi son mari, qui "marche toujours deux pas derrière elle". Bémol : Philip aurait plutôt été "macho en privé", ajoute la journaliste. "La reine doit filer doux (...) et c'est lui qui décide des affaires de la maison".
Isabelle Motrot évoque par ailleurs une anecdote datant de 2003. Lors d'une rencontre avec Vladimir Poutine, la monarque adepte de bons mots, lance à l'adresse du Président russe sur lequel son chien s'est mis à aboyer férocement : "Les chiens ont un instinct très intéressant, non ?" Une pique à l'anglaise, passive-agressive à souhait, qui pourrait dévoiler, sans trop en dire, son hostilité face au dirigeant. "Cela représente bien, déjà l'absence de possibilité pour elle de s'exprimer clairement", poursuit la directrice de rédaction, "mais en tout cas son habilité à le faire malgré tout".
"La reine est une anomalie, c'est une femme dans un monde d'hommes. Mais elle joue le jeu, et c'est là où elle est moyennement féministe, pour ne pas dire pas du tout, c'est que ça lui va très bien. Les règles, les codes de ce monde d'hommes, de ce patriarcat dans lequel elle est née, lui vont parfaitement et elle sait parfaitement en jouer", tient toutefois à observer la journaliste.
Cela dit, la mère du désormais roi Charles III ne s'en sortirait "pas trop mal" sur le plan du féminisme, d'après cette dernière, qui mentionne encore la règle selon laquelle le premier né accède au trône, abolie sous son impulsion en 2013.