






Le pape François était loin d'être parfait. Après avoir décrit le féminisme comme "un machisme avec une jupe", comme nous vous le disions dans cet article, il avait eu la brillante idée de dire qu'adopter un animal au lieu de faire des enfants contribuerait à "nous enlever notre humanité" et serait "égoïste". Une histoire à retrouver ici. Mais si les féministes avaient fait le deuil de cet allié, le pape François a eu le mérite d'être plus ferme qu'aucun autre avant lui au sujet des violences sexuelles dans l'Eglise.
En janvier 2025 par exemple, le souverain pontife avait dissous le Sodalitium Christianae Vitae, une communauté religieuse catholique basée au Pérou qui fait l'objet d'une enquête depuis des années sur des allégations d'abus sexuels et psychologiques de la part de son fondateur Luis Fernando Figari et d'autres personnes.
Mais avec la mort de François, le 21 avril dernier, s'ouvre bientôt un nouveau chapitre avec un nouveau pape et l'attente anxieuse de savoir si ce dernier s'inscrira dans ce même élan de fermeté. Or la présence d'un certain cardinal indigne autant qu'elle inquiète sur le profil de ce successeur.
La présence du cardinal Juan Luis Cipriani à la basilique Saint-Pierre et à Sainte-Marie-Majeure, où le pontife argentin a été inhumé, a fait réagir les associations de victimes de violences sexuelles au Pérou. Et pour cause, en 2018, il a été accusé par un homme, aujourd’hui âgé de 58 ans, de l’avoir "touché, caressé et embrassé" lorsqu’il avait 16 ou 17 ans.
Face à ces accusations, l'année suivante, François avait contraint Cipriani à s’exiler du Pérou, à ne pas faire de déclarations et à ne pas porter les habits ou les symboles cardinalices. Des "mesures disciplinaires spécifiques", comme l'avait fait savoir le Vatican, que le cardinal avait apparemment "signées et acceptées".
Et pourtant, lorsqu'il est venu se recueillir devant la dépouille de François, Cipriani portait précisément tout ce que le souverain lui avait interdit de porter : une soutane noire, une ceinture et une calotte rouges, ainsi qu’une croix pectorale. Il s'en est justifié dans une lettre publique défendant son innocence et assurant que François lui avait permis en 2020 de "reprendre ses fonctions pastorales".
Les explications de Cipriani n'ont pas convaincu les associations de victimes de violences sexuelles péruviennes comme La Red De Sobrevivientes (en français, le réseau des survivants), qui a publié un communiqué sur ses réseaux sociaux le 29 avril. "M. Cipriani et les cardinaux qui l'autorisent à agir de la sorte re-victimisent la victime plaignante, ce qui est impardonnable, a déclaré le Réseau péruvien. Il s'agit d'un message inquiétant qui affecte la confiance dans les critères d'élection du prochain pontife".
Et pour cause, si le cardinal de 81 ans ne peut être candidat à la succession du pape François ni ne peut participer au conclave devant élire son successeur -la limite d’âge étant de 80 ans- il est toutefois autorisé à accéder aux réunions au cours desquelles les cardinaux discutent des priorités pour l'avenir de l'Église et dessinent le portrait du nouveau pape en vue de l'élection qui débutera le 7 mai.
Lors de l’une de ces réunions, le 28 avril, les cardinaux ont notamment évoqué la lutte contre les violences sexuelles comme l'un des chantiers prioritaires du prochain pape. Pour Gareth Gore, auteur de plusieurs livres sur l'Opus Dei, une secte catholique secrète et ultraconservatrice, la présence du cardinal Cipriani est "un acte extrêmement provocateur". "C'est un affront à l'autorité du pape défunt et une démonstration de force de l'aile ultra-conservatrice de l'Eglise avant le prochain conclave", a-t-il déclaré. Le ton est donné.