"Ado, j'avais peur d'aimer les femmes" : Pomme se confie sur le tabou du lesbianisme

Publié le Lundi 06 Février 2023
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
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"Ado, j'avais peur d'aimer les femmes" : Pomme se confie sur le tabou du lesbianisme
Dans une interview accordée au "Monde", la chanteuse Pomme est revenue sur son adolescence douloureuse, entre homophobie ambiante, tabous et peur de se dire lesbienne. Une parole sensible.
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"Ado, j'aurais aimé qu'on me dise : 'Tu peux aimer qui tu veux'". L'espace d'une interview accordée au Monde, la chanteuse Pomme est longuement revenue sur son rapport à la musique, son enfance et la manière dont elle a (mal) vécu son orientation sexuelle. L'artiste lesbienne s'est exprimée sans détour.

Pomme s'est notamment attardée sur la difficulté à assumer sa condition de fille qui aime les filles durant son adolescence : "Le droit d'être homosexuelle me semblait dénié. Il se trouve que ma famille est catholique pratiquante. Enfant, j'allais donc au catéchisme, à la messe, je faisais une petite prière, le soir. Bref, j'étais imprégnée de cette culture religieuse dans laquelle l'homosexualité est un interdit implicite".

"A l'école primaire, puis au collège, j'ai eu plein d'amoureux. C'était très facile pour moi, car j'étais hyper à l'aise. Et puis est arrivée l'adolescence, l'irruption de la sexualité, et là... c'est devenu très compliqué", poursuit celle qui perçoit en le tabou de l'homosexualité "l'influence encore écrasante de l'Eglise catholique".

Des mots qui importent.

"Aimer les femmes n'était pas une option"

"A l'adolescence, je continue de prétendre adorer les garçons, mais je ne suis pas du tout attirée sexuellement par eux. Je me sens mal, ils ne comprennent pas, il y a un blocage que je n'identifie pas. Je me crois anormale, je perds complètement confiance en moi. Et je ne vois pas d'autre option. Celle d'aimer les femmes n'en est pas une", poursuit encore la jeune chanteuse, qui a donc vécu des années "dans le placard".

"Même au moment des débats sur le mariage gay, dans ma famille et le milieu dans lequel je baigne, des tas de signaux indiquent que si, par malheur, le sujet me concernait, ça ne se passerait pas bien du tout. Mon meilleur ami de l'époque a dit à ses parents : 'Je suis gay'. Ils l'ont aussitôt emmené voir un psy, et c'est devenu l'enfer", se remémore celle qui durant toutes ces années va donc "absorber l'homophobie ambiante et développer une peur panique d'aimer les femmes". Quitte à souffrir intérieurement.

Quand une amie lui dira : "Tu ne serais pas lesbienne ?", Pomme lui répondra ainsi "Mais ça ne va pas !". "En fait, j'étais troublée", déplore-t-elle aujourd'hui. C'est finalement en voyant des garçons et des filles vivre leur homosexualité ou bisexualité "le plus naturellement du monde" lors d'un voyage au Québec que la chanteuse se délivrera d'un poids : "Si j'avais senti, dès le départ, que j'avais le droit d'aimer librement, j'aurais été une enfant bien plus heureuse. On ne comprenait pas ma tristesse, mes émotions".

Pomme aborde souvent en interviews la difficulté d'être lesbienne dans une société hétéronormée. Société dont le milieu musical est le reflet. A Terrafemina, elle déclarait en 2019 : Les femmes lesbiennes sont invisibles dans la chanson française. Mais je rêve du jour où l'on ne me dira plus : "tu as écrit une chanson lesbienne". Car on ne dirait jamais : "Tiens, tu as écrit une chanson hétéro !". J'aimerais que tout le monde puisse écrire des chansons "lesbiennes" sans que cela engendre forcément des titres d'articles. Que tout soit normalisé".