On a maté "The Ultimatum" sur Netflix et c'est bourré de red flags

Publié le Jeudi 19 Mai 2022
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
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Dans "L'Ultimatum : On se marie ou c'est fini", 6 couples mettent leur amour à l'épreuve sur Netflix. A la clé : une demande en mariage ou une séparation. On fait le point sur toutes les raisons qui font que cette téléréalité est au mieux chiante à crever, au pire problématique.
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Le show déchaîne les passions outre-Atlantique. The Ultimatum: Marry or Move on en VO a tous les ingrédients pour faire un carton : des couples au bord de la rupture, des engueulades qui montent dans les tours, des infidélités. Et un pitch qui va tout envenimer. "Les problèmeeees", dirait Julien Tanti. Eh oui.

Dès le premier épisode, on rencontre 6 duos qui battent de l'aile. L'un·e des deux partenaires veut absolument se marier, et sur-le-champ, quand l'autre préférerait prendre son temps.

Une timidité face à l'engagement "jusqu'à ce que la mort nous sépare" qui se traduit par plusieurs possibilités : les récalcitrant·es n'osent pas avouer l'urticaire que l'idée du mariage déclenche chez eux, en ont ras-le-bol qu'on leur foute la pression pour s'unir à quelqu'un qui partage leur vie depuis moins de deux ans, hésitent quant à la volonté de passer le reste de leurs jours avec la personne qui l'exige.

N'écoutant que leur courage et leur foi en une happy end (un peu) toxique, leurs conjoint·es du moment vont toutefois les mettre face à un choix : "on se marie ou c'est fini". S'en suivent 3 semaines en huis clos où chacun·e devra emménager avec le mec ou la copine d'un·e autre pour simuler une vie à deux. Puis, retour à la case départ en habitant 3 semaines de plus avec le génie qui les a entraîné·es dans cette galère.

A terme, il faudrait trancher : une demande en mariage ou ciao les nazes.

Malsain à souhait ? Et comment. Mais voilà, notre conscience journalistique ne nous ayant pas laissé le choix (elle non plus), on a quand même regardé la téléréalité jusqu'au bout. Voici donc 3 raisons pour lesquelles le concept craint au-delà de l'écran.

Aucun couple qui y participe n'est attachant (c'est même tout l'inverse)

On ne va pas se mentir, mater des gens prendre de mauvaises décisions et s'embrouiller pendant qu'on s'enfile un paquet de Doritos au fromage n'a rien d'une torture. C'est même un passe-temps qu'on cultive assidument depuis plusieurs années, en démontrent nos connaissances pointues sur, entre autres, Les Marseillais. On a nos chouchous, on suit leurs idylles orchestrées comme si elles étaient sincères, on se réjouit, on prend parti, on pleure (non peut-être pas, mais vous voyez l'idée). On s'énerve quand on entend nos potes les mépriser.

Là, dans L'Ultimatum, on ne ressent rien. Rien du tout. Alexis et Hunter, April et Jake, Lauren et Nate, Madlyn et Colby, Rae et Zay et Shanique et Randall sont soit insupportables, soit inintéressant·es, soit saoulé·es d'être là. Si bien qu'on a du mal à s'attacher à leur personnalité et donc à avoir assez d'affection pour vouloir découvrir ce qui va leur arriver. La preuve : on s'est spoilée à l'issue de l'épilogue au cas où on n'aurait pas la force mentale de poursuivre le show.

Vraiment, niveau casting, c'est une prouesse : pas un·e pour rattraper l'autre (Colby et Madlyn remportant la palme des narcissiques invivables). Et le fait qu'aucun·e ne réalise le caractère bancal de leur démarche n'arrange rien à leur situation.

Pourquoi vouloir se marier si jeune (ou tout court) ?

Le détail qu'on remarque dès les premières minutes de diffusion, c'est à quel point tout ce beau monde est jeune. La plupart des candidat·es ont moins de 25 ans et sont en couple depuis 3 ans grand max. L'émission joue aussi sur un axe usé jusqu'à la corde avec le choix de ses participant·es : dans 80 % des cas, c'est elle qui veut la bague au doigt et lui qui tente de préserver sa "liberté". Un trope de la castatrice d'une part, et de la femme qui ne voit les choses que par le prisme de la romance d'une autre, qui nous file - à nous aussi - de l'urticaire.

Plus on avance, plus on se demande : pourquoi ? Quelles sont leurs motivations pour mettre en péril une relation au point d'imposer une telle mise en scène à l'être aimé ? Et à ce sujet : aime-t-on vraiment quelqu'un si on est si pressé·e de lui imposer notre vision de l'engagement, tout en sachant que ce n'est pas la sienne ? Vous avez deux heures.

Cela dit, soyons honnête, il est aussi légitime de vouloir se marier et de souhaiter rencontrer une personne qui partagera cet attachement à un cadre traditionnel, et à des valeurs qui nous importent. Seulement, même dans ce cas-là, la forme pose problème. Pas sûr que l'ultimatum soit la meilleure carte à jouer, indépendamment d'exposer son intimité à la télé.

Les ultimatums d'engagement sont à fuir absolument

Dans un article pour le HuffPost, le psychologue Ryan Howes met le doigt sur ce que risque la troupe du show. Et celles et ceux qui envisageraient de les copier.

"Si dès les débuts de votre union, vous envisagez déjà une manière aussi violente d'imposer votre volonté, qu'est-ce que cela peut dire de votre avenir ? Que se passera-t-il si vous êtes ensuite en désaccord sur le fait d'avoir des enfants ou la manière de les élever, vos carrières, ou encore des questions financières - budget quotidien, épargne, placements, héritage ? N'est-il pas préférable de jouer d'entrée sur la communication et la prise en compte des souhaits de l'autre, au lieu de créer un tel rapport de force ?"

Comprendre : exprimer ce qu'on attend du couple, pourquoi ces étapes nous tiennent autant à coeur et dans quelle mesure elles peuvent guider (ou non) notre choix de rompre avec une personne qui ne les prendrait pas en considération.

"Si la personne pense sincèrement que faute de passer cette étape, elle ne pourra pas continuer la relation, alors le dire clairement est une preuve d'honnêteté", estime à son tour Samantha Rodman, psy et coach en relations amoureuses. "Un ultimatum, lui, a quelque chose de faux, comme une menace qu'on brandit sans intention de la mettre à exécution." Et qui, dans ce cas précis, révèle un petit côté enfant gâté qu'il serait peut-être urgent de fuir...

Pour une approche plus saine, le spécialiste invite à se départir quelque peu de l'aspect ultra-romantique de la demande et à engager des conversations à coeur ouvert. "À mes yeux, le moment de la demande ne devrait être qu'une étape d'ordre symbolique, une occasion de célébration. Les discussions de fond sur le désir des deux conjoints de sauter le pas, leur faculté à s'accorder et leur vision de leur vie future doivent se faire bien plus en amont", conclut-il.

Discussions à amener devant un épisode de The Ultimatum comme anti-mode d'emploi ? Pourquoi pas...

L'Ultimatum : On se marie ou c'est fini, disponible sur Netflix