Aborder une femme dans la rue ? Ce n'est JAMAIS une bonne idée

Publié le Mardi 20 Octobre 2015
Jack Parker
Par Jack Parker Rédadtrice
Aborder les femmes dans la rue n'est jamais une bonne idée.
Aborder les femmes dans la rue n'est jamais une bonne idée.
Jake Flanagin, journaliste américain, a publié une petite tribune pour demander aux hommes de laisser les femmes tranquilles dans les espaces publics et de ne pas confondre drague et agression.
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On n'a jamais autant parlé du harcèlement de rue - et par extension de la place et la sécurité des femmes dans les espaces publics - qu'en ce moment. Et c'est une bonne chose. Nous sommes passés d'une banalité à peine mentionnée puisqu'acceptée par défaut ("Je suis une femme, donc je vais être draguée dans la rue, c'est comme ça") à une vraie remise en question. Avant, nous en parlions à peine, même entre copines. Se faire draguer dans un espace public n'était pas plus exceptionnel que de se faire marcher sur les pieds dans le métro, nous avions donc aucune raison de partager ces expériences. On le faisait quand elles étaient particulièrement absurdes, obscènes ou violentes, mais pour le reste, ça faisait simplement partie des désagréments du quotidien.

C'est tellement "normal" et intégré qu'il arrive même qu'on s'habille en conséquence selon les endroits où l'on se rend et l'heure à laquelle on prévoit de rentrer (seule ou accompagnée). On troque les talons pour des baskets quand on sait qu'on va rentrer en solo à 3 heures du matin parce qu'on ne veut pas prendre de risque - un comportement complètement aberrant qu'on a pourtant intégré depuis la puberté sans trop se poser de questions. Jusqu'à aujourd'hui.

Et si les choses ne sont pas encore près de changer pour autant, parce qu'il faut du temps avant que les nouvelles idées atteignent tout le monde et que la majorité commence à les accepter, on peut au moins en parler, s'offusquer, se révolter, se mettre en colère - et recevoir, en échange, soutien et compréhension de la part de certaines personnes (pas toutes, mais ça viendra, on y croit).

Ce qu'on rêve de faire à tous ceux qui nous abordent.
Ce qu'on rêve de faire à tous ceux qui nous abordent.

Mais après les femmes, ce sont aux hommes de prendre enfin la parole sur ce sujet qui les concerne eux aussi - puisque c'est leur comportement et pas le nôtre qui pose problème et que le changement doit donc venir d'eux, pas de nous. Dans une tribune publiée sur le site Quartz, le journaliste Jake Flanagin s'adresse à ses congénères pour tenter de leur faire entrer cette nouvelle idée dans la tête : il faut cesser d'aborder les femmes dans les espaces publics qui ne sont pas faits pour les rencontres fortuites.

Dans cet article, titré : "D'homme à homme : draguer les femmes dans les espaces publics est pratiquement toujours une mauvaise idée", Jake explique les raisons pour lesquelles les hommes pensent que la drague de rue peut fonctionner et celles pour lesquelles ça ne fonctionnent, en général, pas vraiment.

"Concernant la romance, Hollywood crée des attentes complètement surréalistes chez tous les Américains, de mille façons différentes. Le pire délit, cela dit, reste la perpétuation du mythe du "meet cute" (une rencontre fortuite un peu mignonne qu'on retrouve dans la grande majorité des comédies romantiques, ndlr).

Cela concerne aussi bien les films que les séries télé avec un angle romantique et qui sert de point de départ de l'intrigue concernant la relation. C'est là que nos deux protagonistes se rencontrent par chance, par exemple en faisant les courses au supermarché ou en flânant dans une librairie de quartier."

Nous avons effectivement tous grandi avec cette idée saugrenue que les rencontres, les vraies, celles qui débouchent sur le grand amour, ne se faisaient que dans des situations très banales avec un twist absurde. Un jour, les laisses de nos chiens s'entremêleraient lors d'une balade au parc. Ou alors on lui rentrerait dedans avec une pile de livres sur les bras et on s'effleurerait la main en les ramassant ensemble. Ou bien il nous balancerait une remarque acerbe et bien tournée pour attirer notre attention, nous vexer à moitié, suffisamment pour éveiller notre curiosité et nous donner envie de rétorquer.

Mais la réalité est toute autre. En général, ceux qui nous abordent dans la rue sont loin d'être ceux avec qui on aimerait dîner aux chandelles - et quand c'est le cas, on est bien souvent rebutée par leur façon de nous aborder, justement. Parce que quand on va laver ses chaussettes sales à la laverie, qu'on écoute une playlist censée calmer nos nerfs dans le métro ou qu'on se cale en terrasse pour déguster un bon bouquin et profiter des rayons du soleil, on ne pense pas vraiment au prince charmant sur son beau cheval blanc. Croyez-le ou non, on aspire aussi à profiter de notre seule compagnie, à être tranquilles, et à profiter de notre environnement en toute quiétude, sans s'inquiéter de devoir rendre des comptes à qui que ce soit ou se sortir d'une situation qui pourrait dégénérer.

