Considéré comme un harceleur, Pépé le Putois sera zappé du prochain "Space Jam"

Publié le Jeudi 11 Mars 2021
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Pépé le Putois, personnage emblématique de la Warner, accusé de promouvoir la culture du viol.
Pépé le Putois, personnage emblématique de la Warner, accusé de promouvoir la culture du viol.
Le toon Pépé le Putois, connu pour ses gestes "déplacés" (euphémisme) serait-il une incarnation parfaite du harceleur ? C'est ce que laisse à supposer cette décision de la Warner : retirer le personnage de sa future grosse production, le sequel "Space Jam 2".
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Qui donc ne connaît pas Pépé le Putois, ne serait-ce qu'à travers les rediffusions de la célèbre émission Ca Cartoon ? Chez Pépé, la puanteur n'est pas seulement odorante (oui, c'est un putois) mais prend la forme d'attitudes pour le moins dérangeantes : le "toon" a tendance à s'emparer de force des partenaires féminines qu'il rencontre sur son chemin et à forcer un baiser. Des "gags" qui font quelque peu grincer des dents aujourd'hui.

Tant et si bien d'ailleurs que la Warner Bros a décidé de réétudier quelque peu l'utilité de ce personnage imaginé par le dessinateur Chuck Jones il y a 75 ans de cela. Une séquence le mettant en scène a donc été supprimée de Space Jam 2, sequel attendu du film d'animation live éponyme. La raison ? Pépé le Putois, par son comportement de harceleur, serait un symptôme évident de la culture du viol, auquel il participerait.

Dans ladite scène incriminée, l'attitude de Pépé le Putois, sans surprise, est tout aussi toxique : l'animal empoigne une femme sans le moindre consentement exprimé. Cependant, alors que la Warner s'interroge sur l'avenir du personnage, d'aucuns crient à la censure. Et le "cas Pépé" enflamme volontiers la Toile.

Un personnage censuré ?

D'aucuns voient effectivement là un signe des ravages de la "cancel culture", ou "culture de la suppression", expression anglophone désignant un appel à la mobilisation numérique dans le but de boycotter voire d'inciter à la suppression d'une oeuvre ou d'un artiste, notamment pour des raisons morales. C'est ainsi qu'une majorité des médias américains, à l'instar du journal Forbes, envisagent ce rejet du personnage de Pépé le Putois.

D'autres voix en appellent à mieux observer les séquences incriminées. "Pépé attrape / embrasse une fille / une inconnue à plusieurs reprises, sans consentement et contre son gré. Elle a du mal à s'éloigner de lui, mais il ne la libère pas. Il verrouille une porte pour l'empêcher de s'échapper", détaille ainsi Charles M. Blow, journaliste du New York Times, extrait de dessin animé à l'appui, l'espace d'un thread abondamment partagé.

"Ce genre de scènes suggère aux garçons que 'non' ne veut pas vraiment dire non, que cela fait partie du 'jeu', que surmonter les objections ardues, même physiques, d'une femme est finalement 'normal', adorable et drôle, sans même donner à la femme en question la possibilité de PARLER", poursuit le journaliste avec virulence.

On le devine en filigrane : ce qui dérange tant avec le personnage de la Warner, ce n'est pas tant cette attitude toxique, par ailleurs parfois renversée par les personnages féminins (rabattant volontiers le caquet du putois), mais le fait de conférer à ces situations une tournure ouvertement humoristique. Or, aujourd'hui, les gags de Pépé ne font plus rire grand monde et provoquent davantage un sentiment de malaise généralisé.

Cependant, la suppression de la séquence incriminée de Space Jam 2 fait elle aussi beaucoup réagir. Notamment car la victime dudit putois, incarnée par la comédienne Greice Santo, giflait en retour son agresseur puant dans ladite séquence. "Maintenant, la scène est coupée et elle n'a pas ce pouvoir d'influencer les jeunes générations qui regarderont Space Jam 2, pour faire savoir aux jeunes filles et aux jeunes garçons que le comportement de Pepe est inacceptable", déplore ainsi le porte-parole de l'actrice au journal Deadline.

Une situation d'autant plus déplorable, explique la principale concernée au média américain, qu'elle-même a été victime de harcèlement sexuel - et envisageait à travers ce cartoon une manière de mieux sensibiliser les plus jeunes. On l'aura compris, "l'affaire Pépé" est un débat qui n'a pas fini de diviser.