Les "bibliothèques humaines", la belle idée à emprunter au Danemark

Publié le Jeudi 22 Octobre 2020
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Les bibliothèques humaines, le beau concept venu du Danemark
Les bibliothèques humaines, le beau concept venu du Danemark
Partout à travers le monde, l'ONG danoise Human Library lutte contre les préjugés les plus tenaces à l'aide d'un concept aussi insolite que ludique : les bibliothèques humaines. Mais qu'est-ce que c'est ? Pas de panique, on vous explique tout.
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La crise du coronavirus ne mettra pas (totalement) à terre la culture, qu'on se le dise. Au Danemark, on la célèbre en même temps que les interactions humaines, même à l'heure du port du masque, oui oui. C'est ce que nous apprend la radio néo-zélandaise RNZ en tressant les lauriers d'une initiative nationale des plus jubilatoires : les "bibliothèques humaines".

Plus qu'une initiative d'ailleurs, The Human Library a fini par devenir une organisation internationale à but non-lucratif, implantée au gré de nombreuses structures. Cela fait déjà 20 ans qu'elle perdure et réjouit les citoyen·ne·s danois·e·s (mais pas seulement), quelle que soit leur classe sociale. L'idée ? Visiteuses et visiteurs poussent les portes de ces bibliothèques et y découvrent, non pas des livres, mais des individus. Chacun représente une catégorie sociale invisibilisée, fragilisée ou discriminée. Chômeurs, homosexuel·le·s, personnes bipolaires, réfugié·e· s...

Un dialogue s'ensuit alors, et peut durer jusqu'à une heure. Les questions permettent de déboulonner les préjugés les plus tenaces. Le mot d'ordre ? La solidarité. Tendre l'oreille est un geste nécessaire au temps des haines aveugles, et le faire est d'autant plus facile dans un environnement aussi familier qu'une bibliothèque.

Une idée lumineuse, et qui a fait ses preuves.

Des livres à hauteur d'hommes et de femmes

Tant et si bien que The Human Library s'est, depuis sa genèse, exportée dans pas moins de 80 pays. En France, on trouve aussi ces bibliothèques humaines. "Le but est de libérer la parole et de faciliter les échanges entre des individus qui ne se seraient sans doute jamais rencontrés ou parlés et ainsi combattre les stéréotypes et les clichés" explique au journal L'Express Phyllis Fouchard, enthousiaste organisatrice d'une Human Library dans la ville de Toulouse. Un livre, c'est bien, mais parfois, un livre humain, c'est mieux.

Pour chaque "emprunt" donc, une sorte de mini-conférence, et dans chaque bibli, une dizaine de "livres" à disposition. L'instigatrice toulousaine aime à varier les profils : dans sa "Library", curieux et curieuses ont pu échanger avec des anciens toxicomanes, des étudiant·e·s sans papiers, mais aussi des personnes dyslexiques ou musulmanes. Idéal pour briser les idées préconçues et sortir les voix marginalisées de l'ombre, enfin.

"Nous émettons toujours de grandes hypothèses sur les personnes qui nous entourent, parfois elles sont négatives, parfois trop positives, mais nous n'avons pas accès à elles, nous ne nous asseyons pas avec elles", détaille le créateur-même du concept Human Library, Ronni Abergel, à la radio RNZ. Derrière l'insolite, ce grand idéaliste voit là "une opportunité unique et stimulante" de s'ouvrir aux autres. Cette opportunité marche si bien qu'aujourd'hui, Ronni Abergel délivre même conférences et formations pour encourager l'inclusion au sein des entreprises.

Cet engouement ne l'étonne pas tellement. "Dès le premier jour où les lecteurs ont commencé à 'emprunter' des livres j'ai compris que le monde entier avait besoin d'une bibliothèque comme celle-ci : un espace sûr où nous pouvons remettre en question ce que nous pensons savoir", développe-t-il encore, deux décennies après l'ouverture de la première bibli. Mais la médiatisation de ce concept n'a pas toujours que de bonnes incidences.

Il y a trois ans, nous apprend en ce sens L'Express, les autorités russes menaçaient de fermer une "Human Library" installée à Saint-Pétersbourg. Pourquoi ? Car des interlocuteurs homosexuels y partageaient leurs témoignages. Déplorable. Heureusement, nombreuses sont les bibliothèques humaines qui prospèrent encore à travers le monde, un même slogan en évidence : "Ne jugez pas un livre par sa couverture". Pourvu que ca dure.