C'est l'une des luttes sociales hexagonales les plus fédératrices de ces dernières années : les deux ans de mobilisation et huit mois de grève de la cinquantaine de femmes de chambre de l'hôtel Ibis des Batignolles en 2019, manifestant pour de meilleures conditions de travail. Un combat qui avait abouti en 2021 à la signature d'un accord, victoires à la clé : baisse des cadences, augmentation salariale, internalisation...
Mais le combat de ces grandes invisibles ne se limite pas à la France, loin de là. Aux îles Baléares aussi, les femmes font résonner leurs voix pour faire respecter leurs droits. Mais celles-ci semblent davantage entendues par le gouvernement - de gauche. La preuve : celui-ci a (enfin !) décidé d'alléger la charge des employées de ménage des complexes hôteliers. Employées d'autant plus surmenées que l'endroit est très touristique : pas moins de 16 millions de touristes en 2022, comme le rappelle le journal Ouest France.
Alléger la charge de travail, ca veut dire quoi au juste ? Simple : imposer noir sur blanc un seuil limite du nombre de chambres à nettoyer par jour. Pas juste en fonction de la superficie de la chambre, mais aussi en fonction de l'âge de la femme de chambre concernée. Une vraie avancée pour les travailleuses.
Cette mesure de "plafonnement" de la part du gouvernement socialiste, fruit de larges discussions auprès des syndicats et du patronat, devrait être mise en marche dès l'été prochain, période ô combien charnière concernant l'activité touristique. A cela, précise encore Ouest France, devrait s'ajouter l'installation de lits en hauteur réglables dans les chambres, exigeant de fait moins d'efforts physiques de la part des employées.
L'idée n'est pas de rendre le travail "plus facile", mais simplement de l'humaniser : faire en sorte que les principales concernées n'héritent pas de maux physiques caractéristiques de ces tafs-là, ne malmènent pas davantage leurs dos, leurs articulations, leurs jambes, ne sombrent pas dans la fatigue chronique, l'épuisement, l'hypertension...
Entre autres dommages - la liste est longue.
On se rappelle à ce sujet de ce témoignage de l'actuelle députée Rachel Keke, qui était l'une des femmes de chambre mobilisées dans le cadre de la "lutte de l'hôtel Ibis", et dont les mots démontraient la nécessité d'un combat. Souffrant d'une tendinite après 17 ans de service, elle déplorait : "Souvent j'ai mal. Je me suis fait mal aussi au dos. Ce boulot, ça abîme".
Cela fait des années qu'en Espagne, on ne dit pas autre chose. Là-bas, le collectif Las Kellys défend la cause de "celles qui nettoient" en dénonçant régulièrement des conditions abusives de travail et les hôtels qui en sont la source : sous-traitance, rémunération hyper faible, précarisation, nombre de chambres et de lits à nettoyer en perpétuelle croissance, mais aussi licenciements abusifs, inégalités salariales, santé méprisée...
Une lutte de longue haleine.