Comment distinguer son fantasme de son désir ? Beaucoup d'hommes et de femmes ont du mal à discerner ce qui tient de l'un et ce qui tient de l'autre, et, par conséquent, peuvent vivre leurs fantasmes dans une certaine culpabilité.
Il est utile, pour comprendre la différence, de repartir depuis l'origine du mot « fantasme ». Il prend sa racine du côté de fantôme, qui est l'apparition, le spectre d'une image. Pour Freud, c'est un message crypté qui court-circuite la censure et permet de faire une distinction entre le scénario imaginaire et le désir. C'est aussi la mécanique qui permet à la fois d'alimenter le désir sexuel, de diminuer la frustration et de contenir d'éventuels débordements. Pour le sexologue Erick Dietrich, les fantasmes sont un compromis entre le monde extérieur et les désirs intérieurs, et entre notre capacité d'adaptation à notre passé, un présent qui n'est pas toujours comme nous le souhaitons, et nos appréhensions du futur.
Rêver de faire l'amour avec une armée de soldats, avec des femmes ou avec le fils de la voisine, ne signifie pas que c'est réellement ce que l'on veut faire, mais que c'est assez interdit pour être excitant et stimuler la libido.
Les fantasmes se construisent sur des souvenirs, des prohibitions, et la perception inconsciente que l'on a, enfant, de la sexualité de ses parents. Et nous avons tendance, dans notre société occidentale, à vouloir contrôler les fantasmes, empêcher que des transgressions imaginaires flirtent avec des pensées qui seraient trop impies. Mais dans d'autres cultures et d'autres civilisations les approches sont tout autres. En Afrique comme au Brésil et partout où il est considéré naturel de parler aux esprits et de pratiquer la transe, l'objectif est d'arriver à un apaisement en passant par des images particulièrement riches.
De récentes théories socio-biologiques avancent que le niveau de testostérone aurait une influence sur les fantasmes (il est équivalent jusqu'à l'adolescence et devient 10 à 20 fois supérieur ensuite chez les hommes alors que chez les femmes il ne fait que doubler). C'est peut-être pourquoi on a longtemps pensé que les fantasmes étaient réservés aux hommes, ou que les fantasmes des femmes n'étaient guère plus que le reflet de leurs frustrations, mais en tout cas pas le moteur de leur libido épanouie. Lorsqu'en 1973, alors que les magazines féminins interviewaient des médecins qui confirmaient que les femmes n'avaient pas de fantasmes, l'auteure américaine Nancy Friday publia le livre « My secret Garden » (« Mon jardin secret »), qui fit l'effet d'une bombe, parce qu'il recensait les différents fantasmes des femmes. Elle a depuis écrit de nombreux livres sur le sujet et classifie maintenant les femmes en fonction des différents fantasmes, avec un effet souverain pour toutes les lectrices, celui de ne plus se sentir isolée, presque anormale, à imaginer tout ce qu'il y a de plus amoral pour évacuer, comme les hommes, le plus de frustrations possibles.
Aujourd'hui, on encourage les femmes qui ont du mal à atteindre l'orgasme à recourir aux fantasmes, aussi bien lors de masturbations que pendant l'acte. D'après le sexologue américain Zeiss, celles qui se laissent aller librement aux fantasmes pendant qu'elles se masturbent ou qu'elles ont des relations avec leurs partenaires, ont plus de probabilité que les autres à connaître (ou reconnaître) leurs orgasmes.
Tant que les pensées engendrent de la satisfaction, qu'elles mènent au plaisir, il faut en profiter sans retenue. On a longtemps poussé les femmes à rêver au prince charmant, voilà qui était bien fantaisiste. Ayons maintenant la fantaisie de fantasmer à notre guise…