Ces personnes ne veulent pas d'enfants par peur de l"apocalypse climatique"

Publié le Lundi 30 Novembre 2020
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
De plus en plus de personnes ne veulent pas d'enfants par peur de l"apocalypse climatique"
De plus en plus de personnes ne veulent pas d'enfants par peur de l"apocalypse climatique"
Un sondage met en lumière la décision d'une majorité d'interrogé·e·s de ne pas faire d'enfants au vu de l'urgence climatique. Pour elles et eux, devenir parent reviendrait à réserver à sa progéniture un futur apocalyptique.
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L'"apocalypse climatique" terrorise, et à juste titre. L'expression évoque des catastrophes naturelles à répétition, des conséquences désastreuses pour l'humanité, la faune et la flore, et surtout un monde où l'environnement a été si malmené qu'il deviendrait quasi impossible de vivre sur Terre. Cette inquiétude, légitime au vu de la situation climatique actuelle et de l'urgence qui peine à être prise au sérieux par de nombreux dirigeants, influe d'ailleurs de plus en plus sur la décision de nombreuses personnes à avoir des enfants.

C'est en tout cas ce que révèle la première étude universitaire menée sur ce sujet, publiée dans la revue scientifique Climatic Change et repérée par The Guardian, qui observe les réponses de 600 personnes âgées de 27 à 45 ans. Les sondé·e·s, qui tenaient déjà compte des préoccupations climatiques dans leurs choix de reproduction, étaient ainsi 96 % à s'estimer très ou extrêmement préoccupé·e·s par le bien-être de leurs futurs enfants potentiels. Des parents (6 %) avouent même regretter d'avoir mis au monde leurs petits, pour les mêmes raisons.

"J'ai l'impression que je ne peux pas en bonne conscience mettre un enfant au monde et le forcer à essayer de survivre dans des conditions qui pourraient être apocalyptiques", détaille une jeune femme de 27 ans. La situation "rivaliserait avec la première guerre mondiale dans sa terreur pure", prédit un autre.

Des craintes "profondes et émotionnelles"

Si pour quelques-un·e·s, l'idée de créer une nouvelle personne dont l'impact carbone contribuerait à aggraver le changement climatique pèse également dans la balance, ces arguments s'avèrent toutefois "abstraits", assure Matthew Schneider-Mayerson, du Yale-NUS College de Singapour, qui a co-dirigé l'étude. Il note en revanche que "les craintes concernant la vie des enfants existants ou potentiels étaient vraiment profondes et émotionnelles. C'était souvent déchirant de lire les réponses, beaucoup de gens y mettaient tout leur coeur".

L'une d'elles, écrite par une femme de 31 ans, explique : "Le changement climatique est pour moi le seul facteur qui m'ait poussé à décider de ne pas avoir d'enfants biologiques. Je ne veux pas donner naissance à des enfants dans un monde mourant [bien que] je veuille profondément être mère".

Une mère de 40 ans confie : "Je regrette d'avoir eu mes enfants car je suis terrifiée à l'idée qu'ils vont devoir affronter la fin du monde à cause du changement climatique". Un père de 42 ans donne sa vision de l'avenir : "un enfer, avec des guerres pour des ressources limitées, un effondrement de la civilisation, une agriculture défaillante, la montée des mers, la fonte des glaciers, la famine, les sécheresses, les inondations, les coulées de boue et une dévastation généralisée".

Une éventualité extrêmement pessimiste mais possible, avertit Matthew Schneider-Mayerson, qui estime cependant que davantage de recherches sont à réaliser, notamment auprès de groupes de population plus diversifiés. Ici, tou·te·s vivent aux États-Unis et sont en grande partie blanc·he·s, instruit·e·s et libéraux·ales. Une enquête plus large menée outre-Atlantique en 2020 a constaté que parmi les citoyen·ne·s américain·e·s âgé·e·s de 18 à 44 ans et n'ayant pas d'enfants, 14 % ont cité le changement climatique comme une "raison majeure" de ne pas se reproduire.

Pour Seth Wynes, chercheur canadien qui a également travaillé sur le lien parentalité-environnement, en estimant l'impact positif d'avoir moins d'enfants que prévu sur le climat, ces décisions catégoriques sont à ne pas prendre à la légère. "Alors que le changement climatique continue de s'aggraver, il est important de comprendre comment les perceptions de l'avenir peuvent changer la façon dont les gens planifient leur vie au quotidien", analyse-t-il auprès du Guardian. "Cette étude est une première étape dans l'approfondissement de cette compréhension". Et un signal d'alarme édifiant.