Après les rumeurs de décapitation, le point sur la situation d'Israa al-Ghomgham

Publié le Jeudi 23 Août 2018
Marguerite Nebelsztein
Par Marguerite Nebelsztein Journaliste
Seule photo disponible de la militante Israa al-Ghomgham enfant
Seule photo disponible de la militante Israa al-Ghomgham enfant
Beaucoup de fausses rumeurs ont parcouru la toile au sujet de la militante saoudienne des droits humains Israa al-Ghomgham. On a dit à tort qu'elle avait été exécutée par son pays d'origine. On fait le point sur la situation.
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La militante des droits humains Israa al-Ghomgham a été arrêtée avec son mari Moussa al-Hashem en décembre 2015. Son procès est en cours. Cette militante documentait depuis 2011 les manifestations anti-gouvernementales dans sa région de l'est de l'Arabie Saoudite.

Elle est actuellement jugée avec quatre autres militants. Tous viennent de la même région et sont chiites. Cette minorité se dit discriminée dans les actes de la vie quotidienne. L'Arabie Saoudite sunnite lutte pour dominer politiquement la région face à l'Iran à dominante chiite. Elle utilise ce prétexte confessionnel pour contrer l'influence de l'Iran.

Qu'est-ce qui est reproché à Israa al-Ghomgham ?

Amnesty International a pu se procurer des documents liste les chefs d'accusations contre les cinq militant·e·s. On leur reproche, et notamment à Israa al-Ghomgham, leur "participation aux manifestations d'Al-Qatif et la documentation de ces protestations sur les médias sociaux", ainsi que d'"apporter un soutien moral aux émeutiers en participant aux funérailles des manifestants tués lors d'affrontements avec les forces de sécurité" et de "commettre un faux en utilisant la photo de passeport d'une autre femme sur son compte Facebook."

On leur reproche également d'avoir "violé l'article 6 de la loi contre les cyber-crimes."

Quelle est la suite pour Israa al-Ghomgham ?

Si les rumeurs de sa décapitation s'avèrent inexactes, le procureur public a en revanche requis la peine de mort contre Israa al-Ghomgham et les quatre autres militantes. La fin du procès, qui est actuellement reportée, se tiendra le 28 octobre où le verdict contre elle sera prononcée.

Si elle Israa al-Ghomgham est condamnée à la peine de mort, elle deviendra la première femme militante des droits humains à être exécutée en Arabie Saoudite.

Quelles sont les réactions ?

La directrice de campagne d'Amnesty International pour le Moyen-Orient, Samah Hadid a déclaré dans le communiqué de l'organisation : "Israa al-Ghomgham et quatre autres personnes font aujourd'hui face à la pire peine possible et ce, pour leur engagement dans des manifestations antigouvernementales. Nous demandons aux autorités saoudiennes d'abandonner ces plans immédiatement."


Sarah Leah Whitson est la directrice de l'organisation de défense des droits humains Human Rights Watch. Elle réagit aux nouvelles concernant la militante dans le Guardian : "Une exécution est épouvantable, mais demander la peine de mort pour une activiste comme Israa al-Ghomgham, qui n'est même pas accusée de comportement violent, est monstrueux".

Attention aux fausses photos

De fausses photos d'Israa al-Ghomgham circulent sur internet comme le rappelle un message du compte Twitter de ses soutiens : "Une photo de Samar Badawi, la défenseuse des droits humains actuellement détenue circule en tant que photo d'Israa al-Ghomgham. Nous voulions clarifier le fait que la seule photo disponible publiquement pour le moment est celle de son enfance".

Samar Badawi est une militante pour les droits des femmes, elle lutte contre le système de tutelle masculine qui entrave la liberté des femmes saoudiennes. Elle a été emprisonnée dans la vague d'arrestation qui touche les militantes des droits des femmes depuis mai. Elle est aussi la soeur de Raif Badawi, blogueur emprisonné pour ses prises de positions en faveur d'une libéralisation morale du pays.

Le Canada soutient des militants saoudiens

Selon l'organisation Amnesty International, 33 hommes chiites d'Arabie saoudite ont récemment été condamnés à mort pour des faits d'atteinte à la sûreté de l'État.

Début août, le Canada avait rompu brutalement ses liens diplomatiques avec l'Arabie saoudite. L'ambassade du pays de la feuille d'érable avait défendu dans des tweets les militant·e·s emprisonné·e·s notamment les militantes des droits des femmes et Samar Badawi, ce qui a amorcé une crise diplomatique avec le royaume saoudien, représenté par la dynastie Al Saoud.