La pop music, qui depuis le début du XXe siècle ne cesse d'encourager nos moeurs à toujours plus d'audace, à délaisser le sentiment pour l'acte, montre que le public est d'accord : 92% des chansons les plus vendues aux U.S. parlent de sexe, contre moins de 5% au temps du Jazz.
Depuis quelques mois, les stars sont de plus en plus nombreuses à aller de plus en plus loin, disant bien volontiers tout à qui veut bien l'entendre : Eva Longoria aime être attachée et se soumettre, tout comme la chanteuse Rihanna, Christina Aguilera aime crier très fort, Halle Berry aime contrôler ses orgasmes, Kanye West déclare avoir besoin de faire l'amour tous les jours, Patrick Dempsey aime donner des fessées, Lindsay Lohan, Cameron Diaz, Megan Fox se disent volontiers bisexuelles, Robbie Williams revendique une libido boostée aux hormones, Anne Hathaway avoue raffoler de la sodomie et Jane Fonda, à 74 ans, clame n'avoir jamais eu d'orgasmes aussi forts qu'avec son amant actuel.
Qu'a-t-on entendu ici des personnalités françaises depuis que Georges Brassens ne nous dit plus qu'il « bande en pensant à Fernande »? Pas grand-chose ne filtre sur les habitudes sexuelles de Sophie Marceau, Marion Cotillard, Vincent Cassel, Vanessa Paradis, Jean Dujardin, Yannick Noah ou Patrick Bruel. Ici, on parle plutôt de sentiments, à moins que ce ne soit sous couvert de fiction, comme avec les écrivains : Catherine Millet, Sophie Fontanel, Virginie Despentes, Michel Houellebecq, Frédéric Beigbeder, etc. et malgré le doute qui s'insinue dans l'écriture, on vante une chair triste, mélancolique ou en souffrance plutôt que des mots qui font bondir sur sa chaise, réveillent nos 5 sens comme un coup de fouet cinglant, et font pétiller notre regard devenu concupiscent.
Les Français sont-ils adeptes du masochisme, à l'inverse des Américains, qui vivraient l'amour de façon jouissive ? Qu'est-ce que ces aveux révèlent des Américains et des Français ? Notre pudeur publique n'est-elle qu'une façade ? Et qui a raison, qui a tort ? Ou bien peut-on regarder autrement les choses ?
Il me semble, à en juger par le comportement des femmes, de plus en plus affranchi, volontaire, sexuellement gourmand, qu’elles soient en France ou aux Etats-Unis, que leur épanouissement et leur libido vont croissant.
Pour les hommes, cette énonciation du désir sexuel féminin est probablement effrayante, peut-être un peu castratrice et assurément pleine de conséquences, demandant des ajustements constants. Ajoutons à cela que le nombre de spermatozoïdes a baissé de 40% en Europe en moins de 50 ans, que notre économie est en berne, et que les Français viennent aussi de la Méditerranée, berceau du patriarcat, lequel a commencé à mourir au XVIIIe siècle (lorsque l’Etat a commencé à régir la famille), on peut comprendre l’état de tension et la fragilité dans laquelle ils se trouvent.
Et c’est peut-être pourquoi les Françaises, soucieuses d’épargner leurs compagnons, de conserver intacte leur virilité, mettent un point d’honneur à ce que érotisme et séduction, qui suggèrent sans jamais dire, soient les seules parties visibles et discutables des affaires de lit.
À moins que cela ne soit notre manière de retenir le passé, de ne pas vraiment vouloir que le monde bouge ?
Dans tous les cas de figure, parler ou ne rien dire sont les deux facettes d’une même chose, l’essentiel restant toujours pour chacun de trouver comment parvenir à l’exaltation de la chair quel que soit ce que disent ou ne disent pas nos célébrités.