






"J'ai beaucoup souffert"
Vous vous rappelez certainement de L'année des méduses. Thriller à consonnances érotiques, confrontant Bernard Giraudeau à Caroline Cellier sur fond de panorama estival et de soleil caniculaire, mais surtout... Magnifiant Valérie Kaprisky, étoile montante, alors grand espoir du cinéma français. C'était il y a plus de 40 ans.
Lors de la sortie et du grand succès de ce film vénéneux et très ambiguë de Christopher Frank, celle qui des années durant multipliera les partitions remarquées, devenant un symbole du cinéma français aux côtés de Sophie Marceau et Isabelle Adjani, n'a que 22 ans. Et elle doit déjà se confronter à une épreuve : les scènes de nudité frontales.
Scènes de nudité qui vont fort de son aura sulfureuse recouvrir sa carrière durant les années 80. De son apparition dans le cinéma de Zulawski (La femme publique) à sa performance dans le méconnu remake du A bout de souffle de Jean-Luc Godard (elle côtoie Richard Gere dans cette version "Made in USA" du classique de la Nouvelle Vague). Des séquences de nudité qu'elle déplore aujourd'hui...
"J'ai beaucoup souffert d'avoir été très dénudée par les metteurs en scène", dénonce Valérie Kaprisky dans une interview exceptionnelle à retrouver dans le documentaire "Drague moi si tu peux".
Et la comédienne de poursuivre, sur son hyper-sexualisation : "On me renvoyait constamment l'image d'une femme qui se sert uniquement de son corps pour travailler : comme si la nudité annulait tout..."
"On me renvoyait toujours l'image d'une femme sexy"
Voilà ce que déplore Valérie Kaprisky dans ce documentaire à retrouver sur la chaîne Téva. L'actrice se confie sur la nudité dans le cinéma des années 80 : "On m'a résumé à mon corps et à l'image de la femme sexy, alors qu'il y avait tout un travail de comédienne derrière !"
Surtout, elle épingle une forme de harcèlement sexuel : "La nudité en fait, c'est comme si ça gommait tout le travail... Et puis quand tu es sexualisée à ce point, tu es beaucoup plus draguée sur les plateaux"
"Il y avait des regards lubriques, des techniciens, et ailleurs..."
"Et le mouvement #MeToo, pour moi, ça a été un déclic !", se réjouit la star. Qui désormais perçoit d'un regard critique ces fictions d'antan.
Valérie Kaprisky est une comédienne qui a souffert de ce que le cinéma français d'auteur a banalisé.
Autrement dit, bien des fantasmes, toujours les mêmes il faut dire, marqués du sceau du patriarcat, illustrés par des réalisateurs, dénudant systématiquement leurs (jeunes) actrices. Sans que cette nudité, ou ces scènes de sexe, soient forcément nécessaires à l'intrigue.
Mais surtout, sans que cela témoigne d'une réelle audace artistique : davantage, d'un même désir, celui des cinéastes masculins, quadragénaires, quinquas. Ce que la critique cinéma Iris Brey décrypte à travers son essai, Le regard féminin : le règne d'un "regard masculin", d'un "male gaze", qui plaque sa libido sur ses plans et en fait un imaginaire systématique.
Si les personnages féminins interprétés à l'écran ont pu être complexes, denses, intéressants psychologiquement, intenses émotionnellement, de par le talent de leurs comédiennes, cela n'empêche pas de constater dans bien des films français des années 80 les mêmes tropes, et surtout, la même sur-sexualisation permanente des comédiennes face aux caméras. Ce que suggère aujourd'hui la star de L'année des méduses.