"Il existe beaucoup d'artistes qui veulent faire des films d'une autre manière, dans une autre économie, avec un autre type de représentation". Voilà ce qu'a récemment avancé Adèle Haenel pour expliquer sa nouvelle et forte décision artistique : ne plus tourner que devant la caméra de sa complice Céline Sciamma (Portrait de la jeune fille en feu) et surtout, celle de jeunes cinéastes qui débutent.
"Je pourrais faire partie de ce cinéma", a poursuivi l'actrice française auprès du journal italien Il Manifesto. Comme l'indique le magazine de cinéma Trois Couleurs, Adèle Haenel a notamment évoqué les noms des cinéastes Alice Diop et Payal Kapadia pour illustrer ses propos sur ces jeunes artistes qui privilégient "d'autres types de représentations", mais également "d'autres corps". Une décision intime et politique pour l'actrice qui confie : "La majorité de mon énergie est désormais consacrée à écouter et aider les victimes d'abus".
C'est un choix personnel qui fait sens. Depuis le succès à l'international de Portrait de la jeune fille en feu, Adèle Haenel concilie de plus en plus convictions militantes et choix artistiques. Son envie de soutenir les ambitions de jeunes cinéastes, plus en phase avec les luttes générationnelles et les enjeux sociaux d'aujourd'hui, n'est donc pas si surprenante.
On imagine également que l'actrice souhaite privilégier des regards alternatifs, et plus encore des regards féminins et féministes, aux antipodes du "male gaze". "Au sein du cinéma français on a majoritairement des récits classiques, fondés sur une vision androcentrée, blanche, hétérosexuelle, avec une invisibilisation des gens racisés", fustigeait-elle déjà en ce sens il y a deux ans dans les pages du New York Times.
Mais ce n'est pas tout. En privilégiant les artistes qui débutent, Adèle Haenel souhaite également réagir à l'industrie du cinéma. "Dans l'industrie du cinéma, telle qu'elle est aujourd'hui, il n'y a pas d'espoir. On le voit avec la façon dont les femmes sont considérées. Ils en utilisent une ou deux pour cacher la nudité d'un système oppressif. Il y a juste à regarder la sélection de Cannes. Ils disent qu'ils luttent contre le sexisme, mais en réalité, rien n'a changé. Ceux au pouvoir continuent à nous oppresser. On récompense toujours les violeurs et ils veulent que je me taise ? Jamais."
Une référence claire au scandale de la cérémonie des César 2020 qui avait sacré Roman Polanski et durant laquelle Adèle Haenel avait quitté la salle. Aujourd'hui, la comédienne décide de se mettre en marge pour mieux revendiquer son engagement en somme.