La montée en puissance des femmes aux municipales ?

Publié le Lundi 16 Mars 2020
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Anne Hidalgo en tête du premier tour.
Anne Hidalgo en tête du premier tour.
Bien que bouleversées en ces temps de coronavirus et de confinement national, les élections municipales présentent un changement tout sauf anecdotique : une féminisation salutaire (même si toute relative) des têtes de liste...
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55,36 %. C'est le taux - totalement assourdissant - d'abstention nationale relevé suite au premier tour des élections municipales en France. Cette augmentation significative (20 points de plus qu'il y a six ans) ne peut être comprise sans prendre en compte le contexte actuel, tout à fait exceptionnel, à savoir les mesures de sécurité, d'éloignement et d'isolement prises par les citoyen·n·es afin d'éviter la propagation du Coronavirus.

Néanmoins, par-delà cette situation inédite de confinement, les chiffres mis en lumière par ces élections révèlent quelque chose de positif : la féminisation des têtes de liste aux municipales, sur la capitale notamment - mais pas seulement. De quoi bousculer un milieu encore trop peu paritaire ? On l'espère.

Vers plus de visibilité ?

La victoire d'Anne Hidalgo à Paris, devant Rachida Dati.
La victoire d'Anne Hidalgo à Paris, devant Rachida Dati.

Féminisation. C'est le mot-clé que brandissent aujourd'hui Jérôme Fourquet et Sylvain Manternach de la Fondation Jean Jaurès. Après avoir exploré un fichier exhaustif des candidatures partagé par le ministère de l'Intérieur, les chercheurs ont constaté une présence plus affirmée des voix féminines au sein du paysage politique hexagonal : 23,1 % des têtes de liste sont des femmes. Cela paraît peu - on est (vraiment) loin de la parité. Et pourtant, ce taux n'a jamais été aussi élevé en France, affirment les spécialistes. Il faut dire qu'au total, sur les 20 803 listes relatives aux 10 007 communes de plus de 1 000 habitants, 4 800 sont conduites par des femmes.

Et c'est évidemment à Paris que cette évolution semble la plus flagrante, au vu des têtes d'affiche 100 % féminines : Agnès Buzyn (LREM), Rachida Dati (LR) et Anne Hidalgo (PS). Ce premier tour a par ailleurs été marqué par la victoire de cette dernière, puisque la candidate socialiste et actuelle maire de Paris a quasiment récolté un tiers des suffrages exprimés, réunissant ce 15 mars dernier pas moins de 29,3 % des voix.

Yout aussi éloquentes sont les réussites de la maire socialiste sortante Martine Aubry à Lille (28,8% des voix), Johanna Rolland (PS) à Nantes (31,36% des voix), Nathalie Appéré (PS) à Rennes (32,77% des voix) ou encore Martine Vassal (LR) à Marseille (avec 23 % des voix), suivie de près par la candidate PS Michèle Rubirola.

Tel que le détaille encore le rapport de la Fondation Jean Jaurès, cette féminisation dépend en partie de la superficie des communes. C'est donc dans les villes les plus peuplées que la présence des candidates féminines est la plus nette - ce qu'a justement démontré le trio de tête parisien. Le taux de femmes en tête de liste atteint effectivement les 38,1 % dans les villes de plus de 100 000 habitants. Pour ce qui est des villes de 50 000 à 100 000 habitants, le taux diminue - il est de 27,4 %. L'on peut donc en déduire que cette parité souhaitée s'effectue beaucoup plus lentement "dans les lieux qui seraient les moins stratégiques et les plus dénués de poids politique", reconnaissent Jérôme Fourquet et Sylvain Manternach. La preuve ? Dans les communes de 1 000 à 3 500 habitants, le taux de candidates femmes n'est que de 21,8 %.

Faut-il pour autant voir là une simple disparité géographique ? Non : il faut aussi tenir compte des écarts culturels plus insidieux, au niveau des habitudes politiques et des débats propres à chaque territoire par exemple. Tel que le relatent en ce sens les spécialistes, les figures qui dominent les bourgs et villages sont "traditionnellement" masculines - c'est le cas dans des départements ruraux comme la Creuse, la Nièvre, la Mayenne ou le Lot. Mais à l'inverse, dans les grandes villes, comme Paris, Bordeaux, Nantes et Lyon, "la cause du droit des femmes est plus portée au quotidien et l'aspiration à la parité plus prégnante".

Un écart culturel qui n'a rien de très féministe, donc, dans la mesure où il n'incite pas forcément les éventuelles futures candidates à s'imposer au sein de l'espace public. Ces inégalités sont également une question de sensibilité politique, puisque comme l'indique le rapport, 32,3 % des femmes têtes de liste représentent des partis de gauche... pour seulement 22 % à droite. Des chiffres qui en disent long. Preuve en est que, par-delà les résultats du premier tour, le chemin vers une représentativité salutaire semble encore semé d'embûches...