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Violences conjugales : pourquoi "l'affaire Kendji" est bien plus qu'un fait divers "people"

Publié le Vendredi 26 Avril 2024
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Pourquoi "l'affaire Kendji" nous renvoie aux violences conjugales et aux luttes féministes
Kendji Girac - Les personnalités se mobilisent lors de la 37ème édition du Téléthon sur le plateau de France 2, avec pour parrain Vianney. Cette année, 80,6 millions de dons ont été promis. Le 9 décembre 2023. © Coadic Guirec / Bestimage
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Cela fait des jours que les médias feuilletonnent "l'affaire Kendji Girac". Gravement transpercé par une balle de revolver en plein torse, le musicien à succès avait d'abord alarmé par son état, avant d'expliquer avoir voulu "simuler un suicide" pour que sa femme ne parte pas. Et ça, c'est très inquiétant.
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Il faut parler de "l'affaire Kendji", même si l'on est pas féru de presse people, de faits divers et de "scandales". Car ce n'est pas un fait divers. On vous rafraichit la mémoire ? Le 22 avril dernier, une nouvelle bouscule les médias : Kendji Girac, le célèbre chanteur et musicien qui affole les charts, serait dans un état gravissime. Son torse a été transpercé par une balle de revolver, sur une aire d'accueil de Biscarrosse. Comment ? Pourquoi ? On ne sait pas.

Au fil des jours et alors que la situation médicale de l'artiste se stabilise, l'enquête est menée. Qui a tiré ? Une personne extérieure ? Un proche ? Est-ce une agression ? Un accident ? Ou bien un geste du chanteur lui-même ? Or, ce jeudi 25 avril, le principal concerné a finalement expliqué avoir "simulé un suicide" dans le but... D'effrayer sa compagne, qui menaçait de le quitter.

Et c'est là que "l'affaire" ultra médiatisée autant que morbide dévoile une très alarmante facette. Un aspect qui nous renvoie à des enjeux bien connus en ces pages : les violences conjugales, les manipulations psychologiques au sein du couple, et... Les luttes féministes qu'elles cristallisent. On explique.

"C'est le rouge bien profond du Violentomètre !"

Si Kendji Girac souhaitait "faire peur" à sa compagne dans la nuit du dimanche 21 au lundi 22 avril,, c'est parce que celle-ci aurait menacé de partir, ne supportant plus son addiction à l'alcool et les comportements que cette dépendance pouvait engendrer. Motif d'inquiétude supplémentaire, sa jeune fille était également présente dans la caravane où a eu lieu le drame. Un "drame" qui pourrait porter un autre nom : le chantage au suicide.

Car comment intituler autrement l'attitude d'un homme qui menace de se suicider afin de contraindre sa compagne à rester ? En outre, relate Libération, Soraya M., compagne du chanteur, a également déclaré aux enquêteurs que Kendji Girac "lui avait déjà lancé lors de disputes précédentes qu'il "allait se mettre une balle ou s'ouvrir la gorge"". Des mots qui témoignent d'une situation malheureusement commune à bien des affaires conjugales : manipulations psychologiques, menaces, emprise.

Cela n'a pas échappé au compte féministe Minute Simone, qui fustige : "On ne rappellera jamais assez que le chantage au suicide, ça n'est pas une preuve d'amour mais de manipulation, et qu'on tape dans le rouge bien profond du violentomètre". Imaginé fin 2018 par la mairie de Paris en partenariat avec l'observatoire des violences envers les femmes de la Seine-Saint-Denis et l'association En Avant Toute(s), le "violentomètre" est un outil de de prévention et de mesure du degré des violences conjugales. Du vert au rouge, ce baromètre extrêmement limpide catégorise, du moins au plus alarmant, les attitudes toxiques et dangereuses dans le couple.

Ici, nous serions dans le rouge. Une catégorie qui comprend aussi bien le chantage au suicide, que le menace physique directe, avec une arme par exemple. Dans ce cas-là, la personne mise en danger doit se protéger et demander de l'aide le plus urgemment possible. C'est ce que préconisent à l'unisson militantes et associations féministes, louant la nécessité de cet outil et de ces mesures. Alors que "l'affaire Kendji Girac" cristallise encore bien des conclusions, entre procureur, enquêteurs et médias, elle ravive surtout au sein des débats une réalité conjugale alarmante et loin d'être unique, qui ne doit absolument pas être prise en dérision.

En 2021, dans nos pages, Sandrine Bouchait, présidente de l'Union Nationale des Familles de Féminicide (UNFF), déclarait : "Le point commun entre beaucoup de victimes de féminicides ? Le plus généralement ce sont souvent des femmes qui ont beaucoup d'empathie, elles vont plus se soucier de l'autre que d'elle-même. Elles vont avoir du mal à le quitter car l'autre va lui faire du chantage au suicide". Un vrai sujet de société.

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