Une femme française à Londres

Publié le Jeudi 17 Juin 2010
Une femme française à Londres
Une femme française à Londres
Dans cette photo : Jacques Audiard
Laurence Auer est directrice de l’Institut Français à Londres. Elle travaille sans relâche afin de diffuser la culture française de l’autre côté de la Manche. Véronique Forge, notre correspondante sur place, l’a rencontrée.
À lire aussi

Depuis 4 ans à la tête de l’Institut Français de Londres,  cette diplomate et ancienne porte-parole de la Commission Européenne et porte-parole adjointe de la Présidence de la République a donné à cette institution, qui fête ses 100 ans cette année, un nouveau souffle, et place le dialogue inter-culturel et la diffusion de la culture française au cœur de son action.


Terrafemina : Une femme à la tête de L’Institut Francais de Londres, c’est un clin d’œil aux origines puisque c’est une femme, Marie d’Orliac qui fonda l’Institut il y a 100 ans ?

Laurence Auer : C’est effectivement en 1910 que Marie d’Orliac a l’idée ambitieuse de créer à Londres une “Université des Lettres Françaises” qui deviendra l’Institut Français. Son parcours est assez remarquable puisqu’en 1908, lorsqu’elle arrive en Grande-Bretagne, tout droit sortie de son Auvergne natale, elle n’a ni bagage  universitaire , ni relation mais déjà l’idée de faire quelque chose de grand. Elle rencontre alors des banquiers, des français implantés à South Kensington qui vont l’aider dans son entreprise. En  1915, en pleine guerre, elle crée le Lycée Francais afin d’accueillir les orphelins français du Nord de la France.

Dans tous ses projets, elle a l’intelligence de s’appuyer systématiquement sur des Britanniques, le gouvernement anglais lui donne d’ailleurs, en 1921, cinq bâtiments pour accueillir les élèves de Français à Cromwell Gardens. La reconnaissance de la France arrive pour elle aussi en 1921, lorsque le président Poincaré lui remet la Légion d’honneur à tout juste 30 ans. Par la suite, elle poursuivra ses projets à Londres et ouvrira des Instituts dans le reste du pays.

TF : Entre 1910 et 2010, la langue française  a perdu de son influence par rapport à l’anglais, pourtant le succès de l’Institut avec ses 50 000 visiteurs chaque année illustre une réelle appétence pour la culture française ?

L. A. : Nous sommes effectivement dans une période difficile puisque pour des raisons objectives la langue anglaise est devenue une langue mondiale et que ce pays a perdu sur le plan éducatif, un certain nombre d’apprenants français. Ce phénomène s’est accéléré depuis 2004 à la suite d’une décision du gouvernement de ne plus rendre obligatoire l’apprentissage d’une langue étrangère à partir de 14 ans. Les départements de français des universités britanniques sont aussi menacés. Ce qui est paradoxal c’est qu’il y a eu une intensification des échanges entre les deux pays grâce à l’Eurostar, près de 500 000 anglais ont une maison en France et 18 000 étudiants français étudient en Grande Bretagne.

Depuis mon arrivée,  nous avons donc lancé dans tous les réseaux d’intérêt pour le français, des campagnes pour remonter la filière d’enseignement. C’est vrai qu’il reste des niches comme le cinéma français, une excellente carte de visite. Depuis quelques années, c’est toujours un film français qui remporte un prix aux BAFTA. En 2008, c’était “La Môme”, avec 4 prix, en 2009  “il y a longtemps que je t’aime” remporte le prix du meilleur film en langue étrangère, et cette année “Le prophète” de Jacques Audiard remporte ce même prix.

TF : Au-delà de la diffusion de la culture française, l’Institut s’est aussi beaucoup européanisé depuis votre arrivée, une culture qui ne meurt pas c’est une culture qui est en dialogue permanent avec les autres cultures ?

L.A. : Nous avons renforcé cette composante parce nous sommes naturellement un lieu d’accueil des autres cinémas car 94% du marché des  films projetés à Londres est américain. Par ailleurs, nous nous posons constamment la question de ce qu’est la Culture Européenne.

Aujourd’hui avec internet et l’internationalisation des échanges économiques et des populations elles-mêmes, peut-on dire qu’un artiste est français alors qu’il a été éduqué en Allemagne et a eu une première expérience professionnelle en Asie? Ce questionnement est amplifié à Londres parce que c’est un pays ouvert qui valorise les cultures étrangères. En 2007, l’idée de créer un réseau d’Instituts européens à Londres participait de cette volonté  de se projeter ensemble face à ces défis.

TF : Vous venez d’inaugurer en Mai, la création d’une plateforme digitale dédiée à la culture française, “Culturetheque”,  une nouvelle manière de répondre aux défis de diffusion de la culture française ?

L.A. : En effet, nous  voulions créer un “Institut Hors les Murs” afin d’attirer une nouvelle communauté d’internautes. L’objectif de “Culturethèque” est donc de proposer une plateforme très éditorialisée avec des contenus très soigneusement choisis. Nous avons souhaité mêler Culture et Education comme le fait l’Institut car la culture, que cela soit par le Théâtre, le Cinéma, la littérature ou la Musique est une très bonne introduction à la langue française.  Le contenu de “Culturethèque” aujourd’hui, c’est donc principalement 5000 E-Book en français dont quelques 300 livres très anciens, des films et documentaires à regarder en streaming ainsi que des conférences à écouter. Lors de l’inauguration de “Culturethèque”, l’Institut de France nous a également proposé d’être partenaire ce qui nous permettra sans aucun doute d’enrichir notre offre culturelle.


Vos livres de chevets


• Romain Gary, La promesse de l’aube (Gallimmard)
• Marcel Proust, A la recherche du temps perdu (Gallimard)
• Boualem Sansal, Le village de l’allemand (Gallimard)


A découvrir

Culturetheque

La Programmation pour célébrer les 60 ans de l’appel du 18 Juin 1940  “Charles de Gaulle, London and the resistance”