Sarah est une kick-boxeuse professionnelle tout droit venue de Vienne. Lorsqu’elle accepte de travailler quelques mois comme coach pour les jeunes sœurs d’une riche famille du Moyen-Orient, la sportive, si loin de son foyer, se retrouve confrontée à une ambiance de plus en plus oppressante. Peu à peu consciente de l'attitude très étrange de ses élèves, elle décèle un inquiétant malaise, voire… Un piège ?
Portrait de femmes en forme de choc des cultures, "du fin fond de l'Autriche à la Jordanie", telle que l’énonce un personnage, Moon est surtout un film coup de poing, et pas simplement à cause du sport très musclé que pratique sa protagoniste.
Non, car cette œuvre courageuse de Kurdwin Ayub, réalisatrice et scénariste irakienne kurde et autrichienne, dépeint de manière édifiante l'oppression de femmes éloignées de tout (réseaux sociaux, centre-ville, universités) et silenciées. Avec un sens de la tension aussi insidieux que douloureusement implacable.
Et ce à travers le regard, paradoxe cinglant s’il en est, d’une combattante, femme de poigne qui n’est pas du genre à laisser autrui la dominer. Surtout pas un homme.
"Tout ce que vous voyez ou entendez doit rester à la maison"
En débarquant dans cette immense demeure tenue par le grand frère de la famille, et qui revêt rapidement à ses yeux les allures d’une véritable prison dorée, Sarah se voit accueillie par cette phrase qui, déjà, sonne comme un glaçant avertissement.
Le reste, fatalement glaçant, elle va le découvrir en même temps que nous, public captivé par cette ambiance qui, en se jouant constamment des non dits et des silences gênés, prend à la gorge pour ne vous lâcher qu’à la dernière minute. Et plus encore, jusqu’à une séquence “climax” particulièrement libératrice pour la combattante, comme pour les spectateurs. Et très, très féministe.
Il serait indélicat de trop en dire sur les révélations de ce personnage principal qui peu à peu semble se confondre avec ses élèves - alors que celles-ci n’ont de fenêtre sur le monde extérieur que la télévision, qu’elles regardent en boucle, Sarah n’a lors de son interminable séjour de contact réellement humain qu’avec un barman qu’elle retrouve chaque soir de l’autre côté du comptoir.
Simplement, disons que cette chronique aussi puissante qu’anxiogène parvient à sonder, au sein d’un lieu resserré, la violence d’un environnement bien plus vaste qu’une propriété, aussi luxueuse soit-elle : ce que filme avec virulence la cinéaste, c’est le territoire du patriarcat…
Et on en sort guère indemne. Attention à l’uppercut.
Moon, à découvrir en salles dès le 16 juillet. Un film de Kurdwin Ayub. Avec Avec Florentina Holzinger, Andria Tayeh, Celina Antwan, Nagham Abu Baker.
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