Pilule 3G : "Si elles sont si néfastes, pourquoi ne pas les retirer du marché ?"

Publié le Mardi 26 Mars 2013
Pilule 3G : "Si elles sont si néfastes, pourquoi ne pas les retirer du marché ?"
Pilule 3G : "Si elles sont si néfastes, pourquoi ne pas les retirer du marché ?"
Le scandale a éclaté en janvier dernier : les pilules dernière génération seraient dangereuses voire mortelles. Mais pour Odile Buisson, ces accusations n'ont qu'un seul objectif : discréditer la gynécologie médicale française. Dans « Sale temps pour les femmes », paru chez Jean-Claude Gawsewitch, cette gynécologue obstétricienne pousse un coup de gueule contre ce qu'elle considère être « une remise en cause de la médecine pour les femmes ». Rencontre.
À lire aussi


Terrafemina : Que pensez-vous du scandale sur les pilules de troisième génération ?

Odile Buisson : C’est une polémique sans fondement. Les gynécologues ont prescrit ces pilules en connaissance de cause en évaluant les rapports bénéfices/risques, ces derniers étant minimes. La pilule de troisième génération était privilégiée car elle permettait notamment d’atténuer les problèmes d’acné des adolescentes. Mais si ces pilules sont si néfastes, pourquoi ne pas les retirer purement et simplement du marché ? Le double langage du gouvernement prouve que ce dernier n’est pas totalement convaincu du danger de ces contraceptifs qui est, je le répète, très faible.
Pour les pilules de deuxième génération, le risque de thrombose veineuse est de deux cas pour 10 000 femmes, et de quatre cas pour 10 000 pour les pilules de dernière génération. Mais si une patiente arrête la pilule et tombe enceinte, le même risque d’accident thromboembolique pendant les neuf mois de grossesse grimpe de huit à dix pour 10 000 femmes. Autre exemple : les baignades en piscine sont responsables de quatre décès par jour tandis que, chez les 5-14 ans, la pratique de l’équitation cause 300 accidents graves pour 10 000 cavaliers. On peut donc s’attendre très logiquement à ce que le ministère des Sports ordonne l’interdiction de l’équitation et de la natation dans les prochaines semaines. 

Tf : Quelles sont les conséquences de ces mises en cause régulières des médicaments ?

O. B. : La principale conséquence est une vraie crise de confiance des Français vis-à-vis des médicaments. Mais je ne peux m’empêcher de penser que c’est une aubaine pour le gouvernement. En effet, la France est depuis plusieurs années le premier consommateur de médicaments en Europe ; les discréditer permet donc de faire baisser cette consommation et de réaliser quelques économies non-négligeables par la même occasion. 
Par ailleurs, à cause de cette polémique sur la gynécologie, aujourd’hui, toutes les patientes veulent remplacer leur contraceptif oral par un stérilet. Mais il n’est pas non plus sans risque. La pose est douloureuse pour les jeunes filles et le stérilet peut être responsable d’infections pelviennes et de grossesses extra-utérines, entre autres. Prescrit de manière intensive, à la même échelle que pour la pilule, ce mode de contraception serait également pointé du doigt en raison de ses effets adverses. Et c’est bien normal car toute activité humaine entraîne un effet contraire. La vie elle-même est un danger. 

Tf : Que pensez-vous de la gestion de cette polémique et de la décision de la ministre de la Santé, Marisol Touraine, de dé-rembourser les pilules de troisième génération ?

O. B. : Ces décisions n’ont aucun sens. Au début, j’étais perplexe face aux maladresses de communication du gouvernement, je m’interrogeais sur ses motivations à semer la panique sur les pilules contraceptives alors même que notre taux d’avortement explose chez les moins de 18 ans. Puis j’ai compris que l’objectif était de faire la peau à la médecine libérale et de réaliser des économies sur les dépenses de santé des femmes. 

Tf : Qu’entendez-vous par là ?

O. B. : Prenons l’exemple des sages-femmes. Formées en 80 heures, elles sont aujourd’hui adoubées par l’État qui, parallèlement, a arrêté de former des gynécologues sous prétexte que leurs études sont longues (bac+15) et que la profession coûte cher. Depuis 1980, en moyenne, sept gynécologues seulement sont formés par an. Mais la France semble oublier que la gynécologie médicale a sauvé les femmes. Notre pays est l’un de ceux qui comptent le moins de cancers du sein car les tumeurs sont dépistées très tôt. Nous avons le taux le plus élevé de survivantes de cette maladie. La gynécologie médicale participe donc à l’augmentation de l’espérance de vie des Françaises. Nous vivons 85 ans en moyenne, alors que les Anglaises et les Hollandaises, dont l’accès à la gynécologie est plus limité, ont une espérance de vie respectivement moindre de trois et deux ans.   

Tf : Finalement, pourquoi avoir écrit ce livre ?

O. B. : J’ai aujourd’hui 57 ans. J’ai débuté dans l’obstétrique en 1980. J’ai donc vu l’évolution de la gynécologie et je me suis aperçu, ces dernières années, d’un recul sans précédent. Je fais référence, entre autres, à cette tendance de l’accouchement dit « naturel ». Pourquoi ne pas avouer que plus que « naturel », il s’agit surtout d’un accouchement « avec douleurs » ? Revenir aux temps anciens est une hérésie. Aujourd’hui, 80% des Françaises sur le point d’accoucher bénéficient d’une péridurale. Les Hollandaises ne sont que 10% dans ce cas et nous envient. Malheureusement, le développement prochain des maisons de naissance en France participe de cette mode. En effet, il faut préciser que ces maisons de naissance ne proposeront pas de péridurale. Il n’y a, aujourd’hui en France, plus aucune douleur qui ne reçoivent de soulagement. Pourquoi faudrait-il faire une exception pour la douleur liée à l’accouchement ? Les futures mères ne méritent-elles donc pas d’être épargnées ?

Plus d'actu sur : Pilule 3e génération : notre dossier spécial

Pilule : les femmes préfèrent désormais le stérilet... et la contraception d'urgence
Diane 35 : la pilule anti-acné de retour sur le marché mais...
Pilule 3G et 4G : une nouvelle étude confirme les risques vasculaires