Le narcissique vulnérable. Voilà le curieux et très complexe phénomène psychologique que décrit précisément une nouvelle étude publiée dans la revue Personality and Individual Differences. Mais qu'est-ce que c'est ? Il s'agit d'une variante du narcissisme qui serait indissociable... de l'hypersensibilité. Et oui.
Alors que le narcissisme, notamment dans le cas des bien (trop) connus pervers narcissiques, est bien souvent synonyme de manipulation d'autrui et d'égoïsme, la notion de narcissisme vulnérable pourrait quelque peu différer. Est un "narcissique vulnérable" celui qui craint qu'on le blesse (psychologiquement), qu'on se moque de lui ou qu'on l'humilie, mais qui pour autant a intensément besoin du regard des autres pour se sentir exister.
Une situation ambivalente qui pose de sérieux soucis de santé mentale.
Comme le détaille le magazine Stylist, le narcissique vulnérable se démarque des profils de narcissiques traditionnels en cela qu'il implique, pour la personne concernée, plus d'autodépréciation et moins d'agressivité à l'égard d'autrui. C'est l'attention de ce dernier qui lui importe plus que tout, son estime. Selon la co-autrice de l'étude de Personality and Individual Differences, Ana Blasco-Belled, le narcissisme vulnérable se reconnaît avant tout par de fortes réactions émotives "au rejet d'autrui, aux émotions négatives, ou encore à l'isolement social".
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D'où l'emploi d'ailleurs du terme plus familier désormais "d'hypersensibilité". On aurait pu croire qu'une personne narcissique se contente de son propre reflet, mais non : cette "vulnérabilité" dépasse justement son sentiment d'autosuffisance, puisqu'elle aspire avant tout à une forme de reconnaissance – sociale, relationnelle. De fait, la moindre moquerie à son encontre peut être particulièrement douloureuse. Et exacerber cette vulnérabilité.
En cela, affirme la BBC, les narcissiques vulnérables, qui ont une faible estime d'eux-mêmes "et ont besoin de recevoir régulièrement des témoignages positifs, sans chercher pour autant le pouvoir ou la domination", s'opposeraient ouvertement aux "grands" narcissiques, qui ont "véritablement un sens exagéré d'eux-mêmes". Et cela se traduit notamment par un cruel manque d'empathie.
Deux salles, deux ambiances, en somme ?
Cela étant, si une personne narcissique et vulnérable n'éprouve pas de besoin de domination, elle n'en est pas pour autant moins toxique. Ainsi pour le magazine Forbes, elle peut, par peur des moqueries, se moquer en retour d'autrui. D'après la revue, le narcissique vulnérable "aime à rire des autres". Parfois, l'air de rien, de manière passive-agressive. Comme une forme d'autodéfense. Une attitude pas forcément saine d'un point de vue relationnel. Certaines voix expertes supposent même qu'elle pourrait prendre plaisir à cela.
En résumé, face à la peur du ridicule, les personnes concernées préféreraient encore rabaisser les autres. Et donc, leur faire du mal. Quand elles ne se font pas du mal à elles-mêmes. Selon la chercheuse Ana Blasco-Belled de l'Université de Gérone (Espagne), les narcissiques vulnérables compteraient parmi leurs rangs un grand nombre de personnes très isolées socialement, et pas simplement introverties, dont le syndrome d'illégitimité et le complexe d'infériorité n'amènent forcément rien de bon en terme de santé mentale et d'amour propre.
De plus, observe encore Stylist, "cet isolement des autres peut également exacerber l'aversion et le mépris envers les personnes qui entourent le narcissique vulnérable". Le serpent qui se mord la queue en somme. Ainsi, face à la complexité du phénomène et à cette fragilité psychologique, les psys appellent à une meilleure compréhension de ces personnes. Et à une forme d'empathie à leur égard.
C'est notamment le cas du chercheur Philippe Walisch, professeur associé de clinique à l'université de New York. A la BBC, il explique : "C'est très triste et tragique mais les narcissiques vulnérables ont l'impression qu'ils ne seront jamais assez bien. S'ils deviennent milliardaires, cela ne les aidera pas à résoudre leur problème psychologique. Ils ne sont pas du bien dans leur peau. A leur égard, nous avons besoin de beaucoup plus de compassion". Et donc, de compréhension.