Et c'est exactement ce que Jake Flanagin essaye d'expliquer à ses camarades masculins :

"Les mecs : c'est inacceptable. Une femme devrait pouvoir aller laver ses serviettes de toilette au lavomatic ou lire en paix dans le métro sans avoir à chasser un dragueur indésirable. Elle devrait pouvoir sortir de chez elle sans avoir à se préparer mentalement à recevoir des demandes d'attention de la part des hommes. Elle devrait être autorisée à vivre sa vie autrement que comme si c'était un épisode interminable de La Bachelorette."

Oui, voilà, à peu près.
Oui, voilà, à peu près.

Il choisit spécifiquement de s'adresser aux hommes qui sont incapables de lire les émotions d'une femme, de faire la différence entre une situation propice à la drague et une scène banale du quotidien qui ne nécessite absolument pas son intervention.

"J'écris cet article pour l'homme qui trouve ça parfaitement acceptable - et même charmant - d'approcher et d'aborder les femmes qui envoient des signaux très clair de "je suis occupée". (Et par cela j'entends les femmes qui sont clairement au milieu d'une activité en solo, comme la lecture d'un journal ou l'écoute de musique avec des écouteurs, par exemple).

"J'essaye juste d'être gentil !" insiste cet homme. "Je fais juste la conversation. Quoi, c'est un crime ?"

De fait, non. Mais nous parlons d'éthique, ici, pas de légalité. En gardant à l'esprit que la "gentillesse" est évaluée subjectivement, renversons les rôles un instant. Est-ce qu'un homme serait particulièrement enthousiaste à l'idée d'accorder son attention à une femme avec laquelle il n'a absolument pas l'intention de passer du temps si elle venait l'aborder au rayon surgelés ?

Probablement pas."

Et effectivement, si on apprend aux femmes à cultiver passivité, patience et compréhension, il n'en va pas de même pour les hommes. Résultat, quand ils sont face à une personne ou une situation qui ne leur plaît pas, ils n'ont aucun mal à l'exprimer et à fuir cette situation. Dans le cas des femmes, en revanche, on nous apprend tellement à souffrir en silence qu'on a tendance à sourire en hochant la tête et en attendant que ça passe. Et il y a une autre façon d'expliquer ce comportement, comme le précise d'ailleurs Jake Flanagin :

"La différence dans ce scénario, c'est que notre héro abordé au rayon surgelés ne subirait pas la pression de faire la conversation. Il n'aurait pas non plus peur que son rejet n'engendre une réaction agressive ou violente. C'est la beauté des inégalités de genre."

Que faire, du coup, pour ne pas emmerder les femmes tout en continuant à faire des rencontres ? Jake offre quelques conseils avisés.

"La méthode la plus efficace pour changer cette dynamique est de renverser complètement la culture patriarcale - faire de l'idée que les hommes soient les poursuivants et les femmes poursuivies par défaut, une antiquité. Mais ça va prendre du temps. Alors en attendant, faire preuve de bon sens devra suffire.

Si vous voulez approcher une femme mais que vous n'êtes pas certain d'être dans la bonne situation, observez bien la scène. Est-elle pressée ? Est-elle au milieu d'une activité qui n'invite pas votre participation ? Si vous y allez quand même et que vous êtes reçu avec froideur, n'allez pas plus loin. Et sachez qu'être intrusif est probablement la méthode la moins efficace pour la faire changer d'avis sur vous.

En lumière de tout cela, j'apprécie énormément le développement des applications et sites de rencontres. (...) Tinder, OKCupid et compagnie facilitent l'identification de contextes appropriés pour les gestes romantiques. Tu es sur Tinder, je suis sur Tinder - nous sommes tous là pour la même chose. Ce n'est pas une panacée pour autant et ça n'empêche en rien les abus et les comportements indésirés, mais ça aide au moins à rendre les rencontres d'une nature potentiellement romantique ou sexuelle moins compliquées à appréhender."

Laissez-nous vivre en paix, s'il vous plaît.
Laissez-nous vivre en paix, s'il vous plaît.

Et la conclusion résume tout le propos à la perfection :

"En fin de compte, les mecs, subir une invasion de notre espace personnel ou une perte de temps est une déviation de la norme. Ça devrait être la même chose pour les femmes dans nos vies. Et les femmes qui ne sont pas dans nos vies. Le monde n'est pas notre corne d'abondance aphrodisiaque. C'est un endroit où les gens essayent de faire leur lessive ou acheter un pamplemousse ou deux. Laissez les femmes faire tout ça en paix."

Oui, merci.

En espérant que le message passe un peu mieux venant d'un homme, même si c'est extrêmement triste d'en arriver à penser ainsi et que ça nous ramène à la valeur apportée aux voix des femmes dans notre société, qui est loin d'être reluisante.