Non, le machisme n'est pas un argument politique

Publié le Vendredi 18 Janvier 2013
Non, le machisme n'est pas un argument politique
Non, le machisme n'est pas un argument politique
Mépris, misogynie, raccourcis vulgaires : le Sénat a été le théâtre de propos sidérants de sexisme jeudi soir, en plein débat sur le scrutin binominal paritaire pour les cantonales. Rejetant en bloc ce projet de loi, les sénateurs de droite se sont distingués par leurs attaques méprisantes pour leurs consœurs, qui, piquées au vif, ont répondu violemment aux insultes. Mais pourquoi un tel tour de force machiste au Sénat ?
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« Ne faisons pas d’obsession sexuelle collective ». Manifestement, ce n’est pas avec ce type d’arguments que Christophe Béchu (UMP), président du Conseil général du Maine-et-Loire, a rétabli le calme au Sénat jeudi soir. En plein débat sur le projet de loi de scrutin binominal paritaire pour les cantonales, présenté par le ministre de l’Intérieur Manuel Valls, les sénateurs ont fait preuve d’une goujaterie scandaleuse en attaquant avec force arguments machistes l’objectif de parité politique porté par le gouvernement. Que pour des raisons politiques et électorales, le projet socialiste déplaise aux sénateurs UMP, soit. Que le mode de scrutin discuté lors de ce débat ne fasse pas l’unanimité, soit. Mais que leur combat politique se transforme en florilège de propos machistes face à leurs collègues sénatrices est tout à fait inacceptable. Les femmes n’auraient pas les compétences nécessaires pour participer à ces binômes cantonaux ? Le combat pour la parité ne devrait pas se mener au détriment de la carrière de ces messieurs ? Un débat républicain devrait se mener à force de petits mots sarcastiques et insultants tels que « nana », « potiche », « gadget » ? Si les sénateurs ont manifestement perdu leur sang-froid dans l’hémicycle, c’est certainement, comme le soulignait justement Virginie Klès, sénatrice PS d’Ille-et-Vilaine, par peur de perdre leurs postes.

Les femmes ne vont pas se cantonner au rôle de « potiches » qu’on leur assigne

Difficile de ne pas réagir avec indignation devant cette assemblée de sexagénaires (la moyenne d'âge au Sénat dépasse 65 ans) campés sur leurs positions, s’accrochant à leur non-parité confortable qui leur assure des postes qu’ils n’avaient jamais envisagé de voir un jour menacés par la candidature d’une femme. Et pourtant, force est de constater pour leur plus grande surprise que les femmes évoluent bel et bien dans la sphère politique française et entendent mener leur carrière sans avoir à se contenter des « affaires sociales » et du rôle de «potiche » qu’on aimerait tant leur assigner. N’en déplaise aux « petits seigneurs dans leurs cantons », comme les a qualifiés le socialiste Jean-Louis Masson durant le débat houleux de jeudi.

Difficile également de ne pas partager l’indignation qui faisait trembler de colère la voix de Laurence Rossignol, sénatrice socialiste de l’Oise, apostrophée de façon « beauf » et « misogyne » par l’un de ses collègues, Bruno Sido, qui interrompt sans gêne sa prise de parole d’un laconique et méprisant : « Mais qui c’est, cette nana ? ». Difficile de ne pas supporter la poignée de sénatrices qui jeudi, piquées au vif, ont riposté face aux énièmes réflexions machistes et déplacées dont les grandes institutions républicaines sont hélas régulièrement le théâtre. « Au rythme actuel, il faudrait attendre plus de deux siècles pour atteindre la parité. L'UMP, qui n'envoie que 27 femmes à l'Assemblée, préfère payer quatre millions d'euros de pénalité pour non-respect de la parité », soulignait, sarcastique, Laurence Rossignol. Ce à quoi elle s’est entendue répondre par M. Sido que « cette discrimination positive ça n’est pas du tout une tradition française ». Peut-être serait-il alors temps que les sénateurs agissent au nom du progrès plutôt que de la tradition.

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