Pourquoi le remake de "Mulan" fait scandale

Publié le Lundi 07 Septembre 2020
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
"Mulan" fait déjà polémique.
"Mulan" fait déjà polémique.
Exclusion malheureuse d'icône LGBTQ, valeurs pro-autoritarisme... A peine sortie sur la plateforme de streaming Disney +, la nouvelle version "live action" du dessin animé "Mulan" engendre déjà toutes les polémiques sur les réseaux sociaux. On fait le point.
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Pour un pas en avant, deux pas en arrière ? Alors que le secteur du divertissement tout public se fait (presque) plus inclusif du côté de Disney Channel (notamment avec l'arrivée de la super série animée Luz à Osville et de son héroïne bisexuelle), certaines grosses productions-maison dénotent à l'inverse par leur frilosité. C'est le cas du très attendu Mulan, remake ambitieux directement sorti sur la plateforme de streaming Disney + ce 4 septembre. A peine sorti, et déjà fustigé par tout une partie de l'audience : le public LGBTQ.

La raison, elle est simple. Dans le dessin animé original, Mulan mène une mission d'infiltration au sein de l'armée et, pour ce faire, se déguise en homme. Entre deux quiproquos, elle noue une relation avec Li Shang, le fils du général Li. Tant et si bien que ce dernier est aujourd'hui considéré comme une figure bisexuelle culte de Disney. Oui mais voilà, dans le remake, nulle trace de cela. Li Shang a été remplacé par deux personnages masculins. Et l'annonce de cette modification a beau avoir été faite dès 2018, les réactions n'en ont pas été moins critiques.

"Disney a sévèrement édulcoré Mulan, en particulier la dimension queer, dans le but de ne pas offenser le public chinois continental", théorise en ce sens une spectatrice. "Cette version live de Mulan ignore la manière dont le dessin animé a pu être un catalyseur pour tous les enfants queer", poursuit une autre. Un spectateur déçu déplore encore que ce récit ait été ainsi dépouillé, surtout "si vous étiez un jeune enfant queer qui aimait Mulan pour ses sous-entendus". Censure ou "bienséance", toujours est-il que la relecture a du mal à passer.

Tant et si bien qu'on lui accole un mot-clé : #BoycottMulan.

Boycotter "Mulan" ?

"Mulan", une oeuvre contestée.
"Mulan", une oeuvre contestée.

Mais le boycott ne se limite pas à ces accusations de réécriture "excluante", loin de là. Sur les réseaux sociaux, internautes et militants déboulonnent également Mulan pour les déclarations plutôt franches de son actrice principale, Liu Yifei. L'an dernier, la comédienne sino-américaine avait ouvertement avoué sa "honte" face aux protestations citoyennes anti-gouvernementales qui bousculaient alors Hong Kong, comme le relate la chaîne américaine CNN. Non sans déclarer son soutien aux forces de l'ordre. La situation est plutôt insolite : le nouveau visage d'une icône féminine d'émancipation fustigeant les "débordements" d'une révolte nationale.

Situation insolite peut-être, mais pas si amusante pour le militant hong-kongais Joshua Wong, jeune activiste "pro-démocratie", qui a décoché en retour une recommandation bien frontale : "Puisque Liu Yifei approuve ouvertement et fièrement la brutalité policière à Hong Kong, j'exhorte tous ceux qui croient aux droits de l'homme à boycotter Mulan", écrit-il sur Twitter. On a déjà vu meilleur exercice de promotion. Et Joshua Wong de poursuivre : "Liu Yifei n'est pas une icône du féminisme si elle ignore la souffrance des manifestantes, mais plutôt une représentation de l'autoritarisme". Comme un reflet inverse de ce que Mulan prétend célébrer...

Des critiques qui, pour l'instant, ont engendré peu d'éléments de réponse du côté de Disney. Comme l'énonce le site des cultures LGBTQ Pink News, le producteur Jason Reed a cependant justifié la mise au banc du personnage de Li Shang, en expliquant que la relation volontiers conflictuelle qu'il nouait avec Mulan, une dynamique de pouvoir faite de chauds et de froids, n'était "pas très #MeToo". Mais aussi que ce remake-là se voulait "plus proche du folklore chinois" que du dessin animé originel. Des arguments qui peinent à atténuer les tacles.